Mary Wollstonecraft SHELLEY Titre original : Frankenstein, or the Modern Prometheus, 1818 Première parution : Angleterre, Londres : Lackington, Hughes, Harding, Mavor & Jones, 1er janvier 1818 Traduction de Paul COUTURIAU
GALLIMARD
(Paris, France), coll. Folio SF n° 5 Dépôt légal : septembre 2000 Réédition Roman, 320 pages, catégorie / prix : 6 ISBN : 2-07-041584-8 Format : 10,5 x 18,0 cm Genre : Science-Fiction
« C'est alors que dans la lumière pâle de la lune tamisée par les persiennes, je contemplai le pauvre hère — le misérable monstre – que j'avais créé. Il avait soulevé le rideau de mon lit et ses yeux, s'il est permis de parler d'yeux, étaient fixés sur moi. Ses mâchoires s'ouvrirent et il proféra des sons inarticulés, tandis qu'un rictus déformait ses joues. Peut-être parla-t-il, mais je l'entendis pas. Il avait avancé une main, sans doute pour me retenir, mais je m'étais déjà enfui et je dévalais les escaliers. Je me réfugiai dans la cour de ma maison et j'y restai jusqu'au matin... J'écoutais de tout mon être, redoutant au moindre son de voir s'avancer le cadavre démoniaque auquel j'avais si misérablement donné la vie. »
Publié en 1818, Frankenstein ou le Prométhée moderne est considéré par beaucoup comme le premier véritable roman de science-fiction jamais écrit. Porté à l'écran à de nombreuses reprises, il demeure indissociable de l'interprétation qu'en donna Boris Karloff dans les années 30.
« Encore une réédition de ce machin ». diront certains ! Ils ont tort. C'est un ouvrage qu'il FAUT rééditer, souvent, afin qu'il touche — par le biais d'un grand nombre de collections — le public le plus diversifié. Plus à cause du mythe qu'en raison de la beauté du texte qui, avouons-le, est parfois un peu ennuyeux pour des lecteurs du XXe. On connaît surtout Frankenstein par le cinéma (à ce propos tâchez de voir ou de revoir l'admirable film que Whale en tira vers les années 30). On oublie un peu rapidement que la CREATURE du Dr Frankenstein n'a pas de NOM. Or, dans le roman — et rarement dans les films — elle est peinte avec une intériorité sans quoi on tourne vite au film d'horreur, alors qu'il s'agit d'une tragédie. Cela me paraît essentiel, et il faut dire deux mots de Mary Shelley. Elle est, certes, la femme du très grand poète auteur du Prométhée Délivré (dont les liens avec Frankenstein seraient à élucider). Elle est aussi la femme du Dr Godwin l'un des grands penseurs présocialistes, l'un des premiers à avoir réfléchi à l'impact de la science sur la création d'une nouvelle conception du monde (voir la thèse de Jean de Palacio Mary Shelley dans son œuvre). En somme un texte capital, qu'Aldiss in Billion Year Spreemet à l'origine de la SF moderne, mais qu'on peut aussi bien lire dans l'optique des grands romans gothiques. Ecrit vers la même époque que le Melmoth de Maturin, il vient peu après les triomphes du Moine et des œuvres de Radcliffe. La préface de JB Baronian, strictement informative, est excellente. A posséder en sa bibliothèque, à lire ou à relire.
Intéressante initiative que celle d'Albin Michel Jeunesse : faire découvrir Frankenstein aux plus jeunes. Pourtant, cela n'a rien d'évident, le roman de Mary Shelley étant rempli d'images qui pourraient se révéler choquantes, de la récupération des bouts d'êtres humains sur les cadavres par le docteur Victor Frankenstein aux morts qui parsèment le roman. Il était donc nécessaire d'édulcorer le propos, ce dont s'acquittent Michel Piquemal (l'adaptateur) et Cailleaux (l'illustrateur) : les dessins de ce dernier, bien que secs et évocateurs, insistent très peu sur le côté repoussant de la créature, seules quelques cicatrices sont visibles. C'est d'ailleurs là la principale entorse à l'histoire de Shelley : à aucun moment il n'est fait mention de la constitution du monstre de morceaux épars. Sans doute les plus jeunes auraient été effrayés par cet aspect de l'histoire, certes, mais les adaptateurs auraient pu juste le suggérer discrètement, plutôt que de le passer sous silence. Ce petit défaut ne vous empêchera pas de proposer cet ouvrage à vos chères têtes blondes, en restant près d'elles pour les plus impressionnables d'entre elles.