FLAMMARION
(Paris, France), coll. Imagine n° (48) Dépôt légal : mai 2004 Première édition Roman, 372 pages, catégorie / prix : 23 € ISBN : 2-08-068642-9 Format : 15,0 x 24,0 cm Genre : Science-Fiction
Seul l'EAN (978-2-08-068642-8) est indiqué sur l'ouvrage.
Quatrième de couverture
Né en 1953, Walter Jon Williams a écrit des romans d'aventures maritimes avant de se consacrer à la science-fiction. Avec Câblé, il s'est imposé comme l'un des maîtres du courant cyberpunk, puis a fait montre d'un talent singulier et remarquablement original à chacun de ses livres suivants (Sept jours pour expier, Les joyaux de la couronne, ou les remarquables Plasma et La guerre du plasma, ambitieux diptyque sur la conquête et l'emploi du pouvoir dans un univers complexe à la confluence de la science-fiction et de la fantasy).
Conquérants implacables, les Shaas, extraterrestres dont personne ne connaît l'origine, règnent en maîtres absolus sur l'empire galactique depuis dix millénaires. Au nom de la Praxis, dogme totalitaire, ils ont soumis l'une après l'autre bon nombre d'espèces, rasant parfois sans état d'âme des planètes entières au moindre écart de conduite. Seulement, au fil des siècles, l'ennui a saisi les Shaas, le goût de la conquête s'est étiolé et, dans leurs mémoires surchargées, plus aucune nouvelle information ne peut désormais s'engranger — et ce malgré une singulière assistance informatique. Aussi l'un après l'autre les empereurs se suicident-ils, entraînant dans la mort tous leurs subordonnés directs et les membres de leur famille.
Or voici que le souverain en place, dernier membre vivant des Shaas, annonce son prochain décès. Le trône est bientôt libre. La rébellion des Naxids, qui s'estiment héritiers de l'empire pour en avoir été le premier peuple conquis, crée un véritable choc. Les divisions restées fidèles à la loi shaa de la prestigieuse Flotte chargée de maintenir ordre et sécurité sauront-elles mater ces insurgés ? Et au sein de cette armée qui n'a connu aucun combat depuis des lustres, la fragile alliance des diverses espèces saura-t-elle résister à l'assaut organisé par les rebelles ?
Maniant humour et ironie, Walter Jon Williams brosse ici le tableau décapant d'un monde déclinant ressemblant singulièrement et par bien des aspects à l'ex-empire britannique. Une époustouflante épopée galactique, premier jalon d'un cycle de space opéra appelé à faire date.
Critiques
Et voilà. 10000 ans après que les Shaa se sont taillé un bel empire interstellaire, le dernier de ses immortels, las de tout, vient de choisir la mort. Bon nombre de dignitaires de haut rang appartenant aux races naguère asservies auront l'honneur de le suivre dans son trépas. Ceci dit, ces événements ne devraient pas troubler outre mesure l'ordre établi et la Praxis, la doctrine impériale Shaa, saura sans doute se pérenniser.
Dans cette société aristocratique et clientéliste, le suicide de son protecteur n'arrange pas les affaires de l'ambitieux lieutenant Martinez, de basse noblesse mais de grande fortune. Après avoir dirigé avec succès mais néanmoins en vain la périlleuse manœuvre de la cadette Caroline Sula pour secourir un riche régatier, Martinez s'adonne à la vie mondaine de Zanshaa, la capitale. Il projette de marier l'une de ses trois pestes de sœurs à P.J. Ngeni, un dandy bon à rien. La famille Ngeni étant les protecteurs des Martinez. Sans parler de sa propre vie amoureuse...
Il est transféré de l'état-major où il comptait bien faire son trou sur le Corona, une frégate dont l'équipage vient de remporter la coupe de la flotte de football (anglais — précisons, l'auteur étant américain). Or, le Corona ne vit que pour le foot. Le capitaine assure les fonctions d'entraîneur tandis qu'un bon tiers des membres de l'équipage, notamment gradés et spécialistes, ne doivent leurs affectations et promotions qu'à leurs talents footballistiques. Les autres, dont Martinez, doivent supporter l'équipe, autrement dit, se taper le boulot et les gardes des footballeurs...
Le Corona est affecté sur Mégaria, QG de la 2nde flotte où l'amiral, une Naxide, a organisé une grande fête du sport à laquelle participe l'équipe du Corona. Martinez, lui, subodore qu'il se trame quelque chose. Pendant que les équipages et officiers sont à terre pour jouer au foot, les Naxides s'emparent de tous les bâtiments de la flotte occupés par les autres races de l'empire. Sauf de celui de Martinez, qui a eu le nez creux... Le Corona échappe de justesse à ses poursuivants et parvient à rallier Zanshaa, qui n'est pas tombée grâce à la perspicacité de l'amiral Jarlath.
La 1ere flotte de Zanshaa et la 2nde de Mégaria vont s'affronter dans une grandiose bataille spatiale comme on n'en fait plus depuis Edmond Hamilton. Caroline Sula, qui n'est pas Caroline Sula, aura le privilège de porter un rude coup à l'ennemi...
Mélancolie des immortels est un roman agréable, sans grande ambition autre que de faire passer un bon moment au lecteur, et teinté d'une légère ironie qui renforce l'amusement. On reste cependant bien loin des grosses farces parodiques telles que Bill, le Héros Galactique de Harry Harrison, etc. Ce livre pouvant donc également être lu au premier degré moyennant quelques impasses mineures. Même les mondanités sont rendues attrayantes, en rien ennuyeuses. Les flash-back sur le passé de Caroline Sula contribuent à construire un personnage intéressant. L'intelligence de ce roman ne le démarque des space operas les plus traditionnels et ringards que par sa dimension ludique. Sinon, ce ne serait que du David Weber, ce qui n'a rien d'un compliment... Ce premier volume d'une tétralogie de plus ne fera pas davantage date qu'il ne révolutionnera le genre. C'est un livre sympa mais il n'y a vraiment pas de quoi casser trois pattes à un canard. Pour le fun.
Nom :Walter Jon Williams. Âge : 51 ans. Nationalité : américaine. Profession : écrivain « SubversiF ». Antécédents : a commis de nombreuses œuvres délictueuses dans les domaines du cyberpunk (où il est reconnu comme un maître), du space opera, de la science fantasy. Faits reprochés : Mélancolie des immortels. Chef d'accusation : laxisme littéraire.
La parole est à la défense : Votre Honneur, dans Mélancolie des immortels, on sent chez Mr Williams la volonté de bien faire. L'objet en question met en scène un empire galactique vieux de 10 000 ans, où une demi-douzaine d'espèces prospèrent dans l'adoration des maîtres extraterrestres Shaas, sous la loi de la Praxis. La Praxis ? Il s'agit du dogme fondateur de la société pyramidale érigée par les Shaas, à la fois modèle d'organisation, religion, éthique, morale, dont la finalité est de régler l'existence de chaque sujet de l'empire dans ses moindres aspects, et qui punit le plus petit écart par la mort ou la destruction. Dans la pyramide, il y a une place pour chacun, mais chacun doit rester à sa place. On peut toujours briguer une meilleure place, pourvu que ce soit dans le respect de la Praxis. Au sommet, il y a les Shaas ; puis la caste nobiliaire, les Pairs de l'empire, qui se confond souvent avec les membres de la Convocation (les politiques et administrateurs locaux) ; puis les militaires de la prestigieuse Flotte ; et enfin, à la base, la masse des communs. Derrière ce système rigide, la Praxis -comme dit l'un des protagonistes — est pour tous ce qui donne du sens à la vie. C'est curieusement parce qu'ils ne trouvent plus de sens à leur éternité et à leurs conquêtes que les Shaas terrassés par l'ennui se suicident un à un. Quand le dernier d'entre eux vient à s'éteindre, l'empire orphelin tombe aux mains des fonctionnaires de la Convocation. C'est le moment que choisit la race centaurine des Naxids pour fomenter une rébellion visant à obtenir la domination sur toutes les autres. Au cœur de cette trame globale, on suit plus particulièrement les pérégrinations de deux représentants de l'espèce humaine, Gareth Martinez et Caroline Sula. Le premier est un Pair de deuxième catégorie, un jeune loup aux dents longues qui a intégré la Flotte dans l'espoir de gravir plus rapidement les échelons du pouvoir mais dont l'ambition est desservie par ses origines provinciales et un côté un peu rustique. La seconde n'est pas ce qu'elle semble être ; si elle est animée des mêmes ambitions que Martinez, les souvenirs d'un passé troublant l'empêchent de jouir des bienfaits de sa bonne étoile. Rencontres, intrigues, négociations, mondanités, amourettes, exploits militaires, tout est bon pour assurer aux deux héros des trajectoires ascendantes, trajectoires qui ne cessent de se croiser sans jamais se réunir. Jusqu'à quand ?...
La parole est maintenant à l'accusation : Votre Honneur, l'accusé se fiche du monde. On a beau être un grand écrivain, on peut passer complètement à côté de son sujet. Mr Williams se targue de vouloir faire du space opera, genre balisé s'il en est. De sa part, on était donc en droit d'attendre un grand space opera, dans la lignée de ceux produits par les Herbert, Simmons, Banks ou Vinge. Au lieu de quoi il commet un roman quelconque, qui ne déparerait pas dans le curriculum d'un débutant, mais qui en l'état est inacceptable. Dans la forme, ce n'est pas que ce soit si mal foutu : le style est sans brio mais carré ; les personnages révèlent des dispositions intéressantes — quoique le procédé mis en place autour de Caroline s'inspire largement d'un best-seller de Patricia Highsmith. Simplement, le contenu manque d'épaisseur : aujourd'hui, il faut plus que la mention de portes à trous de vers, de bombes à antimatière ou de football en apesanteur pour exciter l'imagination d'un lecteur de SF. L'intrigue pêche aussi par sa lenteur, sa superficialité ; on peut la résumer en gros à trois séquences qui se répètent à l'envi : « journal intime », « pilotage », « joutes politico-sociales ». C'est peu, c'est mou, tout le potentiel pyrotechnique est noyé sous un luxe de détails inutiles — qui ne donnent même pas à voir les spécificités d'une époque si avancée (sauf pour la technique). Plutôt que de décrire en long, en large et en travers les procédures de lancement d'un fulguro-suppositoire, Mr Williams aurait gagné à explorer les interdits liés à son ingénieux concept de Praxis. En résumé, on ne sait pas pour les Shaas, mais l'ennui risque bien de tuer quelques-uns des téméraires qui tenteront la lecture de cette brique dont la couverture (tirée d'un album de Gamma Ray, sans doute) est déjà une épreuve en soi.
Le jury a délibéré : Accusé Walter Jon Williams, levez-vous pour entendre le verdict. Coupable, Votre Honneur ! Mr Williams, vous êtes condamné à nous livrer une suite qui soit au moins aussi jouissive que le récent Ilium de votre « confrère en crapulerie » Dan Simmons, sous peine d'être relégué au rang des Ed Wood de la littérature !