Ecrit en 1927, ce roman ne semble pas démodé de nos jours, même si le vocabulaire employé peut sembler un peu guindé. Il s'agit d'un récit édifiant : rien que de très normal, donc, à ce que le style soit approprié. Le livre nous décrit les faits et gestes de deux génies du Conseil des Sages Interplanétaires : Alcée de Mars, opportuniste amateur de bonne chère (et de chair tendre !) et Aristos d'Afrique, 300 ans, sorte de savant fou. Après une refonte globale des continents de la Terre, Alcée tombe sur une sphère de platine, qui permet de lire dans les esprits. Les deux hommes propagent peu à peu leur découverte vers les génies, les hommes politiques, les héros et finalement le peuple. De nombreux bouleversements vont s'ensuivre, qui modifieront durablement la société, comme cette vague de suicides des génies du Conseil. Mais l'auteur fait remarquer que les Génies n'ont jamais servi à rien pour faire avancer la société, dont ils constituent un poids mort.
On le voit donc, le propos de ce roman est ouvertement satirique : les différentes catégories « socio-professionnelles » y sont brocardées les unes après les autres. La palme revient aux génies, bien sûr, avec en tête de liste un Alcée qui au bout d'un certain temps ne jure plus que par son propre bonheur, et un Aristos qui s'enferme dans sa tour d'ivoire, inventant gadgets mirifiques et mirobolants sans penser à leur application pratique pour le commun des mortels. On rit donc beaucoup dans ce livre, et on est souvent frappé de la justesse de certaines remarques, surtout quand on sait que Lo Duca (futur fondateur des Cahiers du Cinéma) était encore adolescent au moment de leur rédaction. Ce qui manque à cet auteur en herbe, c'est sans doute le métier de l'écrivain, car le roman perd peu à peu sa trame pour devenir un lieu où l'auteur laisse libre cours à sa verve et à son ironie, en perdant de vue toute progression de l'intrigue. A ce défaut près, ce roman est réjouissant à tous points de vue, et d'une grande originalité.