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Un pour deux

Martin WINCKLER

Cycle : Trilogie Twain vol. 1 


Illustration de Néjib BELHADJ KACEM

CALMANN-LÉVY (Paris, France), coll. Interstices n° (9)
Dépôt légal : avril 2008
Première édition
Roman, 288 pages, catégorie / prix : 17,90 €
ISBN : 978-2-7-021-3905-9
Genre : Science-Fiction



Quatrième de couverture
     Comme tant de grandes villes françaises, Tourmens peut s'enorgueillir de sa magnifique cathédrale médiévale, de sa rivière pittoresque, de ses quartiers difficiles, de son hôpital public sinistré et... de son maire tout-puissant, Francis Esterhazy. Ancien policier, nouveau riche et futur député, le maire de Tourmens braque sur ses administrés une batterie de caméras vidéo et... attire sur lui l'attention des paparazzi depuis qu'il a épousé Clara Massima, l'ancien mannequin vedette.
     Alors que plusieurs top models viennent de mettre mystérieusement fin à leur carrière, Clara Massima, qui se sent menacée, fait appel à « Twain Peeks », petite agence assurant la protection de célébrités et autres people.
     L'un taciturne et réservé, l'autre extravertie et séduisante, Renée et René Twain, les jumeaux propriétaires de l'agence, ne se doutent pas que l'affaire Massima, en apparence très simple, va les mêler à plusieurs assassinats, leur révéler un sinistre complot médico-chirurgical et menacer l'incroyable secret qui les lie, tous deux, depuis leur naissance...

     Roman choral, dont la forme évoque Manhattan Transfer de Dos Passes et Tous à Zanzibar de John Brunner, Un pour deux — premier opus de la trilogie Twain — est non seulement un hommage chaleureux aux séries télé et aux comédies policières, mais aussi une réflexion personnelle sur l'amour fraternel, la différence des sexes et les mystères de l'identité.

     Médecin et écrivain, Martin Winckler est entre autres l'auteur de La Maladie de Sachs (POL, 1998), Mort in Vitro (Fleuve Noir, 2003), Les Trois Médecins (POL, 2004), Camisoles (Fleuve Noir, 2006) et Le Numéro 7 (Le Cherche Midi, 2007).
Critiques
     Dans la catégorie des romans vite lus vite oubliés, nul doute que Un pour deux s'impose comme un challenger de poids. Pourtant, la collection « Interstices », dirigée par Sébastien Guillot, nous avait habitués jusque-là à des titres beaucoup plus insolites, beaucoup plus bouleversants, beaucoup plus troublants, bref, remarquables et justement remarqués. Vous ai-je d'ailleurs avoué être tombé en pamoison après avoir lu La Voix du feu d'Alan Moore (cf. critique in Bifrost n°49). Je ne crois pas mais, à vrai dire, tout le monde s'en fout. Pour revenir à Martin Winckler, je dois confesser sans ambages que son roman fait bien pâle figure dans la collection, si l'on fait abstraction aussi des deux oubliables pochades de Christopher Moore. Non pas que celui-ci dépareille fondamentalement par rapport à l'esprit de celle-ci. Transfictif, Un pour deux l'est sans aucun conteste. Toutefois, on ne peut s'empêcher d'être déçu par son intrigue plan-plan, de surcroît narrée sans aucun éclat à la façon d'un thriller télévisé scénarisé sous prozac. A ce scénario, il serait peut-être temps de s'attaquer, de crainte de lasser le lectorat bifrostien à force de circonvolutions interminables.

     Tourmens, grande ville française imaginaire bien connue des lecteurs réguliers de Martin Winckler (comme le rappellent quelques notes en bas de page évidemment destinées aux étourdis...), est dirigée par un maire tyrannique, ancien policier obsédé de sécurité, qui mène désormais campagne pour se faire élire député car, voyez-vous, il a les dents longues, le bougre. Le personnage est petit, il s'appelle Francis Esterhazy et il a épousé un ancien top modèle prénommé Clara Massima... Il ne faut naturellement pas longtemps pour démasquer la personnalité publique réelle qui est la cible de Martin Winckler. La charge est lourde, la satire trop grossière pour espérer tromper la vigilance du lecteur, même en phase terminale d'assoupissement. Ville de province stéréotypée, Tourmens, à l'instar des cités provinciales filmées par Claude Chabrol, est peuplée d'une humanité hypocrite et mesquine — petite bourgeoisie qui cache à peine ses vices derrière une façade de respectabilité. Sauf qu'il n'y a pas photo : des deux créateurs, celui qui tire allègrement son épingle du jeu, c'est tout de même Chabrol. Le cinéaste excelle dans le portrait social et l'intrigue tordue pendant que l'écrivain œuvre dans la caricature avec, il faut le reconnaître, une touchante candeur. En conséquence, les personnages de Martin Winckler sont soit très méchants, affichant tous les signes extérieurs de leur veulerie, soit très gentils et sympathiques. Parmi les habitants de Tourmens, deux personnages attirent néanmoins l'attention. Ce sont les jumeaux Twain : René et Renée. Ce n'est pas vraiment le secret sur leur nature véritable qui intrigue. Sans vouloir faire de révélation fracassante, il faut reconnaître que c'est un secret de polichinelle vite éventé — en ce qui me concerne, dès leur entrée en scène (page 14), j'avais deviné celui-ci. Non, ce qui suscite un embryon d'intérêt, c'est de savoir de quelle manière l'auteur va traiter cette idée déjà vue (la confusion des sexes). Hélas, les promesses de réflexions sur l'identité et la différence des sexes (dixit la quatrième de couverture) sont à peine tenues. Martin Winckler délaisse rapidement les ressorts du huis clos psychologique entre les jumeaux et banalise irrémédiablement leurs relations avec leur entourage. Au passage, l'adaptabilité dont font preuve le docteur Marc Valène et l'inspecteur Liliane Roche est tout simplement ahurissante et confine à l'intolérance zéro. Martin Winckler se contente donc de survoler son sujet et de l'agrémenter de comptes-rendus médicaux, certes très intéressants, mais anti-littéraires au possible. Et puis, la singularité des jumeaux Twain n'est finalement qu'un élément périphérique d'une intrigue ouvertement policière. Un sinistre complot médico-chirurgical, pour reprendre les termes de la quatrième de couverture ; complot qui ne fait frémir que fugitivement et ne retient l'attention que par les références explicites (on n'a même pas le plaisir de les deviner) à un florilège de séries télé. En conséquence, Un pour deux dérive inexorablement vers la sit-com légère et aseptisée. Une distraction qui n'est pas complètement honteuse mais qui ne va pas plus loin que la dernière page tournée. Une sorte de Un gars, une fille mais sans les grimaces de Jean Dujardin. Inutile d'ajouter qu'on attend avec impatience Liliputia, prochain roman de Xavier Mauméjean qui paraîtra en septembre dans « Interstices », plutôt que le prochain épisode de ce qui s'annonce comme une trilogie. Eh oui ! Nous en n'avons pas terminé avec les jumeaux Twain et la bonne ville de Tourmens. On peut même vous indiquer que le deuxième opus s'intitulera L'un ou l'autre et le dernier Deux pour tous. Tout un programme... de télé. Nous, on zappe !

Laurent LELEU
Première parution : 1/7/2008 dans Bifrost 51
Mise en ligne le : 20/9/2010


     Martin Winckler est un médecin, romancier reconnu, auteur entre autres de La Maladie de Sachs, adapté au cinéma avec Albert Dupontel, et grand amateur de séries télévisées auxquelles il a consacré plusieurs ouvrages. Un touche-à-tout inclassable, donc, soit parfaitement à sa place dans la collection Interstices de Calmann-Lévy, avec un livre lui aussi inclassable. Jugez par vous-mêmes : prenez une ville imaginaire du centre de la France, Tourmens. Confiez sa destinée à un riche entrepreneur devenu maire, Francis Esterhazy (notez le « zy » final), dont le moteur de la réussite tient sans doute pour beaucoup dans sa farouche volonté née de sa petite taille ; ajoutez-lui une compagne ancienne top-modèle. Dans ce cadre, collez une enquête policière bien troussée, à base de manipulations politiques, et surtout un couple de détectives bien particuliers : Renée et René Twain, frère et sœur canadiens, dont le signe distinctif physique, rapidement dévoilé dans l'ouvrage, doit beaucoup à la fascination de l'auteur pour les mystères de la sexualité et de l'identité — n'a-t-il pas préfacé l'ouvrage d'Alexandra Augst-Mérelle et Stéphanie Nicot, « Changer de sexe. Identités transsexuelles » ? Enfin, plaquez sur tout ça un canevas hérité des séries télévisées policières américaines qui rivalisent actuellement d'originalité avec Hollywood — certains diront même qu'elles le dépassent sur ce critère. Tout y est : des références dans le texte, où plusieurs séries sont nommément citées, au cliffhanger qui clôt bien souvent tout épisode qui se respecte, et titres des chapitres, qui vont de 101 à 111, soit pour les non-initiés aux habitudes télévisuelles, du premier épisode au onzième de la première saison. Car oui, il s'agit d'une trilogie, aussi aura-t-on deux nouvelles saisons de l'agence Twain.
     On le voit, ce roman est riche de par ses multiples niveaux de lecture, et de sa multitude d'ingrédients. Est-il pour autant réussi ? L'intrigue policière est satisfaisante, et ménage de nombreux moments de suspense et un climax intéressant ; les personnalités de Renée et René fascinent, d'autant plus qu'elles sont crédibilisées par des entrefilets médicaux, réels ou inventés, que Winckler a insérés dans son roman ; en revanche, la satire de la France politique d'aujourd'hui, à commencer par son président, bien que faisant (sou)rire à plusieurs reprises, est trop caricaturale pour vraiment convaincre. De plus, si chaque partie fonctionne séparément plutôt pas mal, elles ont au final du mal à fusionner pour donner un tout cohérent. A vouloir courir trop de lièvres à la fois, l'auteur n'a pas su éviter le piège du collage de scènes sans grand rapport les unes avec les autres ; de même, les réflexions assez poussées de l'écrivain sur les notions d'identité et la légèreté de la caricature de la politique étaient sans aucun doute inconciliables. Il n'en reste pas moins que le plaisir visible qu'a pris Martin Winckler à écrire ce roman est hautement communicatif, et qu'Un pour deux se dévore, comme on peut rester accro devant une série télévisée. Bref, un livre sympathique mais davantage qu'inclassable, « multi-classable », et c'est bien dommage.

Bruno PARA (lui écrire)
Première parution : 9/5/2008 nooSFere

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