On retrouve avec plaisir, dans ce roman, tous les chevaux de bataille de Philip K. Dick : illusion et réalité, « maladies » mentales, volonté de pouvoir, pouvoirs de la volonté, dilution de l'identité... et tout leur harnachement : simulacres, taxis bavards (et homéostatiques), chambres qui parlent, précogs, télépathes et psychopathes... C'est le Dick que l'on connaît, qui nous inquiète et nous rassure : les bonnes vieilles illusions sont toujours là, les personnages ont toujours aussi peu d'emprise (à quelques exceptions près) sur leur destin, la situation est toujours aussi confuse et le style toujours aussi limpide et déroutant de simplicité.
Mais en plus... en plus, une sorte d'humour délirant, surprenant, des convictions politiques bien ancrées (antiracisme, anticolonialisme, démontage systématique du mythe américain de l'ascension-politique-à-partir-de-rien...) qui font parfois penser à Brunner ! Certains personnages aussi, comme Gus Swenesgard, sudiste raciste et mégalomane, ou Paul Rivers, le bon Dr Justice (ou presque !) n'ont rien de dickien... C'est là que l'on sent l'influence de l'autre, ce mystérieux Ray Nelson, qui ajoute quelques pétillements à ce Dick de bonne cuvée.
Pas une œuvre magistrale donc, mais pas de déception, bien au contraire. Du niveau de Deus irae par exemple (autre œuvre écrite en collaboration) — donc indispensable. Comme les neuf dixièmes de ses livres.