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Les Jardins statuaires

Jacques ABEILLE

Première parution : Paris, France : Flammarion, 1982
Cycle : Contrées (cycle des) vol. 1 


Illustration de Jacques-Ernest BULLOZ

FLAMMARION (Paris, France), coll. Textes suivant dans la collection
Date de parution : septembre 1982
Dépôt légal : septembre 1982
Première édition
Roman, 352 pages, catégorie / prix : 80 Fr
ISBN : 2-08-064492-0
Format : 15,0 x 24,0 cm
Genre : Imaginaire


Ressources externes sur cette œuvre : quarante-deux.org

Quatrième de couverture

Il y a une quinzaine d’années, passant sur une route de campagne, je vis un paysan qui grattait la terre et je me représentai tout à coup un monde où poussaient non des courges, mais des statues. Je garde le souvenir de l’éclatante blancheur du marbre en moi vibrant. En ce moment me fut donné une manière de conte philosophique, une métaphore de la création artistique avec son avers de soins patients à une croissance que tout menace, et son revers, le bourgeonnement fou et la mort du créateur écrasé sous son œuvre. Je menais une vie sans loisir et des années passèrent sans me laisser l’occasion de tracer la plus modeste ébauche. Puis j’étais dans une chambre d’hôtel et je voyais ma vie que je rompais en faveur de l’avenir. J’étais seul et des pensées me menaçaient. Je pris un cahier et me mis à écrire ce conte dont l’idée me revenait dans mon désœuvrement. Je croyais en faire le tour en quelques pages. Ma minutie m’entraîna, et enfin un obscur désir de réalité. Je ne veux pas dire qu’il m’importait de rendre vraisemblables des fantaisies, mais qu’il y avait dans le monde que je découvrais trop de richesse pour qu’il consente à la fade transparence d’une allégorie ; je cessai de vouloir ce que j’écrivais et laissai surgir des incongruités. Ainsi ce qui devait n’être que le divertissement d’un moment, fut le rêve de quelques mois. Le plus étrange était que cette exigeait son temps propre et retardait sa clôture. Par exemple, si des petites filles hantent cette narration, c’est que deux enfants, Laurence et Stéphanie, vinrent jouer autour de la maison où j’écrivais, leurs rires montaient jusqu’à ma fenêtre ; le roman happa ce reste diurne et s’en nourrit. Je crus avoir écrit l’œuvre d’un fou ; l’ayant laissé quelque temps, je m’étonne d’une cohérence inattendue. C’est ainsi. Écrivant, il arrive que l’on franchisse par mégarde une indécise et insoupçonnée frontière ; ce dont on se croyait maître se met à exister de son propre poids et, tandis que l’auteur bascule dans une moindre existence, se dresse un être de parole que son élan porte au dehors. La publication est moins une ambition qu’un geste de bonne foi. Il me semble.

J.A.

Jacques Abeille est né à Lyon le 17 mars 1942. Adolescence à l’île de la Guadeloupe; études supérieures à Bordeaux; philosophie, littérature, arts plastiques. Écrits à la faveur d’un rêve éveillé, LES JARDINS STATUAIRES sont un premier roman.

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition Le TRIPODE, (2016)

FOCUS JACQUES ABEILLE

1. – Les Jardins statuaires – le Tripode – mars 2016

2. – Les Voyages du fils – le Tripode – mars 2016

3. – Chroniques scandaleuses de Terrèbre – sous le nom de Léo Barthe – le Tripode – mars 2016

4. – La Grande danse de la réconciliation – le Tripode – mars 2016

5. – Le Monde des Contrées – le Tripode – mars 2016

6. – Le Dépossédé, Territoires de Jacques Abeille – le Tripode – mars 2016

 

     Impossible ici de livrer une critique exhaustive de ce qui constitue le plus important moment éditorial de toute la carrière de Jacques Abeille. En effet, pas moins de sept ouvrages, de lui ou à lui consacrés, sortent en l’espace d’un mois : on y trouve un roman réédité (Les Jardins statuaires), d’autres révisés et augmentés (Les Voyages du Fils et Chroniques scandaleuses de Terrèbre), la parution d’un inédit sous le format beau-livre (La Grande danse de la réconciliation), un guide introductif à l’univers des Contrées (Le Monde des Contrées) et un volume d’études, le premier en son genre (Le Dépossédé, territoires de Jacques Abeille), le tout aux éditions du Tripode, sans oublier la réédition du recueil de nouvelles Celles qui viennent avec la nuit, épuisé à ce jour, aux éditions in8. Est-ce pour autant une surprise ? Bien sûr que non, quand on suit depuis 2010 l’aventure éditoriale de cette œuvre hors du commun qui trouve un lectorat de plus en plus large à mesure que sa vaste architecture apparaît plus clairement aux yeux de tous.

     D’où un premier constat et non le moindre : c’est fait, le « Cycle des Contrées » est enfin publié chez un seul éditeur, le Tripode (anciennement Attila), dans une même maquette avec couverture de François Schuiten, carte des Contrées de P. Berneron mais aussi des peintures originales réalisées spécialement pour la réédition des Chroniques scandaleuses. Notons de suite également que tout un pan de l’œuvre d’Abeille se révèlera un peu plus précisément au lecteur, celui des textes brefs – pour ne pas dire nouvelles, car tous tissent une seule et même histoire, du fil de la vie d’un mystérieux scripteur qui se dérobe sans cesse aux confins de la fiction. Le lecteur en a déjà eu un bel aperçu l’année dernière avec le recueil Fins de carrière (éditions in8), et il en découvrira l’inspiration érotique dans la réédition augmentée des Chroniques et de Celles qui viennent avec la nuit.

     Après la réédition en mars 2015 du Veilleur du jour, le roman d’Éros en Terrèbre (cf. critique in Bifrost n° 79), le lecteur attendait de pouvoir enfin redécouvrir Les Voyages du fils et les Chroniques scandaleuses de Terrèbre, qui sont en quelque sorte le cœur battant de l’ensemble romanesque, centré sur deux figures non sans liens : l’une purement fictionnelle qui a déjà fait une apparition dans La Barbarie, Ludovic Lindien, et l’autre à cheval sur notre monde et celui du récit, Léo Barthe. La quête de l’identité au cœur des grands romans se poursuit ici : on y découvre entre autres qui est vraiment le héros du Veilleur du jour, Barthélemy Lécriveur, ce qu’est devenu Felix, l’apprenti de Uen Ord dans Les Barbares, ou encore Licia, comment se sont aimés Barthélemy et Coralie, qui est Ludovic pour Léo, etc. On apprend surtout, par le récit et par l’exemple que constituent les Chroniques publiées sous son nom, qui est Léo Barthe, cet auteur à la réputation sulfureuse, ce frère de lettres qu’on ne saurait distinguer de son jumeau, Abeille. On l’aura compris, le réseau d’un roman à l’autre ne cesse de se faire de plus en plus dense, et le texte inédit ajouté dans chacun des deux volumes concourt un peu plus à construire la cohérence du Cycle. Il ne faudrait pas croire pour autant que Les Voyages et les Chroniques sont accessibles seuls aux initiés : le talent à conter l’aventure, le voyage et la merveille, le mystère et le charme de l’écriture, l’exquise sensibilité de l’érotisme vous emporteront quelle que soit votre connaissance préalable des « Contrées ».

     La Grande danse de la réconciliation réunit avec bonheur en un volume unique de nombreux aspects énumérés ci-dessus : texte bref, érotisme, même narrateur en la personne de Ludovic Lindien qui se révèle une nouvelle fois un fin ethnographe (après les Carnets de l’explorateur perdu, Ombres, 1993), servi par les beaux dessins de Gérard Puel.

     Celles et ceux qui entrent dans le Cycle par cette triple porte pourront se reporter utilement au Monde des Contrées, dans lequel Éric Darsan et un collectif de graphistes résument et illustrent les grands épisodes des « Contrées ». Quant aux plus avertis, ils trouveront dans le volume d’études réunies par votre serviteur, Le Dépossédé, de quoi découvrir plus intimement une œuvre multiforme et abyssale, en attendant d’en apprendre davantage sur l’écriture érotique d’Abeille/Barthe grâce aux actes à paraître d’un colloque qui s’est tenu sur ce sujet le 13 avril dernier à la bibliothèque de l’Arsenal, deuxième temps d’un triptyque qui se clora en 2017 sur une journée consacrée aux rapports entre arts et poésie chez Jacques Abeille.

Arnaud LAIMÉ
Première parution : 1/4/2016
Bifrost 82
Mise en ligne le : 17/8/2022

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