John et Dave, deux losers fans de ciné travaillant plus ou moins dans un club vidéo. À un concert, John rencontre un type passablement déglingué, le « Jamaïcain », qui lui fait essayer une nouvelle drogue. Les effets sont radicaux. En plein « bad trip », John hallucine sévèrement. Peu rassuré, Dave le conduit à l’hôpital. À la suite de quoi la police leur fait subir un interrogatoire en règle. Il semblerait en effet que tous ceux qui ont pris ce soir-là la drogue du Jamaïcain soient morts ou se soient évaporés. Ensuite, autant vous prévenir : ça devient vraiment chelou. Un téléphone-hot-dog, une balle qui aurait dû tuer mais ne tue pas, une conférence apocalyptique sur le paranormal à Las Vegas, une télé qui vous regarde et tout un tas de rencontres que l’on aimerait qualifier autrement que de « non euclidiennes »…
« Ce n'est pas parce que je suis paranoïaque qu'ils ne sont pas tous après moi. »
Le narrateur du roman, c'est David Wong 1 lui-même. Avec son pote John, ils travaillent dans un vidéo-club, et jouent dans un groupe de rock. Lors d'un concert, ils croisent la route d'un dealer de drogue qui leur fait essayer une dope qui prend la forme... d'une sauce soja ! Dès lors, le monde tel qu'ils le connaissaient cesse d'exister, et ils doivent désormais faire face à des monstres invraisemblables (l'un d'entre « hoche la dinde », puisqu'il a une volaille en guise de tête), une mignonne chienne qui meurt à plusieurs reprises et revient systématiquement, une distorsion du temps qui les fait converser au téléphone à deux instants différents... et une flopée de situations tout aussi abracadabrantes. On ne saurait décrire plus avant ce roman, tant il regorge de trouvailles invraisemblables, de personnages indescriptibles ou de saillies jubilatoires. Tout est source de fréquents fous-rires, et David Wong fait preuve d'un véritable sens du rythme comique et des répliques bien senties qui font de John meurt à la fin l'un des bouquins les plus jouissifs parus ces dernières années, et l'un des plus drôles qu'il m'ait été donnés de lire. En outre, l'humour alterne régulièrement avec des scènes plus sérieuses, franchement flippantes, de telle sorte que l'on ne sait jamais vraiment comment va se poursuivre l'histoire. Un vrai potentiel de cinéma, donc, et Hollywood ne s'y est pas trompé, qui a adapté ce roman sous la caméra de Don Coscarelli, l'auteur de l'inoubliable Bubba Ho-Tep.
S'il est particulièrement fendard et bien rythmé, ce livre souffre néanmoins de sa taille : 600 pages. On aurait aimé que l'auteur ramasse un peu son écriture pour en démultiplier l'impact : sur 600 pages, difficile de garder le rythme et le comique de situation au niveau maximal. La raison de cette taille : David Wong a d'abord publié sa prose sous forme d'épisodes sur le web, où il pouvait laisser libre cours à son imagination. Bien qu'il ait édité le matériel pour la publication en livre, la genèse du texte se retrouve donc dans sa longueur et aussi dans certaines redites ponctuelles.
Quoi qu'il en soit, cela ne saurait gâcher le réel plaisir que l'on prend à lire ce livre : la preuve, on en redemande. Et ça tombe bien, puisque David Wong lui a donné une suite en 2012 : This Book Is Full of Spiders. Tout un programme !
Dans une petite ville américaine dont le nom et la localisation ne nous seront pas révélés, John et David tuent l’ennui comme ils peuvent : en consommant autant d’alcool que d’herbe, en jouant dans un groupe punk, et, occasionnellement, en enquêtant sur des phénomènes surnaturels. C’est l’une de ces investigations qui va les mettre en contact avec une drogue aux vertus particulières, la sauce soja, un produit – à moins qu’il ne s’agisse d’un être vivant – dont on ne sait pas trop s’il se contente de modifier la perception du réel ou la réalité elle-même. Une chose est sûre : ses consommateurs ne font pour la plupart pas de vieux os.
Les voies de l’édition étant ce qu’elles sont, John meurt à la fin arrive en librairie plusieurs mois après la sortie en DVD de son adaptation cinématographique signée Don Coscarelli. Et découvrir ces deux œuvres dans cet ordre ne plaide pas franchement en faveur du roman, tant l’admirable réalisateur de Phantasm et Bubba Ho-Tep a su tirer la substantifique moelle des écrits de David Wong, alors qu’à l’inverse il apparaît de manière flagrante que ce dernier tire à la ligne de manière éhontée à longueur de chapitres.
Pourtant, les choses démarrent bien et durant les deux cents premières pages, l’auteur fait feu de tout bois, enchaîne les idées délirantes et les situations absurdes. En vrac et parmi bien d’autres choses : un monstre fait de viande et de saucisses surgelés, un rasta baptisé Bob Marley, une moustache tueuse ou des coups de téléphones égarés dans le flux temporel. Malheureusement, son imagination se tarit assez vite, les trouvailles se font de plus en plus rares et il finit par ressasser les mêmes situations encore et encore. Pour ne rien arranger, David Wong a toutes les peines du monde à donner un semblant de consistance aux personnages qu’il met en scène. Son héros se contente d’être le narrateur incrédule d’une histoire à laquelle il ne comprend pas grand-chose ; John est ce type bizarre au comportement défiant toute logique, le reste du casting est composé de silhouettes aussi interchangeables que périssables. Pour ne rien arranger, il apparaît de plus en plus clairement au fil des pages que l’auteur improvise son histoire et qu’il n’a pas la moindre idée de l’endroit où il compte amener le lecteur.
Initialement paru en feuilleton sur internet, John meurt à la fin a ensuite été repris par un éditeur traditionnel. C’eût été l’occasion d’effectuer un sévère travail d’élagage sur ce texte, ce qui n’a visiblement pas été le cas. Les plaisanteries les plus courtes étant généralement les meilleures, le roman affiche au compteur quatre cents pages de trop et termine sa course dans le mur. Dommage.
Philippe BOULIER Première parution : 1/1/2015 Bifrost 77 Mise en ligne le : 6/5/2020