Les Brigades vertes, des éco-terroristes de choc, viennent briser la routine des feuilletons débiles et du blablabla à propos des derniers scandales hollywoodiens sur la petite chaîne de télévision KLAX-TV. Ce n'est pas seulement le personnel qu'ils prennent en otage, mais l'Information. Cette Information qui nous cache tant de choses...
Né à New York en 1940, installé à Paris depuis 1988, Norman Spinrad décline brillamment, tout au long de son œuvre, ses craintes et ses doutes face aux potentialités corruptrices du pouvoir, politique autant que médiatique.
Un commando écologiste s'empare d'une petite chaîne de télévision privée californienne. Il prend en otage le directeur et les trois animateurs, menace de tout faire sauter, annonce même que l'explosion libérerait une bonne quantité de poussière de plutonium sur Los Angeles. S'ensuivent huit jours de huis clos, de portraits de présentateurs et de « terroristes », de retournements et de suspense : les otages manoeuvrent pour survivre, entre la violence des policiers locaux, le cynisme des officiels et les contradictions de leurs geôliers, sans que l'on sache vraiment où est le plus grand danger pour eux. Le tout est raconté par Spinrad avec son efficacité habituelle, ce qui n'est pas peu dire.
Certes, les ficelles habilement manipulées sont celles du thriller, et il y a apparemment peu de SF là-dedans, en dehors de l'aggravation de la pollution et de la sécheresse, peut-être du système d'interconnexion des chaînes, et surtout de la raison initiale de la prise d'otages, alerter l'opinion avant qu'elle accepte par référendum l'installation d'une série de réacteurs nucléaires dans une zone connue pour ses tremblements de terre. Reste qu'il s'agit bien d'extrapolation, et qu'en dehors même des antécédents de l'auteur, le roman mérite tout à fait qu'on le mentionne ici, et qu'on le dévore. D'autant qu'il fait réfléchir sur notre monde. Car les preneurs d'otages sont eux-mêmes pris en otage, par les médias. Ils deviennent un élément du spectacle ; en même temps, les plus sympathiques, les moins fanatiques, acceptent cette absorption, qui leur bénéficie, et permet de faire avancer une partie de leurs idées, alors que les autres ne cachent qu'une pulsion de mort sous leur radicalité. Et si l'auteur, nostalgique des années soixante, appelle les lecteurs à se mêler de tout ce qui les regarde, de ce qui pèse sur leur vie, en même temps, il est loin de condamner le star-system, politique ou médiatique — il faut dire qu'il y participe un peu. Dernière pirouette, tout est fait pour que ce livre sur les médias soit facilement adaptable au cinéma ou à la télévision. Tout cela évite à ce roman éminemment politique les lourdeurs et les tristesses de la démonstration, et confirme Spinrad dans son rôle de liberal, mais au sens américain du mot, c'est-à-dire plus près de Cohn-Bendit que de Juppé ou de Madelin : on ne s'en plaindra que modérément.