Alias Will Jenkins (1896-1975), né en Virginie. Il a commencé à écrire dès l'âge de dix-sept ans pour devenir l'un des plus prolifiques auteurs de science-fiction.
De gigantesques papillons carnivores, des hannetons tueurs, des fourmis semblables à des loups... voici les maîtres de la planète oubliée. Son programme de développement vital s'est arrêté aux Insectes !
Et c'est sur cette terre maudite que le vaisseau Icare s'est écrasé, il y a des siècles... Au fil des générations, la peur a transformé les survivants en hordes primitives : ils ne savent plus que fuir ou se cacher.
Jusqu'au jour où, face à la mort, un adolescent ne recule pas, invente une arme et revient, paré des ailes du phalène vaincu.
Désormais les hommes veulent se battre, traquer, massacrer les insectes. Tandis qu'ils avancent, la Flore se réveille...
Voilà un bouquin mythique s'il en fut ! Publié originellement en 1960 dans l'éphémère série SF (sept titres) des éditionsDitis (ancêtres de J'ai Lu), il réapparaît aujourd'hui, dans une traduction révisée et complète (celle de jadis était abominablement tronquée), mais avec la même et ô combien frappante couverture de Benvenuti : cet homme vêtu d'un pagne en ailes de papillon, se protégeant avec un bouclier en carapace de coléoptère, et combattant une mygale géante avec un épieu fait d'une mandibule de lucane...
Un rêve qui passe. Comme l'auteur du bouquin ! Qui se souvient, aujourd'hui, de Murray Leinster ? Cet honorable écrivain, mort en 1975 à l'âge de 79 ans, est en général considéré comme le doyen de la profession, puisqu'il publia son premier texte du genre en 1918. Et c'est en 1920 et 21 que paraissent, dans la revue Argosy, les deux premiers épisodes de ce qui deviendra, en 1953 seulement et avec l'adjonction d'une troisième partie, le roman intitulé Forgotten planet..
Le sujet ? Bateau... Une planète est « oubliée » après la troisième phase de sa terraformation et se trouve ainsi ensemencée uniquement d'insectes et de poissons, qui mutent, deviennent gigantesques. Bien plus tard, un vaisseau fait naufrage sur ce monde : les rescapés retournent à la sauvagerie et luttent pour survivre contre les insectes géants.
Un postulat où sont mises en œuvres plusieurs constantes thématiques et idéologiques de ce qu'on a appelé « l'âge d'or ». La première est bien sûr la lutte omniprésente (dans la SF de l'époque) de l'Homme (avec un grand H) contre l'Autre, l'Anormalité, qui n'est au départ en position de supériorité que pour être vaincu en fin de parcours et démontrer que le vrai patron, c'est bien l'Homme. La deuxième (mais ce discours est contenu dans la constante numéro un), c'est que l'Homme, pour vaincre, doit s'organiser, donc avoir un chef. Et La planète oubliée raconte bel et bien « l'enfance d'un chef », Burl, qui s'impose par sa vaillance au sein d'une tribu de lâches : Il était maintenant dans l'ordre des choses que Burl commande et que les autres obéissent (p. 104). La troisième constante est de prendre, comme monstre, une entité qui doit être d'autant plus effrayante qu'elle est familière : ici, les insectes, grands adversaires de l'homme, qui piquent, transmettent les maladies, bouffent les cultures... et font prospérer les industries chimiques. Leinster, se parant de l'ombre portée de Fabre, n'hésite pas à les agrandir démesurément, oubliant qu'un insecte géant serait écrasé par son propre poids et y allant d'un anthropomorphisme bon teint, qui dote la tarentule d'une patience ignoble, tandis qu'un hanneton fixe l'univers d'un regard soucieux...
D'où de nombreux morceaux de bravoure, notamment contre les araignées (férocité individuelle) et les fourmis (organisation tentaculaire). Mais au bout du compte, c'est bien vrai que le rêve passe. Si le roman de Leinster ne vous pousse pas à l'admiration euphorique (le style de l'auteur est plus que poussif), on se prend, en le lisant, à rêver à la bande dessinée que cela ferait (même si Lecureux et Poïvet, entre autres, y avaient touché dans Le jardin fantastique), ou au film qu'un Ray Harryhausen (qui avait déjà employé les insectes dans L'île mystérieuse) en tirerait. Et pour les enseignants, n'est-ce pas Messieurs Ferran et Grenier, quelle mine !
Bref, un livre qui exprime plus par ce qu'il y a autour que par ce qui s'y trouve, et qui donne envie de demander la réédition des meilleurs Leinster, Le dernier astronef (Rayon Fantastique) ou Les voleurs de cerveau (Fleuve Noir) par exemple...
Il fut un temps où la lutte contre des insectes géants faisait partie du programme quotidien de tout héros de science-fiction digne de ce nom. Les personnages de ce roman de Murray Leinster ont à faire face, eux aussi, à de monstrueux scarabées et à des araignées dont les pattes sont longues d'un mètre. La chose s'explique si l'on sait que ce roman résulte de la fusion de trois nouvelles, dont les deux premières parurent en 1926 et 1927 respectivement (la troisième datant de 1953).
Ce n'est cependant pas à une simple « curiosité historique » que nous avons affaire ; les trois récits primitifs ont été combinés en un tout cohérent, logiquement développé. La planète oubliée qui sert de décor était primitivement prévue pour la colonisation humaine – le roman se déroulant dans un lointain avenir. La perte d'une fiche de catalogue a interrompu l'œuvre de préparation écologique ; ainsi, lorsque des humains y arrivent, à la suite d'un accident de fusée, ils se trouvent dans un univers de cauchemar, dominé par des insectes colossaux. En quelques générations, les êtres humains sont réduits à l'état d'animaux inférieurs qui doivent constamment lutter contre leurs redoutables adversaires s'ils veulent vivre. Le roman raconte la lente remontée d'une tribu humaine : de l'état de bêtes traquées, ses membres passent à celui non pas de civilisés, mais de barbares ; le lecteur assiste à cette prise de conscience, qui constitue en fait la part principale de l'action.
Sans doute le protagoniste parvient-il à tuer des insectes qui, précédemment, le terrorisaient ; mais Murray Leinster fait clairement sentir que ses premières victoires sont dues au hasard. Et c'est ce hasard qui, progressivement, lui donne conscience de ses possibilités. En effet, Burl, le héros, a une qualité remarquable : il n'est aucunement un surhomme. Il n'invente pas la roue, il ne découvre pas le feu. Mais il remarque que ses victoires sur les insectes, et le début d'assurance qu'il en éprouve, lui donnent une sorte d'ascendant sur ses compagnons de tribu. Et c'est pour conserver cet ascendant qu'il prend des initiatives. À ce point de vue, le roman constitue indéniablement une réussite.
Quant au monde sur lequel Burl et ses compagnons s'efforcent d'abord de subsister, il est dépeint avec une réelle intensité, et aussi avec un souci appréciable de la vraisemblance scientifique : les insectes de Murray Leinster sont des monstres que l'on ne voudrait guère rencontrer, dans une forêt ou ailleurs. Mais ils demeurent des insectes par leur instinct, leur façon de chasser, leur réflexe de se défendre contre tout ce qui paraît insolite.
Comme la plupart des autres romans de science-fiction publiés par Ditis, celui-ci est traduit de façon médiocre, et comporte plusieurs passages dont le texte a été « abrégé » par rapport à celui de l'original. Il demeure néanmoins digne d'être lu, même dans sa version française.
Demètre IOAKIMIDIS Première parution : 1/4/1961 Fiction 89 Mise en ligne le : 28/1/2025
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