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Ciné-ville

Ramon GOMEZ DE LA SERNA

Titre original : Cinelandia, 1923   ISFDB
Traduction de Marcelle AUCLAIR

UGE (Union Générale d'Éditions) - 10/18 (Paris, France), coll. 10/18 - Domaine étranger précédent dans la collection n° 2627 suivant dans la collection
Dépôt légal : juin 1995
222 pages
ISBN : 2-264-01858-5


Quatrième de couverture
     Ciné-ville, c'est, imaginée et fantasmée par Ramon Gomez de la Serna (1888-1963), une parodie de Hollywood à la fois burlesque et mélancolique qui oscille sans cesse entre la farce chaplinesque et la nostalgie rétro. Il y a chez Ramon une sorte de rage de la définition, une façon d'en finir avec le lieu commun, c'est-à-dire la langue du prétendu « bon sens ». A chaque page l'inattendu surgit, qui éclaire la phrase et fait rebondir le propos. Le texte s'ouvre sans cesse du côté du désir vers l'humour et l'érotisme. « Les trois plus grands écrivains de ce siècle sont Proust, Joyce et Ramon Gomez de la Serna », c'est ainsi que Valery Larbaud présentait cet écrivain espagnol dont il découvrit l'œuvre dans les années 20.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition LEBOVICI G., (1988)

     Au plus souvent, les rééditions sont affaire de routine : perpétuer des écrivains dont le renom n'est plus à faire. Parfois aussi, un éditeur joue la carte de la surprise, comme on lance une mode. On exhume l'un ou l'autre livre rare et daté, qui satisfasse sans lendemain curiosités et nostalgies. Or, l'éditeur Lebovici (ex-Champ Libre) vient de déroger à ces règles implicites, et de frapper fort. Quatre romans 1 de l'espagnol Ramon Gomez de la Serna (1888-1963) sont réimprimés d'un coup, un coup de théâtre qui révèle un écrivain immense — auteur de plus de cent livres.
     Une résurrection. De la Serna avait dominé le début du siècle (Valéry Larbaud le plaçait à l'égal de Proust et de Joyce), avant de tomber dans les oubliettes de l'histoire littéraire. « Oubli » incroyable, mais que peut expliquer la mobilité ludique de cet écrivain, adepte du livre court et des changements de style. Pas question chez lui d'une œuvre monumentale, peaufinée toute une vie durant, par laquelle s'assurer une gloire lourdaude. Sa stratégie était celle du fragment, d'une vision éclatée du monde. Et la variété de sa production a bien pu le faire passer pour un dilettante, l'habile illusionniste d'une époque pressée : c'est préférer les mausolées au mouvement de la vie.
     Mais revoici de la Serna, écrivain fou de la chose vue et des phrases qui font mouche. Quatre démonstrations de son alacrité, dont ce Ciné-ville (1923), roman déconcertant et reportage imaginaire sur Hollywood où il ne mit pas les pieds. En quarante-deux séquences s'orchestre la visite guidée, et au pas de course, d'un monde des artifices, où des villes se construisent pour être incendiées et prétendre devenir éternelles en donnant son décor flamboyant à quelque film de genre. Ciné-ville, cité des faux semblants. Les habitants y miment les sentiments comme le font les acteurs d'une bande muette, ils ont leur nom de scène pour toute identité et n'existent physiquement qu'en fonction des rôles qu'ils pourraient jouer : la belle entretenue, la femme fatale, le jeune premier, le financier, le nègre, l'ivrogne idéal, le fou photogénique. Et les visages de traître sont fort recherchés.
     Description enjouée des comédies sociales, et récit prémonitoire : « on craint que la télévision soit l'ennemie de ces longs rubans de celluloïd dont on expédie d'innombrables copies. Dans un temps futur, tout changera : on enverra la projection par radio... » Anticipation dont certaines composantes sont encore à venir. Ainsi ce nouveau cinéma projetant l'esprit des spectateurs hypnotisés dans la réalité de l'action. « Grâce à la force électrique, radiographique et quintadimensionnelle du nouvel appareil, les spectateurs entreront par l'entonnoir caélotique qui se substituera au drap blanc de l'écran. Les corps endormis des spectateurs resteront dans la salle, sous la surveillance des agents de l'autorité. »
     On lit de la Serna en songeant aux Futuristes, bien sûr, à leur dynamique d'instantanés d'un siècle un devenir. Mais sans les illusions de Marinetti. « Le scepticisme surnage à Ciné-ville. Tout s'y passe comme cela finira par se passer dans le monde entier, à condition qu'il n'y ait pas de prolétariat. » Les Cinévillais, qui « s'occupent tous du simulacre d'une affaire, côtoyant les rivages d'un tourisme perpétuel », risquent d'être actuels pour longtemps encore...


Notes :

1. Outre Ciné-ville, les Editions Lebovici rééditent Le Docteur Invraisemblable, Gustave l'Incongru et La Veuve blanche et noire, trois livres gorgés d'une verve drolatique. Et l'opuscule intitulé Seins, typologie de charmes anatomiques précis, vient d'être publié chez Ryön-ji.

Alain DARTEVELLE
Première parution : 1/1/1988
dans Fiction 393
Mise en ligne le : 3/12/2002

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