La collection Quark noir présente au moins deux intérêts. Le premier réside dans son concept même : confronter une série d'auteurs différents à un même héros (Mark Sidzik) et une même problématique (éthique et science), c'est se donner l'occasion de comparer leurs prestations face à une sorte de « cahier des charges » commun. Un peu comme dans ces régates où tous les concurrents disposent du même bateau et où seules l'intelligence, l'expérience, la « patte » de l'équipage peuvent faire la différence. Le second, c'est que la thématique de la série en fait de la science-fiction au sens littéral du terme : des fictions tournant autour de problèmes d'ordre scientifique. Inutile de chercher ici des planètes lointaines, des astronefs extra-terrestres ou des futurs hallucinants. Certes, on pourrait éventuellement parler d'anticipation, puisque les romans se situent à une ou deux années dans le futur... Mais à cette exception près, ils tiennent davantage du polar scientifique que de ce qu'il est coutume, dans l'opinion, d'appeler de la science-fiction.
Pour ce qui est du premier point, à savoir la « patte » des différents auteurs, j'avoue que je partais avec un a priori négatif. Pour la lectrice de SF que je suis, Jean-Michel Riou, auteur jusqu'à présent de quelques romans policiers (Rendez-vous chez Scylla, le Mille-Pattes, le Boîtier rouge), était un parfait inconnu. Difficile pour lui, à mes yeux, de soutenir la comparaison avec de « vieux » routiers de la SF comme Richard Canal (Cyberdanse macabre), Pierre Bordage (Graine d'Immortels), Jean-Pierre Andrevon (Requiem pour dix Cerveaux en Fugue), etc. Mais le préjugé disparaît rapidement. Peut-être parce que, finalement, les Quark noir sont avant tout des polars, Jean-Michel Riou réussit à embarquer Mark Sidzik dans un complot médiatico-météorologico-scientifique plein de rythme, de suspense et d'intérêt. Le style est vif, incisif, dépouillé. Il confère à Sidzik et aux autres personnages de la série (l'Emmerdeur Cailloux, Salinger, etc.) une pèche à tout casser.
L'intrigue, quant à elle, cadre parfaitement avec le « cahier des charges ». On y trouve des apprentis-sorciers prêts à utiliser des techniques encore mal rodées pour se faire davantage de fric, des requins du capitalisme disposés à trucider leur prochain pour les mêmes raisons et une palanquée de gentils savants ayant compris que « science sans conscience n'est que ruine de l'âme »... Le duo de méchants qui, tels Minus et Cortex, rêvent de conquérir le monde, sonne assez juste pour que le complot soit crédible. Les passages à teneur scientifique ne manquent pas d'intérêt et l'on y apprend, si l'on ne le sait déjà, la manière dont sont faites les prévisions du temps. Bien sûr, l'analyse des profits potentiels (économiques et politiques) d'un contrôle de l'information météo reste beaucoup trop superficielle pour être vraiment satisfaisante, mais cela tient essentiellement à la faible longueur du roman. Comme le montre la postface de Robert Sadourny, directeur de recherches au Laboratoire de Météorologie dynamique de l'ENS, le scénario de Jean-Michel Riou décrit une situation qui pourrait fort bien devenir réalité, tant le marché de la météo comporte d'enjeux et de retombées juteuses, susceptibles d'attiser la convoitise des milieux financiers. D'ailleurs, l'habile référence aux tempêtes de décembre 99 lui conférer d'emblée une certaine aura d'authenticité. Nous avons tous vu les conséquences économiques que pouvait avoir la sous-estimation d'un événement climatique — nous pouvons donc tous comprendre l'intérêt qu'il y aurait à contrôler les prévisions météo.
En somme, un livre qui, sans être transcendant, se laisse lire agréablement et soutient sans peine la comparaison avec les autres romans de la série. A conseiller à ceux qui cherchent un livre vite lu, au suspense soutenu et au style bien torché.
Nathalie LABROUSSE (lui écrire)
Première parution : 10/7/2000 nooSFere