Hautains, inapprochables, sans bouger de leur sphère ils dirigent le monde. Avec l'insouciance que leur donne l'immortalité. Dans l'ombre, les mystérieux Cyborgs, mi-hommes, mi-robots, guettent l'instant favorable à la prise du pouvoir. Les « Ordinaires », enfin, ne sont guère que des esclaves soutenus par leur rêve permanent : triompher de la stérilité.
Critiques
Dans sa préface au Livre d'or consacré à Frank Herbert (Presses Pocket), Gérard Klein parlait de l'« effet de moiré » stylistique obtenu par l'auteur en entrecroisant et en superposant des trames relativement simples. Ce faisant, le préfacier reconnaissait que le talent d'Herbert ne pouvait s'épanouir pleinement que dans des œuvres longues et toujours inachevées. Ainsi le prodigieux cycle de Dune. Voilà pourquoi sans doute Les yeux d'Heisenberg (écrit en 1966 et troisième roman de l'auteur) laisse cette impression d'inachevé, cet arrière goût de récit mal construit, voire même bâclé. Le lecteur peine à visualiser, à pénétrer ce monde que se partagent les Optimhommes, êtres immortels, hautains et maîtres de la planète, les Cyborgs, mi-hommes, mi-robots qui briguent le pouvoir, et les Ordinaires, simples esclaves frappés de stérilité. Pourtant, par sa réflexion sur l'immortalité et les manipulations génétiques, son intérêt tout écologique pour les interactions survenant, lors d'expériences, entre l'Homme et son environnement, sa dimension épistémologique et son contexte politique de lutte avec le pouvoir, Les yeux d'Heisenberg, riche de la thématique de l'auteur de Dune, est un roman profondément herbertien.
Qui dit Frank Herbert, le plus souvent, est en train de parler du roman Duneet de ses suites (ou bien de ses préludes produits par le fils, Brian Herbert, avec Kevin J. Anderson). La réédition toute récente de ces quatre romans « hors série », œuvres mineures certes, permet néanmoins un aperçu d'autres facettes d'un auteur assez complexe. [...] Les yeux d'Heisenberg, roman paru en 1966 dans la foulée de Dune, est beaucoup moins satisfaisant. Depuis 80 000 ans, les Optimhommes produits par les manipulations génétiques sont devenus quasiment immortels, mais stériles, et exercent une dictature sur le reste de la l'humanité à travers leur contrôle de la longévité et du droit à la reproduction. Une alliance entre Cyborgs et autres résistants humains cherche un moyen de subvenir l'ordre établi. Malgré quelques idées intéressantes, les personnages restent trop schématiques et l'intrigue trop confuse pour vraiment convaincre. [...] Voilà, quatre romans d'une qualité assez inégale, mais qui ont tous en commun une véritable capacité de provocation intellectuelle.