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Le Sang du serpent

Brian STABLEFORD

Titre original : Serpent's Blood, 1995
Première parution : Legend, mai 1995   ISFDB
Cycle : Genèse (Les Livres de la ) vol. 1 

Traduction de Nicolas MESPLEDE

RIVAGES (Paris, France), coll. Fantasy précédent dans la collection suivant dans la collection
Dépôt légal : mars 1997, Achevé d'imprimer : mars 1997
Première édition
Roman, 504 pages, catégorie / prix : 149 FF
ISBN : 2-7436-0222-8
Format : 15,5 x 23,3 cm
Genre : Fantasy

Couverture à rabats. Illustration : peinture murale Bäzäklik.


Quatrième de couverture
     Prisonnier à Xandria, cité d'un monde où tout finit tôt ou tard par se décomposer, où l'oubli est, selon le vieil adage, le pire des péchés, Andris Myrasol, prince étranger et soldat de fortune, est confronté à une regrettable alternative : travailler pendant des années sur des remparts en ruine ou avaler, pour une expérimentation scientifique, une graine qui se transformera en buisson épineux et se nourrira de lui jusqu'à la mort.
     Aussi, après s'être évadé de prison avec l'aide de sa cousine, Andris accepte volontiers de se joindre à une expédition en territoires inconnus, à la recherche d'êtres et d'endroits mystiques, conduite par le marchand Carus Fraxinus. Mais, comme beaucoup de choses dans ce monde, tout ne se déroule pas comme prévu...
     Brian Stableford entreprend avec Le sang du serpent une trilogie de romans épiques qui va faire de lui un maître du genre. Ce livre plonge le lecteur dans un monde à la fois fascinant et terrifiant, magique et terriblement meurtrier. Agrémenté d'un bestiaire exceptionnel et parfaitement déconcertant, Le sang du serpent met en scène une brochette de personnages originaux et attachants qui vivent leurs aventures sur le mode du voyage initiatique.
Critiques des autres éditions ou de la série
Edition J'AI LU, Science-Fiction (1992 - 2001, 3ème série - dos violet/blanc) (2000)

     Si Brian Stableford est un auteur multi-genres, qui s'est consacré aussi bien à la science-fiction qu'à l'horreur, la fantasy, ou les essais de sociologie, il avoue toutefois ne jamais pouvoir totalement se départir d'un certain « esprit de science-fiction ». Affirmation en apparence énigmatique, mais dont il fournit une explication tout à fait intéressante dans une interview accordée en 91 à Andreas Björklind pour ConFuse. Imaginons, dit-il en substance, un roman fantastique classique. Disons un livre de vampires. Pour la plupart des gens, il suffira que les vampires se comportent en vampires, selon les poncifs du genre, buvant du sang humain, dormant dans un cercueil et se ratatinant au moindre rayon de soleil. En d'autres termes, on trouvera une multitudes de romans fantastiques (ou de fantasy) bien imaginés, mais fort peu pensés. Alors que l'on pourrait tout aussi bien, comme il le fait d'ailleurs dans The Empire of Fear parler de vampires sur un mode « science-fictionnel », en élaborant toute une biochimie du vampirisme, scientifiquement possible, ainsi qu'une psychologie du vampirisme, déduite logiquement de ladite biochimie. Et Stableford d'ajouter assez ironiquement que la fantasy qu'il écrit tend donc à être anti-fantaisiste, même si c'est là à son avis ce que devrait être la vraie fantasy...

     Si ce préambule peut paraître sans rapport avec l'objet de la présente critique, il me semble cependant nécessaire pour aborder l'esprit très particulier qui anime le Sang du Serpent, premier tome des Livres de la Genèse. Quiconque lirait seulement le quatrième de couverture pourrait en effet croire qu'il a affaire à de la pure fantasy. On y évoque un prince aventurier, une Mer Glissante, une princesse experte en maléfices, une quête et des contrées surnaturelles peuplées de monstres en tout genre... rien que de très classiquement « heroïc fantasy » à première vue. Et c'est désastreux. Pourquoi ? Parce que nombre d'amateurs de SF pure, parfois peu friands de fantasy, risquent fort de le rejeter d'emblée et, ce faisant, de passer à côté d'un bon, très bon, roman de science-fiction. Certes, les contrées qui entourent Xandria sont dites « surnaturelles » par les humains — mais le terme désigne tout autre chose que ce que l'on entend ordinairement par là. Certes, la princesse Lucrezia est experte en « maléfices » — mais un maléfice, au sens étymologique, n'est jamais qu'un moyen de « faire mal », sans qu'il y ait besoin en cela de la moindre magie. Certes, on y trouve des « sorcières » — mais le terme de sorcier, dans une société archaïque, désigne le guérisseur ou le spécialiste des poisons...

     On le comprendra, le Sang du Serpent n'a rien d'un roman d'heroïc fantasy commerciale à la Eddings ou à la DragonLance. Tout ce qui semble à première vue relever du merveilleux ou du surnaturel y trouve (ou est appelé à trouver) une explication logique. Et cela d'autant mieux que Brian Stableford est biologiste et sociologue de formation. Cette double casquette lui permet tout d'abord de dépeindre avec une grande minutie et une parfaite vraisemblance scientifique un écosystème complexe et original, de la plus infime bactérie aux gigantesques dragomites — un écosystème en lutte permanente contre son concurrent (et conquérant) d'outre-planète. D'où le thème, omniprésent dans le roman, de la corruption et de la corrosion. Mais elle lui donne aussi la possibilité, en tant que sociologue, de mettre en scène une autre forme de dégénérescence : celle de la mémoire des origines. Combien de temps un peuple peut-il conserver intacts les souvenirs de son monde natal ? Quels sont les modes les plus efficaces de transmission du Savoir ? Comment la connaissance se dégrade-t-elle peu à peu en rituel hermétique, puis en mythe équivoque, pour enfin sombrer peu à peu dans les brumes de l'oubli ? Voilà un thème qui a passionné de nombreux auteurs de science-fiction et auquel Stableford apporte une dimension peu commune. Les Apocryphes de la Genèse, censés conserver les commandements secrets, restent obscurs à souhait et ne se laissent pénétrer qu'avec parcimonie.

     Sans doute pourra-t-on reprocher à ce premier tome de commencer un peu lentement et de tarder à prendre son essor. Mais il pourrait difficilement en être autrement. Une société figée dans ses habitudes et fermement assurée d'être la plus civilisée au monde, toute entière concentrée dans sa lutte contre le pourrissement et la contamination par la faune et la flore indigènes, perdrait toute crédibilité si elle se jetait précipitamment dans l'aventure. C'est donc lentement que les différentes composantes de l'intrigue se mettent en place, pour s'accélérer brusquement au contact soudain avec l'étrange, l'indigène, l'Autre si longtemps rejeté. Et si, à la fin de ce premier tome, bien des choses demeurent obscures (les modifications génétiques permettant aux humains de résister au pourrissement accéléré qui règne sur la planète, le mode de reproduction et la nature exacte des géantes, etc.), cela ne peut que renforcer l'attrait des tomes à venir. Un livre à conseiller, donc, aussi bien à l'amateurs de fantasy qu'au fan de SF pure. Les deux y trouveront leur compte.

Nathalie LABROUSSE (lui écrire)
Première parution : 1/9/2000
nooSFere


Edition J'AI LU, Science-Fiction (1992 - 2001, 3ème série - dos violet/blanc) (2000)

     Voici la réédition en poche, tant attendue par les moins fortunés, du chef-d'œuvre de Brian Stableford, le premier Livres de la Genèse.

     Pour être paru dans une collection de fan­tasy, Le Sang du serpent manqua son pre­mier rendez-vous avec le public français. Car c'est bien de pure SF qu'il s'agit, plus particulièrement de celle que les anglo-saxons dénomment planetary romance. On peut raisonnable­ment imaginer que ce roman était destiné à devenir le quatrième titre de la collection mort-née « Futur », où Doug Headline, son responsable, avait déjà publié dans un registre voisin, Les Fils de la sorcière de Mary Gentle (bientôt réédité en « Folio-SF »). Après l'arrêt prématuré de la collection, on sup­posera que le même Doug Headline ne renonça pas à offrir au public ce roman qui le méritait et le publia dans la collection sœur des éditions Rivages : « Fantasy ». Voilà comment une excellente trilogie peut se retrouver victime de la confusion des genres...

     C'est de la SF certes peu technologique. Un monde où l'on utilise des épées, où il y a des rois et des sorcières — comprenez des guérisseuses, c'est à dire des empoi­sonneuses... Ici, « surnaturel » signifie « ap­partenant à la biosphère originelle de ce monde », par opposition à une biosphère étrangère, importée de la Terre et dite « terrestre ».

     Cette romance planétaire traite du thème générique de la colonie perdue, à l'instar de La Jeune fille et les clones de David Brin, d'Exilé, l'excellent roman de Michael P. Kube-McDowell, ou encore, pour citer un auteur français, d'Avant Champollion, la remarquée nouvelle de Sylvie Denis. Mais c'est de Patience d'Imakulata, d'Orson Scott Card, dont Le Sang du serpent est le plus proche. Outre que l'on y trouve aussi une tête toujours jactante bien que tranchée ainsi qu'une princesse héroïne rompue à l'usage des poisons, c'est avant tout l'idée d'une lutte séculaire entre l'écosystème local et les éléments d'origine terrestre importés par les colons — que l'on peut, humains compris, considérer comme une pollution — , qui lie les deux livres. Deux autres éléments rapprochent davantage encore ces ouvrages. Tout d'abord l'inopérance de la technologie, et d'autre part l'écologie locale qui, dans les deux cas, a su attendre longuement son heure et la dégradation de la technologie pour reprendre l'offensive. Ultime parallèle : tant Patience que Lucrezia traversent une grande partie du pays en compagnie d'un équipage hétéroclite, local et terrestre.

     Brian Stableford est un auteur anglais atypique. Il a commencé à publier dès les années 70, mais sans être marqué par les thématiques fort pessimistes qui s'impo­saient alors outre-Manche chez les post-moorcockiens. Peut-être cela fut il dû à un certain positivisme scientifique ? Quoiqu'il en soit, il ne s'est véritablement imposé que plus récemment, avec la génération des Baxter et autre McAuley, comme lui scienti­fiques de formation. Et pourtant. Le thème moorcockien en diable du pourrissement court tout au long du Sang du serpent. Bien sûr, Stableford ne le décline pas selon sa dimension métaphysique, en terme d'entropie ; il privilégie l'aspect biologique. Tout vieillit et se meurt, voué à la corrup­tion, mais il ne semble jusqu'à présent guère s'attacher à la notion de complexification du système.

     Andris Myrasol, prince en cavale condamné à la suite d'une rixe, se retrouve emporté par le flot des circonstances dans une expédition vers la vallée des terribles Dragomites, en compagnie du capitaine qui l'a arrêté, Jacom Cerri, désormais en dis­grâce, et qui est chargé de ramener à Xandria la princesse Lucrezia. Autour d'eux, le bandit Checuti qui a raflé l'argent du roi ; le marchand Carus Fraxinus et son adjoint, Aulakh Phar ; Ereleth, reine-sorcière qui chaperonne Lucrezia et leur âme dam­née, la géante Dhalla ; Hyry Keshvara, l'aventurière ; Merel Zabio, la cousine de Myrasol ; et le Serpent Ssifuss...

     Les presque six cent pages de ce pre­mier tome ne sont pas de trop pour poser la foultitude de personnages, dont une dou­zaine de principaux, et d'évoquer ce monde foisonnant à travers mille et un détails. En cinq cent pages d'ouverture, Brian Stableford ne laisse nulle place à l'ennui ni aux lourdeurs ; le rythme sait toujours rester alerte. A la lecture, on sent la nécessité des informations reçues. Et au tourné de la dernière page, le lecteur n'a que l'envie de pénétrer plus avant les arcanes de ce monde étrange en compa­gnie de Fraxinus et de son équipage, d'aller avec eux jusqu'au Berceau de la Chimère. Gageons que J'ai Lu saura donner à la trilo­gie des Livres de la Genèse tout son lustre et la positionner, complète et en bonne place dans toute bibliothèque SF qui se respecte, au côté de l'Helliconia de Brian Aldiss, car c'est un morceau de choix pour les rêveurs de mondes.

Jean-Pierre LION
Première parution : 1/10/2000
dans Bifrost 20
Mise en ligne le : 14/9/2003

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