RIVAGES
(Paris, France), coll. Fantasy Dépôt légal : avril 1999 Première édition Roman, 372 pages, catégorie / prix : 135 FF ISBN : 2-7436-0499-9 ✅ Genre : Fantasy
Longwor : un minuscule archipel au nord-est de la Guyane, que les courants marins et les anomalies magnétiques ont caché aux yeux du monde. Augustin Coriac, disparu dans ces parages voici un siècle, y aurait-il surpris des secrets encore plus étranges que ceux qui l'ont guidés jusque là ? Sur la Majeure, la plus grande île de l'archipel, Augustin rencontre un noble aventurier, Phial d'Atoy de Parinofle, et découvre à ses côtés chemins forestiers, passages souterrains, marais pestilentiels et vertigineux à-pics. Mais Augustin est vite confronté à la violence des jeux de pouvoir qui agitent ce micromonde. Dans ce paradis sauvage, il se heurtera à ceux qui souhaitent abattre la jeune et ravissante Nadja Benjou, affrontera le cupide gouverneur Mungabor, chevauchera dans les airs et échappera à mille dangers tout en découvrant le pouvoir secret du "Grand Dragon" qui régit la destinée de l'archipel.
Le premier épisode d'une saga insulaire mémorable, peinture pleine de malice d'un univers de richesses et de surprises, la découverte d'un conteur au talent frais et indéniable qui égale les maîtres anglo-saxons du genre.
Critiques
En dédicaçant son livre à Vance, Pratchett, Robert Merle ou Umberto Eco, Denis Duclos indique d'emblée l'ambition de ce "Cycle de l'Ancien Futur".
On ne peut être en effet qu'impressionné par la création minutieuse de l'univers de Longwor. Témoin de la rigueur et du souci du détail de l'auteur, la "petite" encyclopédie de Longwor - où sont passés en revue personnages, faune et flore, langage, monnaie, datation, etc... - occupe à elle seule 70 pages, pour 280 pages de récit ! Situant son monde imaginaire au large de la Guyane, Duclos s'éloigne de la fantasy de Tolkien pour s'approcher davantage des récits de voyage des explorateurs/aventuriers des siècles passés, ou des voyages picaresques et "excentriques" comme ceux de Gulliver, bref des « voyages extraordinaires ».
La langue de l'auteur est chantante et détaillée, presque trop. Ce qui en fait à la fois la saveur et le principal défaut de ce livre, en fonction de ses goûts. Le style rend en effet la lecture assez difficile, exigeante, et l'on peut trouver fastidieuse cette écriture volontairement datée et maniérée, ainsi que la richesse d'un vocabulaire imaginaire qu'il est difficile de suivre à moins d'avoir appris préalablement les définitions de la "petite" encyclopédie...
Pourtant ce voyage mérite l'effort, car une fois habitué au style, le lecteur sera récompensé par un récit original et complexe, qui mêle à la forme très classique du récit de voyage des scènes d'action mais aussi certains éléments de la science-fiction moderne, avec en particulier le voyage spatio-temporel... Ce contraste surprenant laisse présager qu'il pourrait s'agir de l'une des séries les plus originales de la fantasy moderne, et l'on comprend sans peine que Denis Duclos soit le premier français à figurer parmi les auteurs de la prestigieuse collection Fantasy des éditions Rivages.
En proie à la fièvre sur la côte guyanaise, Pierre Boucquard est soigné par un vieux chaman indien, Bhogoral. On est en 1931. Pierre vient d'être licencié de la compagnie pétrolière qui l'employait, et il a décidé de partir à la recherche d'un aventurier, Augustin Coriac, un ami de son grand-père, qui a disparu dans la région un demi-siècle plus tôt.
Bhogoral lui raconte alors un étrange récit, celle que lui a fait, quand il était enfant, son aïeul, Capitaine-Papa, de retour d'un long voyage au cours duquel il a escorté deux Blancs qui étaient peut-être Coriac et son compagnon. Un voyage qui a mené le grand-père de Bhogoral et deux des oncles de celui-ci dans l'archipel de Longwor, ignoré des cartes, que seul la chevauchée en pirogue du Grand Dragon permet d'atteindre.
Longwor, « ce lieu hybride ? On songeait à une colonie européenne des confins, et aussitôt l'esprit dérouté pensait à un comptoir antique ou à une cité médiévale. L'île exhalait un parfum de république de flibustiers qui se serait endormie, mais des détails ne cadraient pas. » Et le narrateur d'ajouter : « Où nos voyageurs avaient-ils donc été transportés ? et quand ? »
Pour son premier roman, Denis Duclos, sociologue, et auteur de plusieurs essais, a choisi la difficulté : recréer un monde à la fois familier et distant, user de codes rebattus (le monde perdu, les sauvages, la jungle) et d'une langue aussi riche que désuète, c'est se placer d'emblée en marge de la fantasy « classique » — lire : (peu) inspirée de Tolkien.
C'est pourtant ce qui fait tout l'éclat de ce bijou. C'est un hommage à Cendrars, son style sensuel et ses atmosphères moites (L'or, Rhum...) ; Eco (L'île du jour d'avant) ; et le Vance de Lyonnesse. Les péripéties plus rocambolesques et connotées les unes que les autres ne sont que l'écrin d'un hymne à la sensualité, l'amour, l'aventure, la découverte des mystères de soi et du monde.
Drôle de roman. Il faut s'habituer à cette écriture gorgée de sève, à ces figures de style, à ce décalage constant entre l'effet de réel et la connaissance qu'on a de la géographie des Caraïbes. Alors, quelle fête pour le cœur et l'esprit !
Et la suite paraît cet automne ? Vivement l'automne.