Jean-Pierre Andrevon a publié ses premiers textes de fiction en 1965 dans le fanzine Lunatique, sa première nouvelle pro dans Fiction en mai 1968 — l'auteur « fête » avec le présent ouvrage, ainsi qu'avec un Lunatique spécial regroupant dessins et textes rares, ses 40 ans de carrière — son premier roman, Les hommes-machines contre Gandahar, en 1969 (adapté en dessin animé de long métrage par Laloux et Caza en 1988).
Sa bibliographie compte cent trente ouvrages dans les genres les plus divers. Son plus récent roman, Le Monde enfin, couronné par le Prix Julia Verlanger, a été édité en 2006 chez Fleuve Noir.
C’est le dernier homme après la fin du monde. Il s’appelle Andrevon, était écrivain de science-fiction avant le déferlement de la boue qui a tout englouti. Alors, pour passer le temps, il écrit sa vie au jour le jour et ses souvenirs – féminins surtout. Une ode au téton, au poil, « cette savane ténue et crissante », losange à la saveur délectable. À force d’évocation, la « petite glace à la fraise deux boules » du narrateur se réchauffe et ne tarde pas à couler...
Hymne à la femme et au plaisir solitaire, ces inclassables mémoires d’un dernier homme sont, au-delà de leur obscénité provocatrice, un condensé des obsessions de l’auteur. Portées par une efficace construction en patchwork, les peurs, les colères et les tendresses d’Andrevon se conjuguent ici avec un humour qui joue toutes ses gammes en virtuose.
Voilà ce qu’écrivait Joëlle Wintrebert (qui postface cette réédition revue et corrigée) lors de la première publication de Tout à la main, sans aucun doute l’ouvrage le plus personnel de l’auteur qui se vit, à son plus grand plaisir, taxer alors de pornographe de la science-fiction.
Cela faisait bien longtemps que nous attendions la grande œuvre des années quatre-vingt de Jean-Pierre Andrevon, un texte dans la lignée de Le Désert du Monde ou Le Monde Enfin. Ce texte, le voici ! A des années-lumière de tous les textes alimentaires publiés par l'auteur, au Fleuve Noir et ailleurs, et hors collection s'il vous plaît ! Andrevon réalise à ce propos un vieux rêve puisqu'il ne lui avait jamais été donné, malgré son statut d'auteur professionnel, d'accéder aux éditeurs et collections de Littérature Générale. Ce qui n'était, selon ses dires (Cf. Ere Comprimée n°41 ), pas faute d'avoir essayé...
Je ne me hasarderai pas à avancer que ce roman est autobiographique mais il est vrai que le fait que le personnage central s'appelle Jean-Pierre Andrevon et demeure non loin de Grenoble dépasse le simple pied de nez à la critique, la seule envie mégalo de se mettre en scène. Quiconque connaît un tant soit peu l'auteur reconnaîtra en cet Andrevon d'un présent à peine décalé, à travers le filtre de la dérision, l'écrivain bien connu, père de Les Hommes-Machines contre Gandahar et de La Fée et le Géomètre.
Andrevon se réveille un matin, en haut de sa colline, et découvre qu'un fleuve de boue probablement né d'une quelconque catastrophe écologique a ravagé la vallée pendant la nuit, s'arrêtant à seulement quelques dizaines de mètres de sa maison. Plus d'électricité, de radio, de manifestations extérieures pouvant faire supposer une éventuelle survie de l'humanité. L'auteur aux soixante-treize titres en conclut donc (et tout porte à croire qu'il a raison) qu'il est l'unique survivant, le dernier homme sur la Terre, qu'il ne lui reste plus qu'à s'habituer à vivre seul. Seul ? Pas tout à fait. Puisque demeurent à ses côtés son chat Lascard ainsi que Florence, Anne-Marie, Francine, Hélène, Françoise, Jolanda, Marie-Jo, Mari-angela, Karen... toutes celles qu'il a aimées et qui restent vivantes à l'intérieur de ses souvenirs ; pour qui il aura de tendres pensées en se masturbant, tout en attendant l'épuisement de ses provisions...
Tout au long de Tout à la Main, sous-titre Mémoires d'un Dernier Homme, Andrevon utilise un style cru, souvent proche du langage parlé, sans pour autant manquer d'élégance ou tomber dans une vulgarité de bas étage. Et, chose rare en SF, il nous décrit un personnage profondément humain, auquel il est possible de s'identifier sans trop d'efforts, en prise aussi bien avec ses sphincters qu'avec ses problèmes moraux ou quotidiens !
Jean-Pierre Andrevon n'est jamais aussi bon que lorsqu'il met à plat ses propres obsessions et parle de lui sans tourner autour du pot. C'est la raison pour laquelle Tout à la Main, œuvre à mi-chemin entre Malevil et L'Homme qui Aimait les Femmes (titres d'ailleurs cités comme références), attachante et émouvante, restera peut-être dans l'esprit de ses lecteurs comme l'un des meilleurs — si ce n'est le meilleur — romans de son auteur.