Jové vient d'arriver sur la planète Maya et loge dans la hutte de son grand oncle Trree. Celui-ci lui demande de porter une jarre remplie de grains de maïs dans une clairière proche. À force d'hésiter, la nuit tombe et Jové panique. Mais face à l'attitude inflexible de son oncle qui lui refuse tout système d'éclairage, « la lumière des étoiles est suffisante » dit-il, Jové trouve les ressources pour accomplir cette tâche, malgré les mouvements, les bruits de glissade qui l'accompagnent dans l'obscurité.
Quelques instants plus tard, Jové, après un second voyage pour rechercher l'offrande laissée par les êtres de la nuit, s'attable avec son parent. Celui-ci met les points sur les i. Il lui explique qu'il va bientôt mourir, que Maya : « est une planète compliquée, belle et dangereuse » et qu'il n'aura sans doute pas le temps de lui apprendre tout ce qu'il faut savoir pour survivre. Puis il lui démontre qu'il est impossible qu'il soit son neveu. Il est d'origine indienne, alors que Jové est d'origine européenne. Si après la mort soudaine de sa mère, (il n'a jamais connu son père) dans une filiale d'AgroCorp, Jové a été envoyé si rapidement sur cette planète lointaine, c'est qu'il y a quelque chose de louche !
Peu à peu Jové découvre une étrange société de serpents que Trree appelle Les Suris, qui utilisent un langage fait de soupirs et qui adorent le maïs comme un dieu.
Les responsables d'AgroCorp, qui ont commencé l'exploitation de la planète avec un maïs modifié veulent étendre les zones de culture. Mais le maïs se révèle mortel pour les suris. Jové trouvera-t-il les réponses à ses questions ? Pourquoi a-t-il été envoyé sur Maya ? Pourra-t-il choisir entre Trree et sa défense de la vie locale, et la société d'agroalimentaire qui veut détruire tout ce qui ne respecte pas ses plantations ?
Frédérique Lorient brosse un portrait superbe d'un adolescent transplanté brutalement dans un monde inconnu dont il a tout à découvrir. Elle construit une intrigue prenante sur l'acceptation de la différence, surtout si celle-ci est importante. Elle confronte deux mondes qui veulent s'ignorer, l'un étant indigène avec des traditions qui semblent incompréhensibles, l'autre avec des soucis de productivité et de rentabilité qui occultent toute ouverture d'esprit.
L'auteur anime, autour de Jové, une galerie de personnages attachants que ce soit Trree, le vieil indien bourlingueur ou Nora, la jeune stagiaire sortie major de la promotion d'entrée à l'Agro d'État et qui est promise à un brillant avenir au sein de AgroCorp. Certes des personnages secondaires peuvent paraître caricaturaux. Mais ne rencontrons-nous pas, régulièrement, des individus qui sont des caricatures de figures médiatiques ?
L'auteur émaille son histoire de nombre de réflexions sur la vie en société, insistant sur le respect des autres. Elle insiste sur le fait de ne pas juger en fonction de ses propres critères, mais de prendre le temps de se mettre à la place des autres, de tenter de comprendre leur mode de vie. Ainsi, Jové se fait rabrouer par son oncle : « Ma misère ? Que sais-tu de ma prétendue misère, petit blanc-bec ? Garde toi de me juger d'après tes critères. »
Elle aborde aussi la question des aliments modifiés, les raisons de ces mutations mais sans prendre partie, laissant à chacun le choix de juger selon ses propres convictions.
Apocalypse Maya est un roman au rythme tonique, à la faune novatrice et aux personnages charismatiques. Il offre un excellent moment de lecture et inaugure une collection qui débute fort bien !
Serge PERRAUD
Première parution : 22/7/2008 nooSFere