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Conan

Robert E. HOWARD

Traduction de Patrice LOUINET & François TRUCHAUD

BRAGELONNE (Paris, France), coll. Stars précédent dans la collection suivant dans la collection
Dépôt légal : novembre 2017
Réédition
Recueil de nouvelles, 480 pages, catégorie / prix : 16.90 €
ISBN : 979-10-281-1097-0
Format : 15,0 x 23,0 cm
Genre : Fantasy


Quatrième de couverture

« Sache, ô Prince, qu’entre l’époque qui vit l’engloutissement de l’Atlantide et des villes étincelantes… il y eut un  ge insoupçonné, au cours duquel des royaumes resplendissants s’étalaient à la surface du globe… Mais le plus illustre des royaumes de ce monde était l’Aquilonie, dont la suprématie était incontestée dans l’Occident rêveur. C’est en cette contrée que vint Conan, le Cimmérien – cheveux noirs, regard sombre, épée au poing, un voleur, un pillard, un tueur, aux accès de mélancolie tout aussi démesurés que ses joies – pour fouler de ses sandales les trônes constellés de joyaux de la Terre. »

Robert Ervin Howard (1906-1936), est né et a vécu au Texas.
Il a publié sa première histoire à 19 ans dans la revue Weird Tales (qui publia les auteurs mythiques de l’âge d’or, dont Lovecraft). Après quelques années difficiles, sa carrière démarra en 1928 avec la parution des récits de Solomon Kane, suivis par de nombreuses nouvelles dans des genres aussi divers que la Fantasy, l’horreur, l’histoire, le western ou la boxe.
Mais c’est Conan, créé en 1932, qui lui vaudra la postérité littéraire. Ce héros, ainsi que la puissance évocatrice de l’écriture de son auteur, a eu et a toujours une influence majeure, au moins égale à celle de Tolkien, sur la Fantasy et partant sur tout l’imaginaire occidental.

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition MILADY, Ciné - Séries TV (2011)

     Profitant de la dernière (et très mauvaise) adaptation cinématographique de Conan aujourd’hui à l’affiche, Milady a confié à Patrice Louinet – rappelons-le, expert international de Robert Howard – la sélection des meilleures nouvelles mettant en scène le barbare cimmérien afin d’initier un public néophyte à l’œuvre de l’auteur texan.

     C’est donc un recueil sans illustrations au format poche contenant huit textes, déjà parus en versions non censurées et retraduites dans les trois intégrales éditées chez Bragelonne, que nous découvrons ici. Le choix est forcément sujet à débat mais, globalement, ces nouvelles apparaissent en effet comme les plus marquantes des aventures de Conan. D’autres récits absents comme Des Ombres dans la Clarté Lunaire bénéficient pourtant d’éléments intéressants mais, passée une introduction palpitante, souffrent ensuite d’une certaine baisse de rythme justifiant leur mise à l’écart.

     « Je me souviens
     Les forêts ténébreuses, masquant les pentes des sombres collines »

     Le bal est ouvert avec un bref préambule de Patrice Louinet suivi de Cimmérie, un poème (en vo et en vf) destiné à familiariser le lecteur avec la terre d’origine du barbare, excellente façon d’instaurer un climat mélancolique au reste de l’œuvre, bien loin des champs de batailles tonitruants auxquels on l’assimile. Ce poème à la tonalité sinistre décrivant des paysages de désolation (sans aucun rapport avec la Cimmérie aux plaines verdoyantes du film récemment sorti) permet de constater que Howard était aussi un homme sensible, et pas seulement l’auteur un rien « brutal » dont on peut avoir l’image si l’on ne connaît pas l’étendue de son œuvre.

     Vient ensuite La Tour de l’Éléphant, unanimement reconnue comme l’une des meilleures nouvelles de Conan. Après une introduction relativement classique dans l’héroïc-fantasy (des voleurs essayent de s’introduire dans la tour d’un sorcier), mais traitée d’une façon inimitable par l’auteur, capable de placer son lecteur dans la peau de ses héros en lui faisant ressentir toute l’excitation de l’expédition, Robert Howard fait basculer le récit vers le fantastique – et même le « cosmique », chose tout à fait exceptionnelle pour l’époque, exceptée dans l’œuvre de Lovecraft (ami du Texan dont on sait qu’il relut les nouvelles et le conseilla). Ainsi, d’un schéma banal du type Donjons & Dragons, l’intrigue prend une tournure cruelle et touchante, mais aussi vertigineuse en extrapolant son propos vers les confins de l’univers tout en s’appuyant sur des références religieuses (Ganesh, en l’occurrence).
     Chronologiquement, La Tour de l’Éléphant n’est pas la première nouvelle parue consacrée au Cimmérien, mais elle peut être considérée comme sa première aventure relatée suivant le fil de sa vie (en oubliant les textes « librement inspirés » conçus par d’autres auteurs, Sprague de Camp en tête). Par ailleurs, l’ordre des nouvelles correspond plus ou moins à la progression de la vie du héros (il a sans doute une vingtaine d’année dans la première et la quarantaine dans la dernière).

     Poursuivons avec La Fille du Gel, histoire « nordique » inspirée de la mythologie scandinave qui, je dois l’avouer, ne figure pas dans ma liste de nouvelles préférées, malgré son excellente réputation, peut-être à cause d’une atmosphère onirique et féerique en décalage avec le réalisme cru propre à l’univers de Conan.

     La Reine de la Côte Noire est l’une des plus célèbres nouvelles consacrées au barbare, sans doute grâce aux informations inédites qu’elle prodigue sur notre héros : Conan rejoint une bande de pirates menée par une femme dont il tombe instantanément amoureux (mais qui ne demeurera toutefois pas le seul amour de sa vie, cf. Le Peuple du Cercle Noir). Ce genre de coup de foudre est chose rare chez le personnage, individualiste peu porté sur le sentimentalisme, mais le rapport qu’il entretient avec Bêlit, femme de caractère aux allures d’amazone, s’il peut être qualifié de romantique, est traité à la manière howardienne : de façon passionnée, dans le sang et les larmes. La nouvelle présente ainsi l’intérêt d’approfondir la personnalité du Cimmérien, plus riche et complexe qu’il n’y paraît. Ces qualités et une conclusion tragique permettent de transcender une intrigue un brin paresseuse.

     Le Peuple du Cercle Noir est une longue nouvelle immédiatement fascinante, dès ses premières lignes. Un roi se meurt, envoûté par un sort de magie noire, et la sœur du jeune monarque décide de faire appel à Conan, alors chef d’une bande de brigands, pour le venger. Une succession d’événements jalonne cette intrigue plus sophistiquée qu’à l’accoutumée, où la sorcellerie occupe une grande place. À l’évidence, dès qu’il oppose sauvagerie et civilisation – en l’occurrence, un voyou, une princesse et des sorciers érudits – Howard déborde d’inspiration et de fougue. Il semble d’ailleurs beaucoup s’amuser des fantasmes inavoués de sa princesse envers notre barbare rustre aux muscles saillants...

     Venons-en à Une Sorcière Viendra au Monde, qui demeure ma nouvelle favorite entre toutes. Conan occupe ici le poste de capitaine de la garde d’une reine, dont le règne va être usurpé par sa sœur jumelle maléfique. Thème classique, me direz-vous, mais comme d’habitude l’auteur parvient à tirer d’un postulat de pulp un récit violent, cruel, parsemé de rebondissements, en un mot : intense. Car, bien sûr, notre ami cimmérien découvre le pot aux roses, et tente de s’opposer à l’ennemi avant de succomber sous le nombre. Le clou du spectacle, sans jeu de mots, résidera dans la crucifixion de Conan, scène dont l’auteur ne nous épargne aucun détail, reprise dans le film de John Millius (avec une erreur d’interprétation due au titre du chapitre, L’Arbre de la Mort, car le barbare est crucifié sur une croix et non sur un arbre ; mais peut-être s’agit-il d’une volonté d’éviter une allusion chrétienne déplacée...).

     Pour une critique des Clous Rouges et Au-delà de la Rivière Noire, véritables odes à l’état barbare de l’homme, en opposition à une civilisation hypocrite, vous pouvez vous reporter à ma critique des Clous Rouges, troisième volume des intégrales de Conan.

     Ce recueil est donc un excellent moyen de (re)découvrir l’univers et le style de Robert Howard : une ère « pré-historique » réaliste baignant dans le sang et la sueur évacuée de tout élément merveilleux, une fascination sans limite pour la nature animale de l’être humain face au mépris d’une civilisation source de décadence, des histoires s’ouvrant sur un point de vue étranger à celui du héros et plongeant le lecteur dans le cours de l’action, des retournements de situation et autres alliances inattendues, etc. Et surtout : un héros intelligent, cultivé, sensible, maîtrisant plusieurs langues et familier de multiples cultures, capable de lire une carte et de se diriger sans faille dans n’importe quel territoire inconnu, trop longtemps réduit au statut de « barbare ».

     Les trois intégrales de Conan parues chez Bragelonne, de par leur densité, ont peut-être séduit un public déjà connaisseur et convaincu de la richesse d’une œuvre méconnue, et ce recueil au format poche vendu huit euros, surfant sur la publicité d’un film qui, malgré sa médiocrité, aura le mérite d’intéresser le grand public au Conan « originel », s’avérera sans doute d’une efficacité redoutable dans la promotion de l’auteur texan en France. Et c’est tant mieux.

Florent M. (lui écrire)
Première parution : 3/9/2011
nooSFere

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