BÉLIAL'
(Moret-Loing-et-Orvanne, France), coll. Une Heure-Lumière n° 38 Date de parution : 26 mai 2022 Dépôt légal : mai 2022, Achevé d'imprimer : mai 2022 Première édition Novella, 128 pages, catégorie / prix : 8,90 € ISBN : 978-2-38163-045-8 Format : 12,0 x 18,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Existe aussi en numérique (ISBN : 978-2-38163-046-5) au prix de 4,99 €. Dépôt légal à parution.
Le Blend : une communauté de millions d’espèces sentientes vivant en paix dans ce qui ressemble au meilleur des mondes, un concert des nations à l’échelle galactique auquel vient de se joindre la Terre. Depuis l’arrivée de la délégation extraterrestre au siège des Nations Unies, l’humanité bénéficie de nombreux cadeaux destinés à lui faciliter la vie. Mais cela n’est pas sans contreparties. Ce qui intéresse le Blend, c’est une activité que cette société d’outre-espace patchwork ne sait plus pratiquer : la guerre. Un contrat a donc été conclu entre l’ONU et le Blend. Les premiers prêtent des soldats pour des opérations d’encadrement et de maintien de l’ordre. Les seconds se chargent d’équiper ces derniers, de les emmener sur zone puis de les rapatrier.
Lui, c’est un soldat de la force Opexx. Atteint du syndrome de Restorff, un déficit empathique, son efficacité en mission s’en trouve renforcée. Une qualité qui n’exclut pas les questions au fil des déploiements sur les théâtres d’opérations extrasolaires. « Répondez à l’appel de l’ailleurs ! » Tel est le slogan d’Opexx. Un ailleurs qui pourrait bien être avant tout un autrement…
« Un des grands créateurs d’univers de la science-fiction française. » Télérama
[texte du rabat de couverture]
Né en 1968, Laurent Genefort a vingt ans quand paraît son premier roman dans la mythique collection « Anticipation ». Une grosse quarantaine de livres plus tard, il est aujourd’hui l’une des figures de proue de la science-fiction française et, sans doute, le meilleur de ses créateurs d’univers. Au sein de son œuvre considérable, on soulignera comme il se doit le cycle « Omale », Points chauds, lauréat des prix Rosny Aîné et du Lundi, ou bien encore Lum’en, salué par un improbable triplé littéraire inédit : Prix Rosny Aîné, Prix Julia Verlanger et Grand Prix de l’Imaginaire.
Critiques
Les Opexx, ce sont les opérations réalisées sur d'autres mondes par des commandos terriens à l'instigation d'une communauté extra-terrestre qui trouve dans notre espèce le talent belliciste qui a disparu chez eux depuis bien longtemps. Pour leurs besoins de maintien de l'ordre, ils équipent et dirigent donc les humains. En contrepartie, ceux-ci reçoivent des présents, des techniques et, à un horizon incertain, la promesse d'intégrer de plein droit cette fédération paisible.
Des militaires dans l'espace ; une certaine partie du fandom aura peut-être tôt fait d'associer ce pitch à la participation de Laurent Genefort à une certaine Red-Team créée en 2019 par - pour le dire vite - l'armée. Mais à mille lieues de toute considération tactique, l'auteur nous refait plutôt le coup de Points Chauds, déportant seulement le champ des opérations sur d'autres mondes, et remplaçant les soldats de l'ONU par un corps d'armée spécifique, voué aux missions les plus diverses, allant de la reconnaissance à la défense d'un terrain ou l'escorte d'un diplomate. L'originalité ici tient dans une imprégnation mémorielle qui confère aux combattants les rudiments de culture extra-terrestre nécessaires à leur objectif, puis à la dé-programmation qu'ils doivent subir pour être délestés de cette connaissance sitôt le travail terminé. Car à enchaîner les missions, tout ce savoir trop perturbant pour l'esprit humain aurait tôt fait de détraquer les cerveaux les plus préparés. D'où également des séances de psy, et un suivi particulièrement pointilleux du comportement des soldats. Une manière détournée d'interroger les traumatismes et les questionnements auxquels sont soumis tout combattant.
Mais ce qui caractérise l'écriture de Laurent Genefort, outre la précision de ses inventions, comme ici les tenues spécifiques, les armes ou les outils utilisés, c'est encore une fois son goût pour la création. Ainsi l'évocation d'un monde complètement éclaté en milliards de petits îlots ou bien la description d'un terrain d'intervention labyrinthique sous la forme de tunnels organisés autour d'un vaste espace cubique souterrain. Et puis des espèces toutes plus différentes les unes que les autres, depuis des « champignons » prenant la forme de baudruches perchés sur des tubes jusqu'aux plus humanoïdes en passant par des créatures de quatre mètres de haut qui produisent, de leur corps, des membranes sur lesquelles s'inscrit le témoignage de leur vie.
S'il est précis dans la peinture des Opexx, dans les rituels, les équipements, les implications, Laurent Genefort reste en revanche évasif sur le fonctionnement des organismes, sur la raison d'être des artefacts ou des architectures rencontrées, sur les raisons qui poussent telle espèce à vouloir envahir cette vallée, telle autre à creuser des galeries. Cet espace laissé à l'inconnu, au questionnement, est le creuset dans lequel une histoire de science-fiction se développe pour le lecteur. Et sur cette toile de fond le narrateur, animé par l'attirance manifeste de l'auteur pour l'altérité, handicapé des sentiments et inadapté à la vie en société, suit un hésitant mais beau cheminement intérieur.
OPEX est l’acronyme de l’armée française pour « opération extérieure ». Le texte de Laurent Genefort reprend cette idée en la généralisant : une opexx y consiste à envoyer des soldats vers des missions ailleurs dans l’Univers.
Dans un futur pas trop éloigné, l’espèce humaine a été admise sous un statut bâtard dans une communauté de civilisations extraterrestres : un droit d’accès limité à l’espace a été conféré à l’humanité, jugée encore trop jeune ou trop peu mûre pour une pleine intégration. Ce droit se limite en grande partie à une contribution militaire : c’est ainsi que les premiers humains à quitter la Terre pour d’autres mondes – certains si lointains ou si différents qu’ils défient la compréhension – ne sont autres que des soldats, et constituent un corps pouvant s’apparenter à des forces mercenaires telles que la garde varègue byzantine. La technologie limite autant que possible les interactions avec la vie extraterrestre – qu’elles soient biologiques ou intellectuelles – et lorsque cela ne suffit pas, l’esprit de corps mais aussi le nombre de contrats d’opexx restreint viennent garantir que les soldats ne se retranchent pas de l’humanité.
Le narrateur de cette histoire possède une particularité conduisant à faire sauter les verrous que constituent ces précautions. Le danger ne l’effraie pas – ni celui de la guerre sur une terre étrangère, à laquelle tous ces soldats sont de toute façon habitués… ni ceux que représentent les pathogènes et les contaminants produits par une biologie différente – et il finit en réalité par apprécier les opexx. Non pour la possibilité d’accomplir son travail, ni même pour le plaisir de toucher un salaire conséquent, mais bel et bien parce qu’elles sont l’occasion pour lui de voir du pays et de toucher du doigt d’autres réalités que la sienne. Et cela marche : ces autres réalités le contaminent… au point où il sera peut-être le premier être humain à s’intégrer pour de vrai à cette communauté de civilisations qui n’admet pas tout à fait l’humanité…
La guerre est, selon von Clausewitz, la continuation de la politique par d’autres moyens. Ce que Laurent Genefort nous raconte ici, c’est une histoire où la guerre est peut-être le point de départ d’une politique nouvelle. Le narrateur d’Opexx est-il le premier déserteur interstellaire… ou bien le premier élément de preuve au dossier d’une intégration pleine de l’humanité à une communauté d’intelligences ? C’est dans cette question laissée sans réponse que le texte trouve son intérêt, et prend son individualité par rapport à un Points chauds : si le nouvel état des choses y est là aussi imposé à l’humanité, peut-être que celle-ci saura se l’approprier plutôt que de finir par l’admettre… Et c’est dans cette possibilité qu’Opexx devient un texte aussi positif que fascinant.