CALMANN-LÉVY
(Paris, France), coll. Dimensions SF Dépôt légal : septembre 1982 Première édition Roman, 276 pages, catégorie / prix : nd ISBN : 2-7021-0463-0 Format : 14,0 x 21,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Tu es Molly Zero. Tu vis dans ce qui est à peine un pays, une Angleterre morcelée, détraquée, qui cherche un nouvel essor. Tu ne connais pas tes parents. On t'a élevée dans les Blocs, car tu es appelée à faire partie de l'Elite qui aura pour tâche de raccommoder le tissu social. Mais pour l'adolescente que tu es, les Blocs ressemblent autant à une prison qu'à une école. Et comment savoir si l'enseignement qu'on t'y donne n'est pas une manipulation de ton esprit ?
Il faut que tu découvres par toi-même la réalité du monde extérieur. Tu t'évades des Blocs. Tu feras ton apprentissage le long des routes, au cours d'une aventure qui te mènera des petites villes côtières du nord aux caravanes de Romanis qui parcourent l'île en tous sens, et aux rues de Londres, ville-naufrage livrée au cycle infernal du terrorisme et de la répression. C'est là, au terme de ton errance, qu'il te sera donné de connaître enfin le mystère de ton identité, toi, Molly Zero.
Keith Roberts a déjà donné à la science-fiction britannique l'un de ses chefs-d'œuvre, Pavane. Avec Molly Zero, il crée aujourd'hui la plus insolite et la plus captivante des héroïnes : son aventure est, littéralement, unique.
Né en 1935, Keith Roberts vit dans le sud de l'Angleterre, qui sert de cadre à nombre de ses récits. Il écrit depuis 1964 et a publié son premier roman (Les Furies) en 1966. Mais c'est son deuxième livre, Pavane (1968), qui va marquer une date dans l'histoire de la S.F. britannique. Keith Roberts est également un illustrateur de talent.
Critiques
Pour un peu, on jurerait que Roberts a lu Arnaud : son récit s'ouvre dans un train pour nulle part, sous la neige et la dictature... En bon auteur britannique, il nous offre une nouvelle fin du monde, une nouvelle image de l'Angleterre effondrée, une image marquée par Le meilleur des mondesou 1984. On ne se remet pas de l'effacement planétaire d'Albion, de la fin de l'Empire — évoquée explicitement au demeurant à un détour du roman.
L'oppression prend ici des formes originales : le pays est morcelé et les voyages limités, mais on autorise les déplacements des Gitans. Et si l'autorité réelle ne se montre pas, il ne s'agit pourtant pas d'un totalitarisme classique et bien en place, mais plutôt d'une société en décomposition, soumise aux attaques de révolutionnaires aussi méprisables qu'un pouvoir fasciste qui cherche à en assurer la survie en recréant une « élite ».
Molly, elle, ne sait pas ce qui lui arrive au cours de son éducation sans parents prise en charge par l'État. C'est quand elle tombera amoureuse de Paul qu'elle se trouvera doublée d'un personnage à l'âme de rebelle. Elle restera toujours en retrait de ses positions, même si elle s'enfuit avec lui et découvre le monde. Molly est longtemps un pantin, et la révélation sur la société, pièce de résistance des romans dystopiques, ne lui viendra que tard et brusquement, ce qui est original.
Accompagnée de positions peut-être floues, c'est une belle métaphore de l'éducation stratifiée que peut connaître un pays où les différences de classes jouent encore un rôle. Malgré l'usage qui ne s'impose guère du récit à la deuxième personne, Roberts fait à nouveau la preuve de son talent et nous donne un chef-d'œuvre que l'on peut ranger à côté de Pavane.