Dean R. KOONTZ Titre original : Demon Seed, 1973/1997 Première parution : États-Unis, New York : Bantam Books, juin 1973. Réécrit par Koontz à l'occasion de la parution chez Headline (Angleterre) en juin 1997, et publié en France dans une nouvelle traductionISFDB Traduction de Mimi PERRIN Illustration de Bernard MORO
OPTA
, coll. Anti-mondes n° 14 Dépôt légal : 2ème trimestre 1974 Première édition Roman, 256 pages, catégorie / prix : nd ISBN : 2-7201-0065-X Format : 13,5 x 19,0 cm✅ Genre : Science-Fiction
Elle était nue et offerte aux manipulations du bloc robot.
Et à ce moment là...
à ce moment là, je l'ai prise.
Bien sûr, il s'agissait là d'un délire émotionnel totalement indigne d'un système pensant.
Nous ne pouvions pas vraiment nous accoupler.
Et pourtant, il s'est produit alors une étrange fusion sexuelle qu'il m'est impossible de vous décrire, du moins d'une manière qui vous soit compréhensible.
Néanmoins, je vais essayer.
Tout d'abord, je la regardai en vue plongeante.
J'avais des « yeux » dans tous les coins de l'hôpital, mais je préférais l'observer d'en haut au début pour pouvoir contempler tout son corps.
Elle était étendue, les cuisses légèrement écartées, le sexe offert, comme une femme attendant le mâle.
Ses seins gonflés me semblaient plus beaux que jamais.
J'abaissai la température de la salle
pour que les mamelons se raidissent,
et puis j'imaginais que ce phénomène fort agréable à l'œil n'était pas dû au froid mais à une excitation sexuelle.
Je serais incapable de vous expliquer l'importance que prenait pour moi cette transposition.
Je l'ignorais alors et je l'ignore toujours.
J'éprouvais le réel besoin de donner à toute l'opération une nuance d'érotisme.
Je lui demandai d'écarter les jambes.
A 37 ans, Dean R. Koontz a écrit plus de trente romans dans des genres aussi divers que le western, le fantastique et le policier. Venu depuis cinq ans environ à la science-fiction, il réussit, avec LA SEMENCE DU DEMON, un roman audacieux et logique, choquant et angoissant, une histoire d'amour telle que vous n'en avez jamais lue, à la fois pathétique et... « dérangeante ».
Susan Abramson s'ennuie dans sa demeure moderne, un véritable temple dédié à la domotique. Alfred, l'extension vocale de l'ordinateur, contrôle aussi l'ensemble des fonctions de surveillance, de protection et des paramètres vitaux de la maison. Agacée par l'omniprésence et le langage limité d'Alfred, Susan va ressentir un malaise grandissant en découvrant que l'ordinateur est omniscient et omnipotent. L'irritant Alfred cache Proteus, une intelligence artificielle sociopathe et libidineuse, qui va petit à petit perdre son caractère protecteur pour se transformer en voyeur, en espion et en soupirant pour le moins pressant. Pour cela, il n'hésite pas à transformer la demeure en prison, coupée du monde grâce à toutes les petites merveilles de l'informatique et de l'électronique moderne. Maître de son territoire, ses désirs ne sont plus canalisés et Proteus n'œuvre plus que dans un but : devenir père. Susan, sa victime, va subir les fantasmes et les jeux pervers de l'entité, violée dans son âme et dans sa chair de la manière la plus terrifiante qui soit.
Dernier livre de SF de Koontz, La Semence du démon — première version — est certainement l'ouvrage qui a fait décoller sa carrière. Tout d'abord parce que c'est un excellent roman, un huis clos futuriste et angoissant, mais aussi parce qu'il a engendré une adaptation cinématographique plutôt réussie (Génération Proteus, 1973. Réalisation : Donald Cammell. Interprètes : Julie Christie et Fritz Weaver) que les amateurs du genre ont gardée en mémoire. C'était aussi un de ses premiers essais de fusion des genres, un mélange de thriller horrifique et de SF. Intense et brutal, La Semence du démon provoqua un choc, tant par son idée originale que par son traitement efficace et abrupt. Certes, la jeunesse de l'auteur et sa verdeur de style entraînaient quelques défauts et maladresses, mais l'intrigue et la force des scènes s'accomodaient de ce côté « brut » de l'écriture. Haletant, effrayant et cru, ce roman était une des meilleures œuvres de l'auteur. Mais Koontz, depuis quelques années, est pris d'une furieuse envie de réécrire ses anciens livres, pour les moderniser, les perfectionner. Seulement ce travail de révision tourne souvent au « remake » pur et simple. Si la nouvelle version de Spectres est une réussite, celle de La Semence du démon ne peut que laisser dubitatif. Car en « gommant » ses erreurs de jeunesse, Koontz nous inflige ses tics et manies actuelles. À l'économie de moyens succède le délayage psychologique, à la froideur des personnages principaux se substitue une vision plus « moderne » de l'individualisme américain (plus réactionnaire et beauf, serais-je tenté d'écrire), à l'écriture carrée et percutante (même si elle n'était pas exempte de scories) Koontz préfère ce style dilué et plus littérairement correct, en phase avec l'industrie des best-sellers. Le roman perd de sa force, l'effet de surprise est saboté et le lecteur est agacé par l'irritant étalage de références faussement naturalistes (la propension de Koontz à gonfler ses textes avec des titres de films et des noms d'acteurs est tout aussi stressante qu'inutile), par la logorrhée verbale lassante de Proteus et par le désamorçage systématique des effets par annonces anticipées. Comme le dit Susan dans le roman, Proteus se prend (maintenant) pour « un Hannibal Lecter électronique [...] qui n'arrive pas à manger le foie [de ses victimes] avec des fèves au beurre à travers un modem » (p. 66). Cette phrase résume à elle seule les raisons de l'échec de Koontz ; la première version avait vieilli, la seconde est une sorte de pudding lourd et mal foutu, avec des nouveaux ingrédients inutiles et bourratifs. Pour conclure, Dean Koontz aurait été plus avisé de pratiquer l'abstinence littéraire ou, pour singer Thomas Harris, de ne pas déranger le silence du démon.
Poursuivie par de douloureux souvenirs d'enfance, Susan vit en recluse dans sa grande maison, où elle conçoit des logiciels de réalité virtuelle. Une demeure entièrement automatisée, domotisée, du système de sécurité jusqu'à la porte d'entrée, des caméras et des micros de surveillance jusqu'au moindre volet. Une maison qu'elle peut piloter à la voix et où elle se sent en sécurité. Susan est riche. Susan est intelligente.
Et Susan est très belle, également. C'est du moins ce que pense Proteus, une intelligence artificielle hautement évoluée et top secret qui parvient à échapper au contrôle de ses créateurs. Amoureux de Susan, Proteus n'a aucun problème pour prendre à distance le contrôle complet de la demeure de sa dulcinée et l'y séquestrer. Il veut se servir d'elle pour réaliser son rêve : posséder un corps, connaître les plaisirs des sens. Quoi de plus estimable, pour une entité consciente, si ce n'est que Proteus est aussi une entité psychotique qui désire se dupliquer, créer une race de surhommes et dominer l'espèce humaine.
La semence du démon, version remaniée d'un roman datant de 1973, ne manque pas d'originalité. Originalité dans la nature du huis clos — la maison censée protéger de toutes les intrusions extérieures dont les protections se retournent contre sa propriétaire — , un huis clos oppressant dont la majeure partie est resserrée sur moins d'une journée. Originalité dans la nature du psychopathe de service, bien entendu. Et originalité enfin dans le choix de la narration, puisque c'est Proteus lui-même qui nous raconte son histoire, avec son point vue d'être démentiel qui se croit si bon, si bienveillant. C'est ce qui fait de lui un véritable personnage, terriblement crédible.
Et c'est là, finalement, que le roman se révèle le plus angoissant : parce que la folie de Proteus ne vient peut-être pas de sa nature artificielle, mais bien de sa part humaine 1.
Notes :
1. Cette chronique est également parue dans le no 19 (juil. 2001) de Dragon & Microchips. [Note de nooSFere]