L'océan cannibale se présente comme un livre métaphysique. L'allusion à la Bible est évidente. L'avant-propos porte le titre de Genèse, tandis que la conclusion s'intitule Apocalypse. L'Alpha et l'Oméga. Mais cette comparaison avec la Bible n'est juste que si l'on inverse les choses, car le dieu de bonté est ici un dieu du Mal.
Comme le laisse supposer le titre, cette divinité néfaste et cruelle est en réalité un dieu marin, un dieu des profondeurs. C'est le dieu cannibale, dévoreur insatiable de vies humaines, qui réside au fond de l'océan et qui asservit les hommes, exige d'eux sa part de nourriture quotidienne.
L'auteur puise son inspiration dans un grand nombre de légendes polynésiennes ou propres aux peuples de la mer. L'immensité de l'océan a toujours aiguisé l'imagination des hommes. Toute une mythologie et de nombreuses légendes ont peuplé l'océan de créatures inconnues dont s'est inspiré un auteur comme
William Hope Hodgson.
Mis à part cette référence à des éléments mythologiques, le livre contient aussi une réflexion sur la perception du monde et la nature de la réalité. C'est son côté dickien. Qu'est-ce qui est réel ? Le cadre de l'histoire, avec cet étrange équipage qui offre des victimes en sacrifice au dieu marin ? Ou plutôt les rêves du Vieux, cet homme âgé atteint d'un cancer incurable qui le conduit tout droit à la mort ? Rêve et réalité se confondent, s'emmêlent pour tisser une toile métaphysique dont le motif se révèle dans les dernières pages.
En somme, voilà un livre intéressant et qui se lit très bien. Pour une fois le texte n'est pas un simple divertissement, mais aussi une réflexion philosophique.
Frédéric KURZAWA
Première parution : 1/4/1987 dans Fiction 385
Mise en ligne le : 21/7/2008