Le sang se mit à jaillir de l'oeil crevé de la jeune fille et une petite mare se forma autour de son crâne, baignant presque aussitôt ses cheveux blonds épars.
Adam la considéra de toute sa hauteur. « Au fond, ça n'a pas été très difficile, se dit-il. Et il fallait que je le fasse. »
Car, après tout, il avait un tableau à terminer.
Critiques
Avant d'être connu comme écrivain de fantastique, Herschell Gordon Lewis s'est d'abord fait connaître comme l'auteur de trois films qui firent scandale dans les années 60 et donnèrent naissance au concept de « gore ». Nous avons pu lire dans cette même collection la novellisation des deux premiers, à savoir « Blood feast » et « 2000 Maniacs ». Pour que la série soit complète, il restait à traduire le dernier. C'est chose faite avec « Colore-moi rouge sang ». Il est à noter que cette novellisation est une première puisque « Color me blood red », le film dont elle est tirée, n'a jamais été projeté en France et qu'il n'en existe aucune version vidéo. C'est donc un document unique, inédit.
A travers l'histoire de ce peintre dément qui tente de trouver un nouveau moyen d'expression et aspire à l'originalité, l'auteur nous expose une réflexion sur l'art. Etrange tableau que celui offert par Adam Sorg, ce peintre obsédé par le rouge...
Comme le souligne Daniel Riche dans la présentation du livre, « Color me blood red » est une œuvre d'autant plus intéressante et originale qu'elle contient à l'état embryonnaire tous les éléments ayant donné naissance à l'un des plus controversés des courants picturaux de la précédente décennie : le « Body Art ». Ceux qui, au début des années 70, tels Dennis Oppenheim, Vito Accouci ou Gina Pana, s'enfilaient des échardes sous la peau, s'arrachaient des ongles, se mordaient jusqu'au sang, se faisaient lapider du haut d'un quatrième étage au risque d'y perdre la vie ou s'infligeaient de graves et profondes blessures pour faire de l'Art avec leur corps, n'étaient-ils pas, à leur manière, les dignes successeurs d'Adam Sorg, le « héros » de « Colore-moi rouge sang ? » (page 9). Cette conception paroxystique du don de soi appliqué à l'art ne débouche-t-elle pas en définitive sur une nouvelle forme de fanatisme ? Quoi qu'il en soit, si les Américains surnomment Herschell Gordon Lewis « Le Seigneur du Gore », gageons qu'avec cette traduction, les lecteurs français reconnaîtront en lui « Le Saigneur du Gore »