Le travail de critique est parfois un bien sale boulot. Par exemple lorsqu'il faut se résoudre à exécuter le bouquin d'un Michel Chevron, auteur des
Purifiants, charge anti-FN efficace et sympathique, et de
Fille de sang (tous deux chez le même éditeur), roman noir d'une force et d'une authenticité rares. Reste l'objet de notre colère. On passera vite sur le titre.
Gavial poursuite en vaut d'autres et, si l'on cherche une justification, la scène d'ouverture — la dévoration croquignolesque du malheureux Grand Bornand, dans un Paris à demi recouvert par les eaux (la seule scène à sauver !) — en fera office. Mais, très vite, le roman sombre : guerre des gangs peu crédible, personnages à peine esquissés (triste héros, méchants de pacotille), aventures sans dynamisme, histoire sans structure. Mais MACNO me direz-vous ? Dans un avertissement somme toute honnête
, l'auteur annonce son échec : « À la fin de l'été je n'avais pas réussi à produire une trame cohérente. » Évoquant Crumble, son personnage principal, Chevron utilise le procédé classique du roman du XVIII
e siècle (le texte serait une confession recueillie et publiée par celui qui signe le texte de son nom) pour lâcher une explication en forme d'aveu : « Mon apport : quelques ajouts introduisant MACNO de façon à rendre l'histoire publiable dans la collection. »
Il est peut-être temps de dire que l'affaire paraît mal engagée, comme l'a déjà expliqué
Denis Guiot dans notre
n°8. C'est probablement le concept même de MACNO qui ne fonctionne pas. Mais l'éditeur pourrait limiter les dégâts en ne confiant plus ses ouvrages à des écrivains de romans noirs à l'évidence dépassés par leur sujet. Une fois de plus, des béotiens le découvrent douloureusement : on ne s'improvise pas écrivain de SF !