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La Nuit des mutants

Jean SADYN



MARABOUT - GÉRARD , coll. Bibliothèque Marabout - Fantastique précédent dans la collection n° 347 suivant dans la collection
Dépôt légal : 1970
Première édition
Roman, 192 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
     Un sommet de l'épouvante
     Des visions de cauchemar d'une précision insoutenable
     L'œuvre d'un visionnaire
Critiques
     L'époque est devenue lointaine où les éditions Marabout nous donnaient, au fil des ans, un ou deux ouvrages annuels (ressortissant aux genres qui nous intéressent) à nous mettre sous la dent. Depuis leur première publication fantastique (Les contes d'Edgar Poe, n° 109), suivie à près de cent numéros d'écart par leur première publication S.F. (Les 20 meilleures nouvelles de science — fiction, n° 207), le rythme s'est accéléré. Signe des temps, une série autonome, « Marabout-fantastique », s'est détachée du « Marabout-géant », pour à son tour se scinder en deux, à l'occasion d'un regroupement à effet rétroactif qui sépare le « Marabout-fantastique » proprement dit du « Marabout-science-fiction ».
     Signe des temps, les couvertures ont acquis un relief plus vigoureux, les publications Marabout ayant opté pour une illustration gouachée de bonne pâte, avec une couleur dominante se détachant sur fond noir, où nous retiendrons particulièrement les spectres bleus de Aux portes de l'épouvante et les humanoïdes vert sulfureux de Après...
     Signe des temps, les volumes sont maintenant complétés par un abondant « Dossier-Marabout » qui présente le livre et son auteur, et si les « Avis du conseil de lecture », où ne s'alignent que des appréciations dithyrambiques, nous semblent superflus, on goûtera par contre un avis de Jacques Bergier (La guerre des mouches), une interview de l'auteur (Mort au champ d'étoiles).
     Signe des temps, les éditions Marabout ont ouvert au maximum le champ de leurs publications, puisqu'on y trouve côte à côte le fantastique le plus classique avec l'anticipation la plus moderne, le roman avec le recueil de nouvelles, l'inédit avec la réédition, l'ouvrage vieux d'un siècle avec l'écrit le plus récent, le texte français avec le texte étranger — éclectisme qui était jusqu'alors l'apanage des seuls « Présence du Futur ».
     Marabout mérite désormais une bonne place dans notre bibliothèque spécialisée. Et, signe des temps, l'oiseau de marque de la maison, qui orne le coin en haut à gauche de chaque couverture, a abandonné son allure claudiquante et affairée pour se planter solidement, face à nous, sur sa patte unique...
     Il nous reste à souhaiter peut-être un plus grand discernement dans le choix des titres, et aussi une traduction plus soignée des textes étrangers, avant que notre satisfaction soit totale.
     Depuis janvier 1970, les éditions Marabout ont publié une demi-douzaine d'ouvrages relevant de la S.F. ou du fantastique. Je me propose de les passer en revue, allant, comme il se doit, du moins bon au meilleur...

     (...) suivent dans l'ordre les critiques de La chinoise blonde d'Alexander Cordell, Mort au champ d'étoiles de Bernard Villaret, Après... la guerre atomique anthologie de Charles Nuetzel


     La nuit des mutants, de Jean Sadyn (natif des Flandres, âgé de 46 ans, et dont c'est le premier roman), est une œuvre qui appartient par son thème à la science-fiction, mais que son développement et l'atmosphère qui la nimbe rejettent, par un effet de translation dont nous sommes coutumiers, dans le domaine de l'horreur fantastique. (Jacques Goimard a jadis explicité cette phagocytose d'un genre par un autre à propos de Frankenstein, livre et films, et c'est le même phénomène qui nous frappe ici.) Aussi, la mention « Anticipation fantastique », relevée dans le « Dossier-Marabout », est-elle, à tout prendre une étiquette qui indique précisément quel sera le ton du livre, étant bien entendu qu'il ne s'agit nullement, comme l'avance le préfacier, d'un genre nouveau.
     Car le principal reproche qu'on peut adresser à La nuit des mutants est que le roman ne respire pas l'originalité : son parfum est au contraire le relent vieillot du déjà mille fois lu — et cela aussi bien pour ce qui concerne le thème proprement dit que la manière dont la sauce est liée. Qu'on en juge : le professeur Morin, docteur en médecine génial et solitaire, se lance dans des expériences biologiques sur les mutations animales, persuadé que toute forme est en puissance de métamorphose et que, tels certains insectes, les vertébrés peuvent accéder à un état supérieur après mutation contrôlée. Les recherches de Morin intéressent l'armée (« Sauver des vies humaines, lutter contre le cancer ? On lui avait ri au nez. Tuer impunément la moitié du genre humain (...). On le trouva intéressant »), et il reçoit des subventions, puis des cobayes humains sur qui il poursuit ses expériences, lesquelles se termineront, comme on le devine, fort mal pour lui et ses sujets... Si l'on ajoute que Morin sombre peu à peu dans la folie, que ses créatures infernales périssent par le feu et que le livre se termine sur le sempiternel couplet sur les recherches interdites et les « lois de la nature à ne pas violer », on aura compris que l'œuvre de M. Sadyn a poussé sur un terrain fort piétiné. La construction est elle aussi bien banale (quoique fort adroite et efficace), le récit étant construit sur le montage parallèle des carnets de Morin et des réflexions d'un autre personnage, Mervil, collègue du premier et témoin de ses travaux, au sujet duquel l'auteur se permet la petite escroquerie littéraire bien connue consistant à faire raconter à la première personne certains événements auxquels le récitant n'a pas assisté...
     Voilà donc un assemblage d'ingrédients qui pourraient amener une condamnation en bonne et due forme. Il n'en sera pourtant rien : La nuit des mutants se lit avec un plaisir constant, d'une traite ; c'est une œuvre qui m'a accroché de bout en bout avec ses pattes griffues et son bec acéré. La raison en est simple, elle tient simplement à la manière dont la phrase est écrite, moulée, montée ; c'est une affaire de style. On trébuche, dans les genres qui nous sont chers, sur trop de pattes de mouches pour passer sous silence le plaisir que peut provoquer la lecture d'un livre « bien » écrit — quels que soient les développements savants qu'on donnera à cette expression.
     En ce qui concerne la patte de M. Sadyn, je dois reconnaître que celui-ci s'est appliqué avec succès à la construction d'un climat nocturne, sulfureux, ouaté, qui suffit à donner au roman la densité nécessaire pour faire tenir debout la maigre charpente de l'histoire. On lira ainsi des pages de notations de ce genre : « D'incroyables yeux jaillirent de partout dans la pénombre, des yeux lumineux, des yeux de flammes, qui guettaient en silence. Et ce monde de ténèbres remua, tourna dans ses caisses, gratta, s'agita. (...) Elle voulut échapper à des regards phosphorescents et ses yeux tombèrent sur un sac mou de membranes visqueuses glissant lentement les unes sur les autres. Dans cette masse molle roulant doucement sur elle-même, seuls deux petits yeux noirs restaient immuablement en place, et la bête avançait, coulait du fond de sa cage vers les barreaux... »
     Pris par cette prose, on oublie aisément la banalité du propos (que rien n'empêche d'élever à la dimension de variations sur un mythe capté et captif), et on peut se laisser couler dans un bain de miasmes délicieusement malsains. Certes, ce livre ne fera pas date dans les publications Marabout, certes, il s'adresse en tout premier lieu aux fanatiques des « Angoisse » du Fleuve Noir, mais tel qu'il se présente il répond parfaitement à ses buts : être consommé tout cru, être digéré rapidement.

     (...) suivent dans l'ordre les critiques de Aux portes de l'épouvante anthologie de Kurt Singer, La guerre des mouches de Jacques Spitz.


Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/10/1970 dans Fiction 202
Mise en ligne le : 25/4/2002

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