Il n'est pas inutile de préciser, pour le lecteur français, que sous ce titre quelque peu ridicule de Tigre, feu et flamme se cache un vers de William Blake, devenu depuis lors le titre de maintes oeuvres de tout ordre (romans, films, etc.), Tiger, tiger, burning bright. Dans ce poème célèbre, Blake s'interroge sur la création du tigre, symbole de la puissance et du pouvoir. Pouvoir de feu et de lumière, qui transperce la nuit de son regard perçant. En faisant de la Maison du Tigre la famille régnante de Mérina, les trois grandes dames de la fantasy anglo-saxonnes entrent donc résolument dans la double thématique du pouvoir et de la spiritualité.
Comme à leur habitude, elles nous présentent trois personnages féminins, qui vont lutter contre un effroyable tyran soutenu par un noir sorcier, s'appuyer sur les pouvoirs de la magie et de la religion pour triompher du Mal, trouver un allié et un amour imprévu chez le propre fils du tyran et vivre mille aventures palpitantes dont la plupart sont prévisibles une bonne centaine de pages à l'avance. Bref, rien de bien original dans ce livre, qui épouse si étroitement les schémas de la fantasy classique qu'il en devient souvent caricatural et lassant. Le trio héroïque (la reine-mère, la reine déchue et l'héritière en titre), comme de bien entendu, s'évertue à nous montrer chacune des situations à trois reprises, ce qui ne pourrait présenter d'intérêt que si leur analyse en était différente — ce qui est rarement le cas.
En somme, un roman d'heroic fantasy comme il y en a tant, très décevant de la part de telles auteurs, dont le Cycle du Trillium n'était déjà pas très enthousiasmant. Certes, cela se lit aisément. Certes, il y a de l'aventure et de l'action. Mais faute d'originalité, à force de classicisme dans le déroulement et les ressorts de l'intrigue, les meilleures volontés finissent par se lasser. A conseiller pour un premier contact avec l'héroic fantasy, ou pour les amoureux inconditionnels du genre, mais à éviter si vous cherchez la nouveauté.
Pour le plaisir (et pour les anglicistes) (NB : thy/thine = ancien tutoiement — on dirait aujourd'hui « you » et « yours ») :
Tiger, tiger, burning bright
William Blake
Tiger ! Tiger ! burning bright
In the forests of the night :
What immortal hand or eye
Could frame thy fearful symmetry ?
In what distant deeps or skies
Burnt the fire of thine eyes ?
On what wings dare he aspire ?
What the hand dare seize the fire ?
And what shoulder, & what art,
Could twist the sinews of thy heart ?
And when thy heart began to beat,
What dread hand ? & what dread feet ?
What the hammer ? what the chain ?
In what furnace was thy brain ?
What the anvil ? what dread grasp
Dare its deadly terrors clasp ?
When the stars threw down their spears,
And water'd heaven with their tears,
Did he smile his work to see ?
Did he who made the Lamb make thee ?
Tiger ! Tiger ! burning bright
In the forests of the night :
What immortal hand or eye
Could frame thy fearful symmetry ?
Nathalie LABROUSSE (lui écrire)
Première parution : 1/2/2001 nooSFere