FLAMMARION
(Paris, France), coll. L'Âge d'or n° 4 Dépôt légal : 4ème trimestre 1965 Première édition Roman, 238 pages, catégorie / prix : 12 F ISBN : néant ✅
Deux nouvelles ont d'abord été écrites en français avant d'être publiées en italien. On ne connaît pas d'original en italien pour trois nouvelles sans mention de traducteur, sans doute écrites directement en français. Deux nouvelles sont des traductions de traducteur(s) inconnu(s).
Quatrième de couverture
Le propos de la collection « L'Age d'or » est de réunir un certain nombre d'œuvres inconnues ou insuffisamment connues dont les auteurs se sont efforcés, non pas de refléter les seules apparences, mais d'aller au delà de celles-ci. S'il se trouve que plusieurs volumes de ladite collection s'intitulent « contes fantastiques », c'est que le fantastique est l'une des manifestations de cette réalité intérieure dont la quête seule, à notre sens, justifie que l'on prenne la peine de lire. Mais le merveilleux, la féerie, l'humour ont, eux aussi, leur place dans une collection qui entend explorer les domaines les plus divers de la Poésie et de l'Imagination.
1 - André PIEYRE DE MANDIARGUES, Le Meneur de fantômes, pages 5 à 8, préface 2 - (non mentionné), Origine des textes, pages 9 à 10, notes 3 - Les Chants de la mi-mort (1938), pages 11 à 26, nouvelle 4 - Drame de la ville méridienne (1918), pages 27 à 30, nouvelle 5 - Drame de l'après-midi entre deux saisons (1918), pages 31 à 33, nouvelle 6 - Vie des fantômes (1925), pages 35 à 43, nouvelle, trad. Bona DE PISIS & Henri PARISOT 7 - La Mort de Niobé (1925), pages 45 à 53, nouvelle, trad. Bona DE PISIS & Henri PARISOT 8 - Introduction à une vie de mercure (1945), pages 53 à 78, nouvelle 9 - Forêt domestique (1938), pages 79 à 86, nouvelle, trad. Bona DE PISIS & Henri PARISOT 10 - Miss Caoutchouc (Amor di Gomma, 1938), pages 87 à 90, nouvelle, trad. André PIEYRE DE MANDIARGUES 11 - Achille énamouré mêlé à l'évergète (1938), pages 91 à 103, nouvelle, trad. (non mentionné) 12 - Le Bain de Vénus (1938), pages 105 à 106, nouvelle, trad. Bona DE PISIS & Henri PARISOT 13 - La Géante (1938), pages 107 à 111, nouvelle, trad. Bona DE PISIS & Henri PARISOT 14 - Dieux de là-haut (1938), pages 113 à 119, nouvelle, trad. (non mentionné) 15 - L'Œil de Napoléon (1938), pages 121 à 122, nouvelle, trad. Bona DE PISIS & Henri PARISOT 16 - Vendetta (1938), pages 123 à 124, nouvelle, trad. Bona DE PISIS & Henri PARISOT 17 - Les Vraies Métamorphoses d'Ovide (1955), pages 125 à 131, nouvelle 18 - Éon (1952), pages 133 à 140, nouvelle, trad. Henri PARISOT & Alberto SAVINIO 19 - La Maison de la stupidité (1952), pages 141 à 150, nouvelle, trad. Henri PARISOT 20 - Le Compagnon de voyage (1950), pages 151 à 164, nouvelle, trad. Henri PARISOT & Alberto SAVINIO 21 - Psyché (La Nostra Anima, 1944), pages 165 à 227, nouvelle, trad. Henri PARISOT & Alberto SAVINIO 22 - Henri PARISOT, Notice biographique, pages 229 à 232, biographie
Critiques
Ainsi que son nom ne l'indique pas, Alberto Savinio fut le frère de Giorgio de Chirico. Il est né en Grèce en 1891 – trois ans après le peintre – et il mourut en 1952. Devant l'officier d'état-civil, il se nommait Andréa de Chirico. Pour la postérité, il mériterait de rester comme uns sorte de Cocteau supérieur : s'il recherchait moins la publicité que l'auteur des Enfants terribles, il avait en revanche une diversité d'intérêts et une créativité plus grandes, et il a laissé une œuvre considérable qui commence à être connue hors de son pays, l'Italie.
Dans ce volume, la préface d'André Pieyre de Mandiargues et la notice biographique de Henri Parisot donnent une idée de la richesse de cette œuvre. Peintre, compositeur, metteur en scène, décorateur de théâtre, Savinio l'écrivain est défini par Henri Parisot « comme une sorte de Hoffmann surréaliste ; un Hoffmann revu par Alfred Jarry et Benjamin Péret ». Sous le titre de Vie des fantômes, le lecteur français trouvera une anthologie de ses contes, dans des traductions auxquelles ont travaillé, outre André Pieyre de Mandiargues et Henri Parisot, Bona de Pisis et Savinio lui-même.
Résumer l'action de ces contes, il ne saurait en être question. Cette action est un hymne surréaliste à l'absurde, au bizarre, au cocasse et au scandaleux. Un hymne dans lequel Savinio est servi par une imagination également à l'aise dans l'hénaurme et dans le détail, et où il laisse apparaître une vaste culture et un goût prononcé pour la mythologie grecque. Ce goût est celui d'un caricaturiste de génie, qui ne reconnaît aucun sujet comme sacré et qui n'hésite pas à recourir à l'humour scatologique pour démystifier le mythe. Son ahurissant Psyché – la plus longue nouvelle de ce recueil – en est une démonstration pleine de verve. Psyché, ou l'âme, se décrit de la sorte par la plume de Savinio :
« Ce bec de pélican qui pend de mon menton brillait jadis plus que l'or, et mieux que balles, moi avec mon bec de pélican, mes sœurs, l'une avec son bec d'autruche, l'autre avec son bec de canard, nous étions vraiment des types. »
Si l'on ajoute que Psyché est recouverte de tatouages (comme tes murs des monuments historiques sont parés de graffiti du fait de visiteurs regrettables), on comprendra que l'héroïne de Savinio est bien éloignée de celle de La Fontaine Cette Vie des fantômes n'est pas pour les cartésiens au goût classique.
Mais les amateurs de fantastique trouveront largement leur compte dans des récits comme Les vraies métamorphoses d'Ovide, où la culture de Savinio soutient et guide les trouvailles de son imagination, Introduction à une vie de Mercure, superbe flamboiement surréaliste (« Des troupeaux d'autobus, entourés d'un essaim de taxis et de voitures de maître, bondirent par-dessus les édifices et allèrent mourir d'épuisement au cœur des sombres forêts et sur le sable des lointains rivages ») ou La mort de Niobéébouriffant scénario de ballet où la cocasserie des notations est soulignée par le dépouillement du ton qu'adopte l'auteur (« Prêtres et fantômes, en bon ordre, exécutent un quadrille. La danse s'anime. Les prêtres relèvent leur robe et dansent avec frénésie. Les fantômes féminins s'agrippent aux plus jeunes des prêtres : ceux-ci les repoussent et se caressent entre eux »).
Faut-il absolument trouver un « message » en ces récits ? Celui-ci serait négatif et pessimiste, s'il n'y avait, au-dessus de tout, le sourire de Savinio. Sourire d'un esthète qui se plaît à bousculer l'ordre établi, les croyances admises et la logique éprouvée. Mais il le fait en montrant que l'imagination peut parfaitement engendrer son ordre à elle, ses propres croyances, et sa logique éphémère, qui durera le temps d'une Incursion dans le fantomatique. Le lecteur qui accepte le jeu découvrira que Savinio le joue en maître.