Suite à la disparition de Todd Pickett, l'immense star de cinéma, Tammy Lauper, la présidente de son fan club, s'est décidée à résoudre le mystère de cette absence injustifiée. Mais le périlleux voyage qu'elle a entrepris l'a conduite aux frontières de la folie : sans le savoir, à mesure qu'elle se rapprochait de l'acteur adulé, elle découvrait les plus sombres secrets de Coldheart Canyon, ce lieu mystérieux dont personne ou presque ne connaît l'existence.

Todd, lui, est tombé sous le charme vénéneux de Katya, la star oubliée, toujours vivante et irrésistible après cent ans d'existence et dont l'ombre omniprésente plane sur Coldheart Canyon. Un sanctuaire de débauche, que hantent les fantômes des vedettes de cinéma des années 1920 qui se retrouvaient là pour des orgies effrénées et perverses. Un havre de luxure qui n'a pas livré tous ses secrets, car dans les entrailles du palais irréel de l'actrice au cœur de pierre se trouve une porte dont on dit qu'elle s'ouvre sur un autre monde : le Pays du Diable. Et tous ceux qui se sont aventurés dans ce recoin barbare de l'enfer en sont revenus avec l'âme meurtrie par ce qu'ils ont vu et vécu...

 

Né en 1952 à Liverpool, Clive Barker est romancier, nouvelliste, scénariste de BD, auteur de théâtre, peintre et cinéaste, chantre d'un univers baroque, extrême et érotique placé sous le signe des métamorphoses de la chair. On lui doit notamment en littérature Le jeu de la damnation, Le royaume des devins ou Galilée, et au cinéma Hellraiser, le pacte, Cabal et Le maître des illusions. Il prépare actuellement un nouveau film, Tortured Souls — Animae Damnatae, travaille à un nouveau recueil de nouvelles fantastiques et continue le cycle d'Abarat qu'il écrit pour la jeunesse.

     Coldheart Canyon, acte 2. Todd Pickett, la superstar de l'écran, a trouvé refuge dans une étrange propriété de Los Angeles le temps que les stigmates de son opération de chirurgie esthétique ratée s'effacent. Ensorcelé par ce lieu insolite et par celle qui en est la maîtresse, Katya Lupi (une ancienne gloire du muet que l'étrange pouvoir de cette propriété a préservée de l'outrage des ans), Pickett passe bien près de succomber corps et âme aux maléfices du domaine. Il est néanmoins soustrait in extremis à l'influence de Coldheart Canyon et de ses habitants par Tammy Lauper, la présidente de son fan-club, qui finit par retrouver sa trace après avoir mené une minutieuse enquête sur la disparition de son idole. Sauvé ? Peut-être, mais à quoi bon ? Sa carrière semble plus que jamais compromise, et à ce propos, Pickett a quelques comptes à régler avec Maxine, son ex-agent. De plus, quelque part sur les hauteurs de Hollywood, la porte de l'antichambre de l'enfer demeure ouverte. Et sa gardienne, la troublante Katya, ne compte pas se laisser arracher son Todd Pickett sans réagir...

     Dans la deuxième moitié de son roman, Clive Barker poursuit son exploration de la face sombre et démoniaque de Hollywood, en observant la trajectoire d'une vedette guettée par la déchéance physique et morale. On ne constatera pas ici de changement de cap majeur par rapport à la première partie : le découpage en deux tomes procède d'un choix éditorial plus que d'un choix de l'auteur. Seule réelle différence narrative : l'avancée au premier plan de plusieurs personnages qui n'avaient parfois été que très brièvement exposés dans le volume précédent. Un dramatis personæ qui subit d'ailleurs de sanglantes coupes claires au fil des chapitres, du fait d'un bestiaire singulier où l'on croise entre autres démons, fantômes et hybrides effrayants.

     Le fantastique du roman est ainsi un fantastique explicite, extrêmement visuel — on pourrait même dire hollywoodien, si ce n'était son aspect « politiquement incorrect ». Bien entendu, certains se diront que ce n'est pas forcément le plus subtil des partis pris : les approches plus allusives, moins grand-guignolesques, laissant une plus grande place au suspense et au non-dit sembleraient peut-être préférables sous certains aspects. Mais le choix de Clive Barker — qui s'est lui-même frotté à Hollywood-Tinseltown en réalisant quelques-uns des films d'horreur les plus remarqués de ces dernières années — se comprend aisément : la ville du paraître, de l'ostentation et de la démesure pouvait-elle logiquement engendrer une horreur minimaliste ? Il ne faut par pour autant voir dans la recherche d'effets spectaculaires un facteur limitant la portée du roman, bien au contraire : décrire l'horreur d'une façon qui soit à la fois théâtrale, originale et convaincante est un véritable casse-tête duquel Barker se tire de belle manière. De fait, certains des tableaux narratifs les plus frappants s'imposent à l'imagination du lecteur, et l'impression de malaise qui les accompagne persiste bien après que la dernière page du livre a été tournée. On déconseillera d'ailleurs le livre aux lecteurs les plus sensibles comme à ceux qui voudraient garder du rêve hollywoodien une image immaculée.

     Parce que son premier degré frappe autant qu'il choque, et parce qu'il ne s'arrête pas au premier degré, Coldheart Canyon entre dans la catégorie des romans efficaces. Ce genre n'est pas de ceux qui remportent l'unanimité des lecteurs, ni même celle des amateurs de fantastique. Mais ceux qui y sont réceptifs apprécieront sincèrement ce roman et l'habileté de son auteur — et considéreront d'un œil tout autre le sourire éclatant de leurs vedettes préférées.