René-Marc Dolhen a tout dit dans son excellente chronique et je partage entièrement son avis enthousiaste. Comme Days, GiG est en effet « un grand plaisir de lecture, original et ludique », situé en marge de nos genres de prédilection – car si l'intérêt de l'intrigue réside essentiellement dans son aspect réaliste, quelques éléments flirtant avec la SF (une drogue psychotrope) ou avec le fantastique (le lien entre les deux personnages) ainsi que l'astucieuse construction en font une transfiction au sens « berthelotien » du terme.
Mais M. Dolhen se trompe lourdement dans sa conclusion et il me faut donc rétablir la vérité inaliénable. Par qui commencer, s'interroge-t-il ? Mais par Mik, de toute évidence !
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 5/9/2009 nooSFere
Plutôt qu’un roman, GiG est la somme de deux novellas. Dans Mik, nous partageons le quotidien de God Dog, groupe dont le leader charismatique et évanescent, fatigué des tournées et de la compagnie de ses musiciens, cherche à fuir sa vie de rock-star. Dans Kim, une jeune fille, fan absolue et copie androgyne de Mik jusqu’au bout des cheveux, fait tout pour obtenir un pass pour le dernier concert de la tournée, qui marque le retour de Mik dans sa ville natale de Rotor city après plusieurs années d’absence, d’enregistrements de disques et de tours du monde. Ce retour aux sources (« Back to the beginning » est d’ailleurs le titre de la dernière chanson interprétée par God Dog) permet à ces deux personnes d’entrechoquer leurs destins.
Ces deux novellas, présentées tête-bêche, posent tout de suite un problème au lecteur : va-t-il commencer par la vie misérable de l’agaçante Kim, ou par la trajectoire flamboyante de Mik ? Cette interrogation traduit toute l’ingéniosité de la construction de cette œuvre : plutôt que d’avoir intercalé les chapitres comme dans un roman traditionnel, Lovegrove laisse le choix. Avec beaucoup d’intelligence, il compose chaque novella de manière indépendante en se débrouillant pour que les nombreuses interactions entre les deux textes ne gâchent aucunement le plaisir de lecture du deuxième récit une fois le premier terminé. Au contraire, chacun complète et enrichit l’autre, sans redondance. A cela s’ajoutent palindromes et anacycliques, plus anecdotiques que réellement utiles à l'intrigue, mais qui amuseront les lecteurs.
Et l’histoire ? Si elle est relativement banale et que l'élément fantastique y demeure assez accessoire, l'intérêt surgit davantage du réalisme qui teinte tout le récit, depuis cette ville industrielle anglaise en déclin jusqu’à la description de la vie de tournée de God Dog, en passant par Kim, cette fan à qui l’on a régulièrement envie de donner des baffes et Mik, ce leader hautain et en partie décroché de la réalité. On sent une véritable passion de Lovegrove pour ce milieu musical et, tout naturellement, l’apogée des deux novellas aura lieu pendant le concert final de God Dog, moment de bravoure à l’ambiance extrêmement bien rendue.
Après la déception de Royaume désuni, précédente parution de Lovegrove en France, livre moyen et sans originalité, GiG se révèle un grand plaisir de lecture, original et ludique, que les amateurs de musique apprécieront tout particulièrement.
Saluons enfin le travail sobre et extrêmement pertinent de Magali Villeneuve pour les illustrations de couverture et celui de Mélanie Fazi pour la traduction impeccable. A noter qu’il s’agit de la première « grosse » œuvre traduite pour les éditions Griffe d’encre, souhaitons-leur de trouver d’autres textes aussi excitants pour la suite.
Par qui commencer alors ? Définitivement Kim !
René-Marc DOLHEN
Première parution : 9/6/2009 nooSFere