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Jakabok : Le démon de Gutenberg

Clive BARKER

Titre original : Mister B. Gone, 2007   ISFDB
Traduction de Jean-Pierre PUGI
Illustration de EIKASIA

DENOËL (Paris, France), coll. Lunes d'Encre précédent dans la collection suivant dans la collection
Dépôt légal : décembre 2009, Achevé d'imprimer : 2 décembre 2009
Première édition
Roman, 224 pages, catégorie / prix : 19 €
ISBN : 978-2-207-26057-9
Format : 14,0 x 20,5 cm
Genre : Fantastique


Quatrième de couverture
     Jakabok Botch habite le neuvième cercle de l'enfer, juste derrière le labyrinthe d'immondices sur lequel règne son père, Gatmuss : un démon toujours prêt à mettre une sévère correction à ceux qui ont la malchance de croiser son chemin. Dès qu'il a un moment de libre, Jakabok écrit, divague, invente des machines, parfois musicales, pour torturer son père. Des écrits qu'il cache dans sa chambre, jusqu'au jour où sa mère les trouve et y met le feu... Jusqu'au jour où Gatmuss le laisse rôtir, tête la première, dans le brasier de ses fantasmes de vengeance. Atrocement brûlé, effrayé à l'idée d'être occis par son géniteur, Jakabok n'a plus d'autre choix : il lui faut fuir le neuvième cercle de l'enfer. Un monde inconnu et un étrange compagnon de route l'attendent en haut...
 
     Jakabok : le démon de Gutenberg occupe une place à part dans l'œuvre de Clive Barker. On sent à chaque ligne de cette infernale comédie, littéraire en diable, que l'auteur s'y est fait avant tout plaisir. Mais sans limites ni tabous, comme à son habitude.
 
     Avec Les Livres de sang, Imagica, Clive Barker s'est imposé comme un des géants de la littérature d'horreur. Plusieurs de ses nouvelles ont été adaptés au cinéma. Il a lui-même réalisé le premier et le meilleur film de la série Hellraiser.
Critiques
     Il est peu de dire qu'il y avait comme une attente autour de ce Jakabok. A cela une double raison : l'immense talent de Barker, évidemment, créateur multigenres et multicartes (littérature, BD, peinture, cinéma, conception d'attractions foraines et on en oublie...), et aussi le fait que nous étions restés sur une impression mitigée à la lecture de Coldheart Canyon, son dernier roman adulte (critique in Bifrost n°38), paru en France en 2004 — soit six années derrière nous, ce qui fait tout de même un bail — , livre imposant émaillé de vraies fulgurances mais aussi de longueurs éreintantes. Ainsi donc Clive Barker, l'enfant terrible des littératures de l'Imaginaire anglaises, nous revient-t-il enfin, chez Denoël, et ce avec un livre (surprise !) court pour le moins... Alors ?

     Jakabok nous narre, à la première personne du singulier, s'il vous plaît, les aventures du susnommé Jakabok Botch, démon du Neuvième Cercle. Sa vie, son œuvre, et surtout comment il quitta les Enfers et parcourut le monde, entre le XIVe et XVe siècle, en compagnie de Quitoon, un autre démon, et ce jusqu'à sa rencontre avec Johannes Gutenberg, dont l'invention semble bien partie pour provoquer l'Armageddon... Manière de roman d'apprentissage, donc, mâtiné de conte philosophique aux épisodes ayant valeur d'exemplarité, un peu à la façon d'une certaine littérature du XVIIIe. Las, Barker n'est ni Sade ni Voltaire, et ce qui commençait comme une boutade assez hilarante, notamment dans toute la partie infernale des aventures de ce héros défiguré par un père aussi démon qu'ogre, finit par lasser tant l'auteur semble tirer à la ligne et se répéter. A commencer avec le procédé de prosopopée dont il use et abuse du début jusqu'à la fin de l'ouvrage — Jakabok étant sensé être prisonnier de son propre livre, « être » ni plus ni moins que le livre lui-même, ce dernier ne cesse de s'adresser au lecteur, de le « tenter » afin qu'il brûle l'ouvrage en question et ainsi le libère.

     Certes, l'humour ravageur fait parfois merveille, certes encore, on retrouve certains des thèmes chers à l'auteur d'Imajica — fascination pour la monstruosité, tant physique que morale, amours déviants, réflexions autour de la création, le héros démoniaque étant ici à la fois le sujet de l'œuvre et l'œuvre elle-même, etc. Mais si Jakabok ne se lit pas sans un certain plaisir, on n'en reste pas moins convaincu qu'il y avait là de quoi faire une nouvelle formidable et que l'auteur, étirant sa matière à n'en plus finir, en a fait un roman tout juste moyen...

     Le démon Jakabok Botch se cache peut-être bien sous la couverture du présent ouvrage. Mais un chose est sûre : le Clive Barker du vertigineux Sacrements (critique in Bifrost n°24), lui, n'y est pas. Dommage. Et en attendant de voir si on le retrouvera dans les pages de son prochain recueil annoncé en VO courant 2010, on ne manquera pas de se précipiter sur la toute récente réédition du Royaume des devins chez Folio « SF » (tout en tachant de faire fi de sa couverture immonde, comme il se doit). Croyez-moi, il y a là de quoi oublier la présente déception...

ORG
Première parution : 1/4/2010 dans Bifrost 58
Mise en ligne le : 13/7/2011


     Avant toute chose je tiens à m'excuser d'avoir lu ce roman, je n'aurais pas dû. D'ailleurs je ne devrais même pas en parler car toute promotion risque de continuer à faire souffrir ce pauvre Jakabok. En effet, coincé dans ce livre, le petit diablotin nous demande dès le début de l'en délivrer :
     « Brûlez ce livre.
     Allez. Hâtez-vous, tant qu'il est encore temps. Brûlez-le. Ne lisez pas un mot de plus. M'avez-vous entendu ? Pas. Un. Mot ! » p.7

     Jakabok, petit diablotin, vit avec ses parents dans le monde « d'en bas » jusqu'au jour où le drame arrive : sa mère tombe sur ses récits où il décrit les tortures qu'il veut infliger à son père. En effet, ce dernier les bat lui et elle. Pendant l'autodafé de ces textes, le père parvient à en lire un et décide de se venger. Mais alors qu'il pourchasse Jakabok pour le tuer, les deux démons sont capturés et attirés vers le monde « d'en-haut », le nôtre. À partir de là, Jakabok nous conte son histoire, ses découvertes comme son premier et éphémère amour mais surtout ses mésaventures, à commencer par ce qui l'a conduit a être enfermé dans ce livre.

     Si l'interpellation directe du lecteur se remarque parfois en littérature de genre (voir par exemple Choke de Palahniuk ou le démon Bartiméus dans la trilogie éponyme de Jonathan Stroud), ce procédé demeure assez inhabituel pour être encore attirant. Surtout qu'ici, ce ton ne sert pas « simplement » à agripper le lecteur pour le faire entrer dans un roman plus classique. Au contraire, ces interpellations continuent jusqu'à la fin et conduisent vers deux fils narratifs : l'histoire de Jakabok (l'explication de sa présence dans le livre) et ses discours directs adressés au lecteur. Mais paradoxalement si ce dernier élément est le plus original, il casse parfois le rythme du récit. C'est déstabilisant de voir une scène interrompue par l'imploration du diablotin. Parce que je suis sûr que vous resterez comme moi froid et insensible à la souffrance de celui-ci : ce ne sont pas ses jérémiades qui intéressent mais son parcours.
     Malgré ce petit défaut, on ne lâche pas ce roman qui, en plus de sa relative petite taille, bénéficie d'un style limpide, direct et accrocheur.
     A cela s'ajoute une petite rhétorique de critique sociale. Ce n'est certes pas l'élément le plus important du récit mais l'auteur se sert de la qualité inhumaine de son narrateur pour regarder froidement nos sociétés :
     « Vous dire toute la vérité sur votre espèce ne serait que justice. Et avant de pousser de hauts cris et de me rétorquer que je parle d'un lointain passé, d'une époque où vos semblables étaient bien moins raffinés et bien plus cruels qu'à présent, réfléchissez un peu.
     Pensez à tous les génocides qui sont perpétrés pendant que vous restez assis à lire ces lignes, combien de bourgades, de tribus et même de nation sont exterminées en cet instant même. » p.75

     Ainsi donc vous savez maintenant de quoi parle ce récit. Que dire de plus ? Devinant votre (dés)obéissance, vous implorer de ne pas l'acheter, au prétexte qu'il n'est pas assez profond, ou qu'on s'ennuie parfois des discours grandiloquent du démon, sera sans doute sans effet. Et si au contraire je vous conseille de l'acheter du fait de son originalité, de l'humour grinçant de Jakabok ou de son regard sur les hommes, je prends le risque que vous le fassiez. Est-ce bien ? Est-ce mal ? Je ne peux le dire, je sais juste que je ne tiens pas à être responsable de la souffrance d'un individu, fusse-t-il un démon. Peut-être ai-je déjà fait une erreur en vous en parlant...

Gaëtan DRIESSEN
Première parution : 13/1/2010 nooSFere

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