Dans les années 2030, une catastrophe nanotechnologique — le Nanogeddon — a ravagé la Terre. Des scientifiques s'isolent alors dans une station orbitale pour réfléchir aux problèmes de l'humanité et pour proposer des solutions... La vie palpitante des rats-taupes glabres, les effets secondaires de certains champignons, le rôle des phéromones et des mouchoirs trempés de sueur dans la sexualité humaine, l'histoire des utopies, etc. : à première vue, leurs marottes paraissent plus excentriques que propres à assurer notre avenir...
Comme l'auteur est cultivé et bavard, il profite de ce sujet ambitieux pour se laisser aller à de multiples exposés philosophiques, sémantiques, éthologiques, informatiques, littéraires, sociologiques, génétiques, politiques, botaniques, théologiques... qu'il déballe en vrac, sans effort apparent pour les inclure dans une véritable narration. La lecture de ce texte ressemble donc à celle d'une encyclopédie où l'on sauterait au hasard d'une notice à l'autre sans chercher à approfondir aucun des sujets. Pour compliquer l'affaire, le récit est ponctué d'innombrables acronymes et entrecoupé de citations, d'extraits de livres, de chansons et de messages codés qui accentuent son côté brouillon.
Le dénouement cosmique fera appel à tous les concepts à la mode de la SF récente, comme la réalité virtuelle, la noosphère et bien sûr la fameuse mécanique quantique... C'est dire si, dans ce premier roman, Hendrix manipule des idées intéressantes, mais sans doute trop nombreuses pour un auteur qui éprouve manifestement des difficultés à en dominer le flot. Il ne montre ni la virtuosité d'un John Brunner, capable de maîtriser une narration éclatée au point de la rendre parfaitement évidente, ni celle d'un Greg Egan, habile à susciter un vertige métaphysique en jonglant avec le même genre de concepts.
Bref, si l'humanité future est prête à atteindre un état d'hyperconscience, le lecteur, lui, sombre plutôt dans une morne somnolence. Le « Deus absconditus ex machina » — comme le nomme ironiquement l'auteur lui-même (p. 346) — qui se révèle à la fin recèle pourtant des potentialités passionnantes : cela nous fait regretter encore davantage l'ennui éprouvé tout au long de la lecture de ce roman.
Deux suites sont déjà parues aux États-Unis, formant la trilogie appelée Tetragrammaton : espérons que l'écrivain Hendrix s'y révèle...
Pascal PATOZ (lui écrire)
Première parution : 1/6/2002 dans Galaxies 25
Mise en ligne le : 1/2/2004