Robert LAFFONT
(Paris, France), coll. Pavillons Dépôt légal : 1999 Première édition 288 pages ISBN : 2-221-08825-5 ❌ Genre : Science-Fiction
Quatrième de couverture
Réalisme satirique, fantastique, vagabondage spirituel et méditation philosophique sur la nature de l'amour et du temps... Ces thèmes sont ceux qui, en Russie, nourrissent aujourd'hui la fiction. Ils nous offrent une étonnante image des absurdités d'un monde à la dérive.
Quand sa vieille tante, une bolchévique désabusée, meurt et lègue son appartement à Anna, celle-ci et son mari, Sergueï Teliatnikov, sont d'autant plus ravis qu'ils vivent dans un logement communautaire. Mais, dès le déménagement, d'étranges phénomènes se produisent : des objets volent, généralement en direction de Sergueï, qui devient en outre incapable de satisfaire au devoir conjugal. Que se passe-t-il ? C'est Lukari, immortel condamné à errer à travers le temps pour s'être trop approché du Grand Secret et qui, entre ses séjours intersidéraux, est tombé amoureux d'Anna. Esprit du Bien, Lukari tente par un coup d'éclat de modifier le cours de l'Histoire : il arrête le temps et projette d'assassiner Staline ! C'est compter sans la malignité de Serpina, son ami d'enfance dont il retrouve à chaque réincarnation un avatar prêt à lui jouer quelque tour...
Né en 1946, à Moscou, Nikolaï Dejnev a travaillé pour l'ONU et le ministère de la Recherche scientifique. Quatuor astral son deuxième roman, est déjà paru aux Etats-Unis.
Critiques
"A travers l'épaisseur des millénaires que troublaient les rides ondoyantes des conflits guerriers, Lukari plongeait son regard jusqu'aux prémices de l'histoire humaine, s'efforçant par tous les moyens d'appréhender la marche du temps en cette époque reculée. Quelque chose d'essentiel avait été perdu depuis lors, le sens de la vie, la faculté d'accepter le monde tel qu'il est." (p. 47)
Ce roman s'inscrit dans la tradition de la grande littérature russe. On y retrouve en effet un style riche et complexe, de multiples personnages insolites, une fascination pour l'amour, la folie, la culpabilité, le temps et la mort, et surtout une administration omniprésente. La hiérarchie est le fondement de la société, y compris chez les esprits où le département des ténèbres concurrence celui de la lumière.
Après un début un peu décousu, le roman trouve son rythme et le conte fantastique se révèle bien davantage : critique sociale, essai philosophique, interrogation métaphysique, histoire d'amour surhumaine… La portée métaphorique devient vite évidente, et c'est bien sûr un portrait de la Russie actuelle qui se dessine en filigrane, avec les doutes d'une génération qui se cherche et souhaite gommer le passé. Pour Lukari, Staline représente le mal absolu, mais n'est-il pas trop tard pour défaire le passé et remettre l'humanité dans le bon chemin ?
Malgré l'ambition et le sérieux du propos, la fantaisie est cependant toujours au premier plan. L'absurde et l'onirique dominent le réel, et les idées fourmillent. Nous faisons ainsi connaissance avec la cissoïde du temps inventé par Cronos, ou avec la théorie du double lacet de Chepetoukha : un nœud coulant pour attraper le passé et un autre pour piéger le futur… L'asile psychiatrique devient un refuge paisible où seule l'élite de la nation parvient à se faire admettre et dont la visite n'est autorisée qu'après avoir certifié par écrit ne pas chercher à s'y faire interner… Pendant ce temps, les korrigans sont condamnés à se recycler dans les villes car il n'y a plus assez de monde à effrayer dans les campagne...
Très original, ce roman est un excellent exemple d'une littérature fantastique contemporaine rare et méconnue, avec quelques autres comme Le maître et Marguerite de Mikhaïl Boulgakov, paru dans la même collection il y a trente ans.