SOLARIS
(Lévis, Canada), coll. Solaris (revue) n° 204 Dépôt légal : octobre 2017, Achevé d'imprimer : octobre 2017 Première édition Revue, 160 pages, catégorie / prix : 12,95 $ ISBN : néant Format : 13,3 x 21,0 cm✅ Genre : Imaginaire
Ce numéro commence avec « Les Cadeaux de Promethée », un texte extrêmement laborieux de Jean-Louis Trudel, qu’on a connu autrement plus inspiré (texte mélangeant philosophie et SF, laborieux, donc, mais aussi ambitieux). Suit une nouvelle de Frédéric Parrot, «LaCagede l’amourégoïste», qui mélange hommage lovecraftien limpide, darkweb (par essence non-euclidien), caverne platonicienne et ressources humaines (le narrateur est psychologue-consultant, il étudie des candidatures d’embauches pour des domaines sensibles, notamment celui de la défense). Sur le papier, c’est potentiellement un très bon cocktail. À la lecture, l’auteur semble passablement dépassé par l’ambition (notamment philosophique) de son projet, et tombe dans le piège lovecraftien bien connu de l’écriture un brin forcée. Dommage, l’intuition était bonne. Laurent Kloetzer, seul, ou en symbionyme avec son épouse, Laure, aurait sans doute produit quelque chose de beaucoup plus percutant avec les mêmes ingrédients.
On peut passer sans regret la première nouvelle publiée de Mathieu Arès, qui mélange musique, identité sexuelle et robotique, sans originalité, et avec un style appuyé un peu pénible. Par contre, la nouvelle d’Yves Meynard, « épines », est d’un tout autre niveau. Un prêtre vient interroger un homme au sujet d’une histoire de tour de magie vieux de trente ans. Alors qu’il était enfant, Davor a vu son ami de l’époque manipuler un œuf étrange. Les deux enfants habitant chacun un élevage de volailles, la scène lui a semblé surtout incompréhensible. Mais l’Inquisition aimerait connaître la vérité au sujet de cet œuf qui n’en était pas un (et était potentiellement un objet « horla » — joli emprunt au demeurant, en un mot inspiré). La nouvelle est convaincante car en quelques pages à peine, Yves Meynard dresse le portrait d’une colonie humaine sur une planète étrangère. La nouvelle est aussi frustrante car, comme dans bien des textes de Gene Wolfe (auteur qu’Yves Meynard apprécie énormément), le texte en lui-même n’est que le sommet d’un iceberg qu’il faut essayer de cartographier grâce à quelques indices aussi épars que subtils.« Épines », qui évoque forcément le James Blish d’ Un casdeconscience, est sans doute aucun la meilleure nouvelle du numéro. On imagine, mais peut-être à tort, qu’elle s’inscrit dans un cycle ou un projet plus vaste.
La nouvelle de Mario Tessier, « Nous chanterons la singularité à venir », est la présentation commentée d’une œuvre musicale composée par une IA ; ce texte (assez ennuyeux) fait écho à l’article du même Mario Tessier, « Les chants de la science-fiction lointaine ».
Les rubriques habituelles complètent ce numéro qu’on peut acheter pour lire Frédéric Parrot, Yves Meynard et l’article de Mario Tessier, qui devrait ravir les lecteurs qui apprécient la collision musique et science-fiction.