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La Mécanique du centaure

M. John HARRISON

Titre original : The Centauri Device, 1975   ISFDB
Traduction de Jean-Pierre PUGI
Illustration de MANCHU

GALLIMARD (Paris, France), coll. Folio SF précédent dans la collection n° 133 suivant dans la collection
Dépôt légal : avril 2003, Achevé d'imprimer : 9 avril 2003
Première édition
Roman, 306 pages, catégorie / prix : F9
ISBN : 2-07-042622-X
Format : 10,8 x 17,8 cm
Genre : Science-Fiction


Quatrième de couverture
John Truck n'est à première vue qu'un paumé, un ex-­dealer devenu propriétaire d'un cargo interstellaire d'occasion. Mais il est aussi, par sa mère, le dernier des Centauriens — cette race extraterrestre humanoïde jadis exterminée par les Terriens. Et, à ce titre, l'homme le plus recherché de l'univers.
Car la découverte d'un artefact centaurien menace de déséquilibrer le conflit larvé opposant, à l'échelle de la Galaxie, le Gouvernement Mondial Israélien et l'Union des Républiques Socialistes Arabes. Or, de par sa naissance, Truck semble le seul être capable de percer les mystères de la Machine centaurienne.
De la Terre à Centauri VII s'engage une terrible course-poursuite. Traqué de toute part, humilié, tombant suc­cessivement entre les mains de chaque faction en pré­sence, John Truck devra, seul, trouver la voie qui mène à l'ultime délivrance.
 
Puisant aux sources du sense of wonder, La mécanique du Centaure évoque, par l'ironie respectueuse qu'il témoi­gne à l'égard du space opera, les meilleures pages d'un Iain M. Banks.
 
Né en 1945 au Royaume-Uni, M. John Harrison a publié sa première nouvelle en 1966, avant de s'impliquer une dizaine d'années dans le magazine New Worlds, alors dirigé par Michael Moorcock. Il est l'auteur de Viriconium, un cycle de fantasy post-apocalyptique récemment réé­dité dans la prestigieuse collection « Fantasy Masterworks ».
Critiques
     John Truck est un loser : ex-drogué, petit armateur d'un cargo interstellaire, il a ceci de particulier qu'il est l'unique métis d'humain et de Centaurien, une race exterminée par les Terriens. A ce titre, il est l'objet de convoitise de diverses factions en guerre entre elles, depuis la découverte d'un artefact centaurien supposé être l'arme ultime que les extraterrestres n'ont pas eu le temps d'utiliser.

     Le Gouvernement Mondial Israélien et l'union des Républiques Socialistes Arabes ne sont pas les seuls à désirer s'approprier cette arme dont nul ne connaît le fonctionnement, ainsi le Dr Grishkin — prêtre d'une religion estimant qu'il n'est nul organe honteux créé par Dieu et dont certains adeptes, les Ouvreurs, donnent à voir à travers des panneaux transparents le travail des organes internes — la convoite-t-il également. Egocentrique forcené, Truck ne cesse de fuir ces idéologues convaincus à qui il ne confierait jamais sa destinée, devenant le nouveau symbole d'une anarchie libertaire.

     Les péripéties, rapides et multiples, dépeignent un univers en proie à la misère et la violence, où les plus démunis sont les victimes éternelles de puissants trop acharnés à vouloir leur bonheur pour penser à soulager leurs souffrances. Space opera irrévérencieux, ce premier roman de l'auteur de Viriconium (en cours de réédition chez le même éditeur) alterne humour et aventures pour compenser la noire lucidité d'un avenir social mal engagé mais pas entièrement désespéré. « Cette Galaxie ne m'inspire plus que du dégoût », affirme Himation, qui sait cependant que la beauté existe ailleurs dans l'espace, comme le lui a appris le poète Pater, une des figures marquantes du roman. La Mécanique du Centaure n'est pas exempte de passages réussis, même si la lecture est parfois gâchée par des défauts de jeunesse, la foisonnante imagination mal canalisée donnant une densité un peu brouillonne.

Claude ECKEN (lui écrire)
Première parution : 1/10/2003 dans Bifrost 32
Mise en ligne le : 9/1/2005


     Les rendez-vous de M. John Harrison avec son lectorat français ont été plutôt rares ces trente dernières années : une paire de nouvelles dans Fiction au milieu des années 70, sa trilogie Viriconium chez Garancière dix ans plus tard, puis plus rien jusqu'à aujourd'hui où Folio SF traduit enfin le premier roman (l'édition anglaise remonte à 1975) de l'auteur. On ne s'étonnera guère alors de la faible visibilité de cet écrivain majeur en France (où on le confond souvent avec l'américain Harry Harrison).

     Sur le site Infinity Plus (http://www.infinityplus.co.uk/nonfiction/lightrev.htm) Adam Roberts débute ainsi sa critique de Light, dernier roman paru de MJH : « Qui écrit mieux que M. John Harrison ? Parmi les quatre cents écrivains de langue anglaise encore en vie et dignes d'intérêt, la réponse est : pas beaucoup. » Et d'évoquer John Updike ou Toni Morrison pour la force descriptive de sa prose, Don DeLillo pour les dialogues, ou encore Philip Roth pour son approche de la violence qui sous-tend notre quotidien. Vous aurez noté au passage l'absence d'auteurs de SF sur cette liste. Et pour cause : peu d'entre eux resteront dans l'histoire de la littérature pour leur style ; on pense à Gene Wolfe, Ursula Le Guin et quelques autres, mais ils forment l'exception d'un genre tourné avant tout vers le développement d'une intrigue. Chez Harrison, l'intrigue est secondaire ; il ne se passe pas grand-chose, même lorsqu'il emprunte l'une des formes de SF les plus tournées vers l'action, à savoir le space opera.

     Car c'est bien de cela qu'il s'agit dans La Mécanique du Centaure qui, par son intrigue, est typique des BDO novels de l'Âge d'or (BDO signifie Big Dumb Object, soit littéralement « Gros Objet Stupide » : dans ces récits, c'est la découverte d'un tel objet qui lance et alimente l'intrigue, un classique du genre étant, bien entendu, 2001 l'odyssée de l'espace de A.C. Clarke). Ici, c'est sur Centauri VII qu'un tel objet a été découvert, laissé là par les Centauriens, victimes d'un génocide mené par les Terriens. Et cet artefact ne peut être déclenché (même si l'on ignore tout de son utilité : là aussi c'est une caractéristique d'un BDO) que par un Centaurien. John Truck est le dernier des Centauriens (par sa mère), c'est aussi un ex-dealer, capitaine d'un cargo interstellaire. Rien ne l'a préparé à être l'objet d'une lutte acharnée entre les deux forces qui dominent le monde : le Gouvernement Mondial Israélien (GMI) et l'Union des Républiques Socialistes Arabes (URSA). Tout est donc en place pour un space opera plutôt classique. Sauf que chez Harrison, rien ne se passe comme prévu. Rappelons que le roman a été écrit en 1975, et qu'il est l'héritier direct des idées et des expérimentations de la New Wave anglaise (Harrison a participé à l'aventure New Worlds avec Moorcock). Autrement dit, les héros sont fatigués et le souffle héroïque n'est plus qu'un souvenir. En témoigne cette tirade extraite de la page 208, d'un dialogue entre Angina (un agent au moins double) et Truck, en présence de Veronica, un trafiquant de drogue : « Que vous disais-je, Truck ? Je vais où me conduit ma dépendance. (...) C'est une Galaxie pourrie, et elle ne vous appartient pas plus qu 'à moi. Ce salopard... (en désignant Veronica de la tête), le général (GMI) et Ben Barka (URSA) se partageaient le gâteau. Ils autorisaient le Dr Grishkin à ramasser les miettes contre son absolution. Politique, religion et drogue : ils nous offraient l'oubli en échange de l'Enfer. »

     L'héroïsme désuet du space opera de papa a fait place à une conscience de classe aiguë qui transcende les clivages politiques et religieux (le GMI et l'URSA pratiquent la même langue de bois). « Politique, religion, idéologie... autant de tentatives guindées et désespérées pour s'affranchir de la responsabilité de ses actes : des abdications. » (p. 249) Ce lumpen proletariat du futur est celui des losers, des laissés-pour-compte de la guerre des étoiles et de cette « galaxie de dealers » (p. 205), des victimes et des survivants de génocides. Le message de MJH ? « Nous sommes tous des Centauriens ! »

     La Mécanique du Centaure n'est pas un livre facile, pas une lecture confortable. M. John Harrison aime secouer son lecteur et son style est son arme principale. Il faut du temps pour rentrer dans le récit, mais une fois pris dans les filets de l'auteur, on ne regrette pas le voyage, même si force est de constater que le cheminement intérieur de Truck est bien plus intéressant que le trajet de son cargo à travers la galaxie.

Benoît DOMIS (lui écrire)
Première parution : 1/9/2003 dans Galaxies 30
Mise en ligne le : 27/11/2008

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