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La Ville incertaine

Jean-Marie Amédée PAROUTAUD



Robert MARIN
Dépôt légal : mai 1950
Première édition
Roman, 224 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : néant
Genre : Science-Fiction


Pas de texte sur la quatrième de couverture.
Critiques

    Ce roman parut pour la première fois en 1950. Sa nouvelle diffusion permettra à plus d'un lecteur de découvrir – ou de redécouvrir – un des plus étonnants récits qui aient été écrits en français sur les surprises de l'Arbitraire.

    Ranède, condamné à mort pour meurtre, s'échappe, passe une frontière, et arrive dans la Ville Incertaine. Cet adjectif ne s'applique pas à la réalité physique de la ville. Celle-ci est parfaitement concrète, tangible, réelle et, ainsi qu'on peut la reconstituer à travers ce que l'auteur en indique, ni plus belle ni plus laide qu'une ville de province de moyenne importance. Ce qui la rend incertaine, ce sont ses lois. Un beau jour, celles-ci peuvent punir n'importe quoi : l'achat d'un paquet de cigarettes dans un magasin déterminé, le fait de conduire une fille dans tel étage de tel hôtel de passe, le retard avec lequel on a quitté un parc public à l'heure de sa fermeture. Et jamais, bien sûr, ces lois ne sont annoncées à l'avance, d'où l'incertitude. Les transgresseurs sont emmenés… où ? Nul ne le sait. On murmure que ce sont eux qui travaillent aux basses besognes nécessaires à la marche de la cité, qu'ils sont emprisonnés ou exécutés, mais on ignore leur sort exact.

    L'étranger Ranède découvre assez rapidement cette particularité des lois locales et, après avoir essayé de s'adapter à la vie de la cité, après avoir même tué celui qu'il croit être le responsable de ces lois gratuites et changeantes (mais à quoi cela pourrait-il servir ? Un autre prendra aussitôt sa place, les fonctionnaires étant, pratiquement par définition, interchangeables), il franchira dans l'autre sens la frontière, et ira se constituer prisonnier de la police de son pays.

    Manifestement, c'est une charge contre la bureaucratie et son arbitraire que l'auteur présente en ces pages. La charge est d'autant plus cruelle que seule l'énorme hypothèse fondamentale est imaginaire : l'application des fonctionnaires à casquette qui viennent perquisitionner et emmener les transgresseurs, la gravité avec laquelle chacun se soumet à des lois qu'on discute d'autant moins qu'elles sont plus absurdes et la sévérité avec laquelle est contrôlé le travail dans des usines parfaitement inutiles (une partie du personnel faisant des trous dans des pièces qu'une autre partie du personnel rebouchera un peu plus tard), tout cela ne relève aucunement de l'utopie. Le mordant de l'auteur est celui d'un caricaturiste dont la plume ne fait que souligner des traits qui existent.

    La comparaison avec la caricature s'impose encore par le ton choisi : il possède une gravité détachée qui ne dégénère jamais en pathétique, mais dont la précision souligne l'absurdité du tableau. Il n'y a ni pitié, ni colère dans la description de personnages pitoyablement grotesques et affublés de noms saugrenus – Alcaride, la voisine de Ranède dans sa chaîne d'usine, qui deviendra sa maîtresse par commodité, Nabus, cafetier et prestidigitateur, sont après tout des citoyens parfaitement honorables dans leur ville absurde.

    Absurde également, le sport national, que Nabus décrit à Ranède :

    — …de belles dalles de marbre blanc polies et dures, tellement bien ajustées qu'on n'y peut distinguer aucun des joints. Au-dessus, un anneau qui s'élève à volonté. Les athlètes s'y accrochent il tour de rôle, et c'est à celui qui plongera de la plus grande hauteur. Il faut faire un saut périlleux et retomber sur ses pieds. (…) Mais attention, il ne suffit pas, pour gagner le concours, d'avoir plongé du point le plus haut, il faut encore pouvoir ensuite faire en courant le tour de l'arène. 

    Le comique du livre naît de l'abondance et de la qualité des notations – c'est d'ailleurs par sa noirceur qu'il fait rire. Mais, après avoir ri, on se prend à réfléchir. La vigueur d'impact de cette ville incertaine n'est point négligeable.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/12/1964 dans Fiction 133
Mise en ligne le : 22/10/2023

Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantes
Francis Valéry : Passeport pour les étoiles (liste parue en 2000)

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