Jacques Bergier était sans doute l’archétype même du savanturier.
Du personnage, qu’il avait rencontré dès le début des années 1950, à l’époque de la Balance, la librairie de Valérie Schmidt, l’écrivain et critique Philippe Curval brosse cette chaleureuse description :
« Devenu légendaire aujourd’hui, c’était en réalité un homme simple, charmant, caustique, conteur inépuisable à l'accent d’extraterrestre qui connaissait l’art subtil du récit, des fables fortéennes dont on ne savait jamais s’il les inventait pour le bonheur d’inventer ou s’il parlait vrai. Sa mémoire — je ne dirai pas encyclopédique, car cela me paraît restrictif — lui permettait de répondre à toutes questions à propos de la physique quantique, des armes secrètes, de la Science-Fiction, dont il était un lecteur boulimique et passionné depuis les années 1930. Par sa vision lyrique et totalitaire de la Science-Fiction, admirateur inconditionnel de H.P. Lovecraft, Abraham Merritt et Arthur Conan Doyle, il fut certainement l’un de ses meilleurs messagers, un excellent propagandiste.
Sa générosité était inépuisable. Quand nous allions chez lui, une chambre d’hôtel près des Folies Bergère, il nous désignait un tas de livres empilés au centre de la pièce, qui formait comme une colline, et nous invitait à nous servir. Ce que nous faisions sans problème. Pour lui, un livre lu était mémorisé. S’il en avait besoin par la suite pour y rechercher un détail, il le rachetait. »
L’esprit savanturier imprègne la correspondance échangée entre 1955 et 1965 par Jacques Bergier avec Pierre Versins, le futur auteur de l’Encyclopédie de l’utopie, des voyages extraordinaires et de la science fiction (1972), ouvrage clé s’il en fut dans la structuration de la savanture. Ses nombreuses chroniques dans Fiction témoignent de son insatiable curiosité et de son goût pour les approches transversales et déconcertantes. Dans les derniers textes de présentation rédigés pour la Bibliothèque Mondiale, à la fin des années 1950, on voit nettement poindre le très controversé Matin des magiciens (1960), écrit avec Louis Pauwels. Le cadre offert par la Bibliothèque Mondiale fait figure de laboratoire où se synthétise, comme par une alchimie revue et corrigée, le concept non moins discuté de « réalisme fantastique », à la définition et aux frontières incertaines. Avec ce deuxième volume de L’Aube du Magicien, composé de textes parfois malaisés d’accès, voire entièrement inédits — Jacques Bergier et Pierre Versins : une amitié savanturière (1955-1965) — , et complété d’une étude érudite de Patrice et Victoriya Lajoye, Jacques Bergier et la SF soviétique en France, s’éclaire tout un pan de l’histoire de la Science-Fiction en particulier et des littératures de l’imaginaire en général, à travers l’un de ses acteurs les plus singuliers et les plus attachants.
1 - L'Esprit du savanturier, pages 9 à 16, introduction 2 - Jacques BERGIER, « Science Fiction » et critique sociale, pages 18 à 21, article 3 - Bibliothèque Mondiale (2ème partie), pages 22 à 76, article 4 - Jacques BERGIER, Fiction (2e partie), pages 76 à 139, article 5 - Jacques BERGIER, Science-Fiction et satellites, pages 102 à 105, article 6 - Jacques BERGIER, Science-fiction russe, pages 109 à 111, article 7 - Jacques BERGIER, Le Mystérieux nombre 5, pages 123 à 124, article 8 - Jacques BERGIER, La Science à l'assaut des univers parallèles, pages 127 à 129, article 9 - Jacques BERGIER, La Tour Saint-Jacques, pages 140 à 143, article 10 - Jacques BERGIER, Arguments, pages 144 à 147, article 11 - Jacques BERGIER, H. P. Lovecraft ce grand génie venu d'ailleurs, pages 148 à 152, préface 12 - Jacques BERGIER, Préfaces et contributions diverses, pages 148 à 266, article 13 - Jacques BERGIER, Préface à l'essai de Jacques Sternberg, Une Succursale du Fantastique nommée Science-Fiction (1958), pages 153 à 154, préface 14 - Jacques BERGIER, La Science-Fiction, pages 154 à 171, article 15 - Jacques BERGIER, Préface à Les Chefs-d'oeuvre de l'épouvante (1965), pages 171 à 180, préface 16 - Jacques BERGIER, Petite histoire des grands criminels, pages 180 à 193, préface 17 - Jacques BERGIER, Préface à Les Chefs-d'œuvre du Fantastique (1967), pages 193 à 199, préface 18 - Jacques BERGIER, Edgar Rice Burroughs, pages 199 à 207, article 19 - Jacques BERGIER, Préface à Elric le nécromancien de Michael Moorcock (1969), pages 207 à 211, préface 20 - Jacques BERGIER, Faire mouche..., pages 211 à 213, postface 21 - Jacques BERGIER, Introduction à Ceux de nulle part / Les Robinsons du cosmos de Francis Carsac (1970), pages 213 à 216, introduction 22 - Jacques BERGIER, Préface à Les Cavernes d'acier / Face aux feux du soleil d'Isaac Asimov (1970), pages 217 à 219, préface 23 - Jacques BERGIER, Historique et bilan de la science-fiction, pages 219 à 229, introduction 24 - Jacques BERGIER, Préface à La Nébuleuse d'Andromède d'Iven Efrémov (1970), pages 229 à 232, préface 25 - Jacques BERGIER, Préface à Apparition des surhommes de B.R. Bruss (1970), pages 232 à 235, préface 26 - Jacques BERGIER, Préface à Créateur d'étoiles d'Olaf Stapledon (1970), pages 235 à 240, préface 27 - Jacques BERGIER, Préface à La Fin d'Illa de José Moselli (1970), pages 241 à 243, préface 28 - Jacques BERGIER, Préface à Lutte avec la nuit de William Sloane (1970), pages 243 à 246, préface 29 - Jacques BERGIER, Préface à La Maison aux Mille Étages de Jan Weiss (1970), pages 246 à 249, préface 30 - Jacques BERGIER, Préface à Martiens, go home ! de Fredric Brown (1970), pages 249 à 251, préface 31 - Jacques BERGIER, Préface à Les Navigateurs de l'Infini de J.-H. Rosny aîné (1970), pages 251 à 254, préface 32 - Jacques BERGIER, Préface à Plus noir que vous ne pensez de Jack Williamson (1970), pages 255 à 258, préface 33 - Jacques BERGIER, Préface à Une porte sur l'été de Robert Anson Heinlein (1970), pages 258 à 261, préface 34 - Jacques BERGIER, Préface à Solaris de Stanislas Lem (1970), pages 261 à 263, préface 35 - Jacques BERGIER, Préface à La Ville du Gouffre d'Arthur Conan Doyle, pages 263 à 266, préface 36 - Jacques BERGIER & Pierre VERSINS, Jacques Bergier et Pierre Versins : une amitié savanturière. Correspondance (1955-1965), pages 268 à 402, courrier 37 - Patrice LAJOYE & Viktoriya LAJOYE, Jacques Bergier et la SF soviétique en France, pages 403 à 419, article 38 - Gil SARTÈNE, Réalisme fantastique ou fantastique idéalisme ? (à propos de "Planète"), pages 419 à 425, article