Ce numéro comprend un supplément électronique (scan de droite), réservé aux abonnés, téléchargeable sur le site du club Galaxies, référencé ici dans les pages II (2) à XXXV (35). Existe aussi, tout en couleurs, incluant le supplément, aux formats PDF imprimable, Epub, Mobipocket/Kindle et AZW3 au prix de 4,90 €
1 - Philippe CAZA, État de Ruine, pages II à XI, nouvelle 2 - Xavier WATILLON, Dragonland, pages XII à XXIII, nouvelle 3 - Brice LE ROUX & Romain LE ROUX, Apath, pages XXIV à XXXV, nouvelle 4 - Pierre GÉVART, Éditorial, pages 2 à 3, éditorial 5 - (non mentionné), Notre illustratrice : Cassandre de Delphes, pages 4 à 4, biographie 6 - Ken LIU, Dans la boucle (In the Loop, 2014), pages 6 à 19, nouvelle, trad. Jean-Michel CALVEZ 7 - Guillaume LAFFINEUR, Flora X Fauna, pages 20 à 31, nouvelle 8 - N. R. M. ROSHAK, Par les yeux d'autrui (A Bitter Thing, 2018), pages 32 à 48, nouvelle, trad. Pierre Alexandre SICART 9 - Léa SILHOL, AVAnt qu'il ne soit trop TARd, pages 49 à 62, nouvelle 10 - Denis TAILLANDIER, L'Imaginaire de l'intelligence artificielle dans la science-fiction, pages 64 à 66, article 11 - Tony SANCHEZ, SF et IA, un mariage de longue date, pages 67 à 74, article 12 - Denis TAILLANDIER, Visions croisées de l'intelligence artificielle dans la science-fiction, pages 75 à 88, entretien avec Taiyô FUJII & Olivier PAQUET & XIA Jia 13 - Taiyô FUJII, Complicité (Koraboreshon), pages 89 à 111, nouvelle, trad. Denis TAILLANDIER 14 - XIA Jia, L'Été de Tongtong (2013), pages 112 à 125, nouvelle, trad. Gwennaël GAFFRIC 15 - Lucie CHENU, Léa Silhol, de la fantasy au cyberpunk, pages 128 à 135, article 16 - Lucie CHENU, Bibliographie de Léa Silhol, pages 136 à 138, bibliographie 17 - Lucie CHENU, Questions à Léa Silhol, pages 139 à 143, entretien avec Léa SILHOL 18 - Hugo VAN GAERT, Mangas, pages 144 à 147, critique(s) 19 - Jean-Guillaume LANUQUE & Didier REBOUSSIN, Séries-Graphies, pages 148 à 156, chronique 20 - COLLECTIF, Notes de lecture, pages 157 à 180, critique(s) 21 - Jean-Pierre ANDREVON, Deux mois de ciné chez soi, pages 181 à 192, critique(s)
Critiques
Une fois n’est pas coutume, ce numéro de Galaxies contient des choses vraiment intéressantes, surtout au niveau des nouvelles. À commencer par « Dans la boucle » de Ken Liu. Il y est question d’une jeune femme, Kyra, fille d’un « monstre » qui a tué plus de mille deux cents personnes par drone interposé durant des opérations militaires. Comment ne pas penser à Chris Kyle ? Quand son père meurt (« on ne pense pas que ce soit un homicide », précise le policier qui annonce la nouvelle à la famille), Kyra a neuf ou dix ans. Plus tard, devenue une jeune femme pleine de talent, elle s’intéresse aux algorithmes et au poids psychologique qui pèse sur les pilotes de drones, aux répercussions de leurs mauvaises décisions, quand ils en prennent bien malgré eux. Ce qui va l’amener à réfléchir à la programmation de machines de guerre autonomes. Malgré une écriture assez terne (problème de traduction française ?), le texte passionne et ses ramifications, si elles ne surprennent pas totalement, donnent beaucoup à réfléchir.
« Par les yeux d’autrui » de N.M.R. Roshak (une jeune autrice canadienne qui signe aussi Natalka Roshak) est aussi un très bon texte. La traduction de Pierre-Alexandre Sicart m’a semblé bien meilleure que la précédente. On y suit l’histoire d’amour d’une jeune femme, qui a du mal à joindre les deux bouts, avec un extraterrestre à tentacules, un Hexien en permission sur Terre. L’autrice utilise son point de départ pour aborder l’altérité, le désir, le quotidien et la place de l’argent dans le couple. On ne peut s’empêcher de penser aux différents amours inter-espèces chers à Philip José Farmer, à L’étrangère de Gardner Dozois. C’est vraiment bien de bout en bout, assez subtil. Une autrice à suivre.
Le dossier « Intelligence artificielle et science-fiction » dirigé par Denis Taillandier est ma foi intéressant, notamment l’interview croisée de la chinoise Xia Jia, d’Olivier Paquet et du japonais Fuji Taiy. On pourra arguer que c’est un peu léger, vu le sujet, mais les idées crépitent, entrent en collision, explorent le champ intellectuel sus-cité en faisant souvent intervenir considérations philosophiques et politiques (Xia Jia sonne parfois « voix officielle du parti communiste chinois », comme Liu Cixin dans certaines de ses interventions internationales, c’est rigolo ; par contre, sa nouvelle est une purge dont je ne suis pas venu à bout).
Fuji Taiyo est l’auteur du décevant et bavard Nuage orbital critiqué dans notre n°93. Sa longue nouvelle « Complicité » m’a semblé elle aussi bien bavarde ; elle explore une idée très proche de l’inoubliable « Radieux » de Greg Egan, sans la puissance conceptuelle de l’Australien et sans réussir à créer de véritable surprise. Cela dit, cela reste un texte intéressant, original par son cadre japonais/ tokyote et son personnage point de vue dominé intellectuellement par un ingénieur d’origine chinoise. Le reste m’a moins convaincu, et quelques articles et nouvelles sont clairement embarrassants.
J’ai parlé récemment de nouvelles en présentant différentes revues. Je voudrais aujourd’hui attirer l’attention sur le numéro 71 de la revue Galaxies, qui a pour thème Intelligence Artificielle et Science-Fiction.
Numéro de bonne qualité, mais qui à mon goût est passé à un niveau supérieur grâce une autrice chinoise : Xia Jia et un auteur et dessinateur japonais : FUjii Taiyô par lesquels le numéro prend une coloration singulière. En abordant la page 75 : j’ai ressenti ce sentiment qui surgit parfois, la certitude de lire quelque chose d’important, qui sort de l’ordinaire et qu’il serait utile et agréable de garder en mémoire. Cela commence avec des entretiens : « Visions croisées de l’Intelligence Articifielle dans la Science-Fiction », auxquels participe outre les deux auteurs cités, Xia Jia et Fujii Taiyô, Olivier paquet sous la houlette de Denis Taillandier.
Les entretiens laissent la place au récit avec Complicité, une nouvelle de FujiiTaiyô (藤井太洋), qui évoque les voies cachées d’un internet, outil de répression dévoué aux pouvoirs totalitaires. Le narrateur continue à chérir ses idéaux de jeunesse, bien certain que l’espoir que les réseaux ont incarné, dans sa jeunesse, est désormais obsolète. Un jour, il découvre qu’une application qu’il avait créée a continué à être développée, mais par qui ? Dès lors renaît l’espoir de trouver un chemin de résistance et de liberté…
Je conclus avec la nouvelle qui est mon coup de cœur : L’été de Tongtong, de XIA Jia (夏笳) : la narratrice, une petite fille apprend par sa mère que leur grand-père va « venir vivre à la maison ». Les capacités du grand-père sont déclinantes, mais celui-ci est à l’opposé du bon grand-père faible et attendrissant auquel les clichés nous ont habitués. Ancien médecin, hautain, autoritaire, il déjoue tous les pronostics. Ainsi, la famille lui envoie un robot pour l’aider. La narratrice devine qu’il s’agit d’un drone piloté par un étudiant avec lequel elle lie sympathie : le drone/étudiant lui propose une partie d'échecs, mais le grand-père lucide, devant le piètre niveau de son opposant, démolit son camp en peu de coups, révélant des capacités intellectuelles immenses, que seules brident des facultés physiques déclinantes. Aussi, décide-t-on d'inverser le processus en confiant au grand-père le contrôle du drone… qui se retrouve dans son hôpital où il reçoit et soigne à nouveau des patients… Ce n’est que le premier rebondissement de ce récit qui en compte plusieurs autres...
Déniant toute vision lénifiante et mensongère, l’autrice met en scène une personnalité puissante, bridée par son corps et envisage la vieillesse non comme un naufrage, pour reprendre le mot du général de Gaulle, mais un défi. L'enjeu de la vieillesse consiste à soutenir un esprit en pleine possession de son mental et veiller à ce qu'il puisse exerce son intelligence jusqu’à son dernier souffle…