Après avoir vaincu le Grand Plus et abandonné Chernoviz (l'ancienne Irlande) à la violence vindicative des Moins, Adonaï, surnommé le Celte Noir, guide les Survivants vers la surface de la Terre. Sur l'île, où lui et ses protégés se posent, vivent des hommes Bleus dont l'acte d'amour — la fornication savante — est l'activité principale. Garnig serait-elle le Paradis ?
Ou plutôt l'Enfer ? Adonaï et sa compagne, Rose-Hardie, sont seuls à nourrir un tel doute qui va grandissant mais dont le bon sens leur apparaîtra trop tard ; mille fois trop tard.
Les Hommes-Vecteurs est à la fois un roman court, simple et agréable. Sans fioritures inutiles, le style en parait quasiment dépouillé. L'efficacité y remplace l'art, mais qui irait s'en plaindre ?
Certes, quelques hiatus affleurent à la surface. Notamment, le comportement des Survivants — sexuel, surtout — ne semble pas crédible du point de vue psychologique. Des gens qui ont en effet vécu sous le joug de la pudeur — une pudeur malsaine érigée en dogme — pendant toute leur vie ne peuvent se libérer de son emprise en un tour de main. Sur cet écueil précis, l'écriture de Clifden a pris un raccourci fâcheux.
Mais l'histoire suit son cours jusqu'à un dénouement qui, s'il n'assouvit pas la faim du lecteur curieux, le surprend un peu.
Question : l'auteur n'aurait-il pas sacrifié hâtivement un héros qui commençait à l'ennuyer ?
Réponse : ce cycle, effectivement, par son manque de richesse, a pu le lasser.
Question subsidiaire et insidieuse : l'immolation des deux personnages principaux n'a-t-elle pas pour but de préparer une suite à rebond, intitulée par exemple : La Résurrection du Celte Noir ? !
Éric SANVOISIN
Première parution : 1/10/1985 dans Fiction 367
Mise en ligne le : 12/3/2005