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La Route des soleils

Wildy PETOUD

Première parution : Paris, France : Fleuve Noir, Anticipation, Space, octobre 1994

Illustration de MANDY

FLEUVE NOIR / FLEUVE Éditions (Paris, France), coll. Anticipation précédent dans la collection n° 1953 suivant dans la collection
Dépôt légal : octobre 1994, Achevé d'imprimer : octobre 1994
Première édition
Roman, 192 pages, catégorie / prix : nd
ISBN : 2-265-05056-3
Format : 10,7 x 17,6 cm
Genre : Science-Fiction

Sous-collection Space. Le livre comporte une seconde couverture, la première couverture ayant une découpe en triangle.


Quatrième de couverture
Une fille vous a piégé, et voici votre tête mise à prix par une toute puissante Famille. Seule option : changer de planète. Et sans argent, vous êtes bon pour l'astro-stop, dans une coquille d'acier qui pourrait bien devenir votre cercueil...
Critiques
     II est toujours délicat pour un critique de présenter des ouvrages de SF francophone — pour l'essentiel parce que le lecteur n'est pas dupe : il sait bien que dans les « petits milieux » littéraires, tout le monde connaît tout le monde. Par ailleurs, il est clair que tant les auteurs que les critiques — ce sont d'ailleurs les mêmes — sont plus souvent des caractériels que des gens raisonnables. Une critique élogieuse risquera donc d'être confondue avec un renvoi d'ascenseur ou perçue comme relevant du copinage, tandis qu'une critique défavorable sera interprétée comme un règlement de comptes. Pauvre critique qui essaie pourtant de bien faire les choses ! Et de tenter de vous donner envie de lire de la SF d'expression française ! Ce qui, ne le cachons pas, est le but de cette rubrique — d'où la règle du jeu suivante : nous n'y évoquerons que des livres qui nous auront semblé intéressants.
     Wildy Petoud est ce que l'on appelle un « jeune auteur ». J'ai dû la croiser deux fois dans ma vie et n'ai pas souvenir d'avoir échangé avec elle plus de cinq mots. A ma connaissance, cette jeune femme de nationalité suisse est apparue sur la scène SF il y a six ou sept ans. Elle n'a depuis publié qu'une poignée de nouvelles qui m'ont semblé d'un total inintérêt — opinion très personnelle et parfaitement atypique : si Wildy Petoud est inconnue du public, elle est adulée par la centaine d'individus constituant ce ghetto nommé « fandom » et sa jeune carrière est déjà parsemée de plusieurs prix littéraires. On pourra toujours m'accuser d'avoir mauvais goût ou, l'âge aidant, de dénigrer systématiquement les formes modernes du genre. Il se trouve plus simplement que cette sorte de poudre-aux-yeux littératurante ou cette déconstruction narrative bien naïve, m'ennuie prodigieusement. N'est pas Alfred Bester qui en rêve.
     L'annonce de la parution du premier roman de Wildy Petoud n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Ma curiosité fut éveillée par le fait que cette Route des soleils — un joli titre — était annoncée à paraître dans une collection dite « populaire » où la lisibilité est de règle. Ouvrons une parenthèse : un critique ne prend pas son pied en survolant en une après-midi une demi-douzaine de romans plus ennuyeux l'un que l'autre, et en les saquant ensuite aux commandes de son Macintosh. Il est avant tout un lecteur parfaitement ordinaire. Chaque fois qu'il aborde un livre, il espère donc sincèrement le trouver à son goût et passer un bon moment en sa compagnie. Parenthèse fermée.
     C'est donc sans a-priori — au contraire : avec l'envie et l'espoir de l'apprécier — que j'ai abordé La route des soleils, une route que j'ai suivi jusqu'à son terme avec un plaisir évident et permanent.
     La quatrième de couverture est un bon résumé du prologue : « Une fille vous a piégé, et voici votre tête mise à prix par une toute puissante Famille. Seule option : changer de planète. Et sans argent, vous êtes bon pour l'astro-stop, dans une coquille d'acier qui pourrait bien devenir votre cercueil... ». Et voilà Derek Flo en plein espace, au chaud dans sa doudoune, à attendre le pouce levé au bord de l'astroroute. Il ne tarde pas à être ramassé et va bientôt commencer à faire son éducation, à bord d'un vais­seau à destination de Chant Du Cygne. Notons qu'en route, une astro-stoppeuse fugitive est également ramassée, et faisons remarquer que ce premier tiers du roman — où les héros sont des jeunes gens naïfs mais rêvant de manger tout cru l'univers entier — est une copie parfaitement conforme des (souvent excellents) romans pour adolescents écrits par Robert Heinlein dans les années 50. On y trouve même ce défaut typiquement Heinleinien : tous les personnages sont formidables, gentils, honnêtes, courageux...
     Parvenu à proximité de Chant Du Cygne, Derek quitte ses nouveaux amis et parcourt l'univers, de cargos en croiseurs, d'escale en escale, toujours le pouce en l'air. Jusqu'à ce qu'il soit ramassé par le Peshrnerga, ancien vaisseau militaire commandé par un certain Simon Zeller, à bord duquel vivent en harmonie des ter­riens — tous anciens stoppeurs — et des extra­terrestres, d'ailleurs très crédibles. Les voyages du Peshmerga forment le second tiers du roman : Derek apprend qu'à moins d'un miracle, la galaxie est condamnée. Rien moins. Le vaisseau est en effet peuplé de rescapés venant de planètes totalement détruites par une moisis­sure tueuse : eux sont immunisés. Bien en­tendu, Derek est également immunisé contre cette maladie et, ce qui ne nous étonnera pas, il est ce miracle évoqué ci-dessus. Assisté par ses amis xénos et par Derek, Simon Zeller décou­vrira l'origine de la « rouille » et la manière de la détruire.
     Le troisième tiers du roman est le récit de ce combat. Je n'en dirai pas davantage : vous devrez lire La route des soleils pour savoir comment le jeune Derek Flo deviendra une légende vivante en sauvant l'univers.
     On l'aura compris, ce roman doit absolument tout à la Science-Fiction américaine de l'Age d'Or — c'est-à-dire celle publiée par John Campbell dans Astounding Stories dans les années 40, celle signée Robert Heinlein, Isaac Asimov ou A.E. Van Vogt. Car si le ton général du roman est bien celui d'un juvénile d'Heinlein, le personnage de Derek Flo est un parfait héros vanvogtien, tandis que nombre de scènes seraient à leur place dans le corpus asimovien — difficile de ne pas penser à plus d'un moment à Tyran, Cailloux dans le ciel ou encore aux Courants de l'espace. Les références les plus fortes à la SF campbellienne se trouvent toutefois dans ces longs et fréquents passages où les personnages se livrent à des considérations sur l'évolution des sciences humaines : un discours d'ailleurs très intéressant qui fait de ce roman autre chose qu'un simple roman d'aventure bien mené. D'autant que Wildy Petoud a réussi à moderniser partiellement une thématique ultra-classique — les allusions à la nanotechnologie montrent un auteur connaissant la SF américaine contemporaine, ce qui n'est hélas pas le cas de la plupart des auteurs francophones d'Europe.
     Une autre influence de l'Age d'Or américain évidente est celle d'Alfred Bester. Le roman se termine en effet par le départ du héros pour une autre galaxie — final de Terminus les étoiles ; sans compter que le personnage de Derek Flo (ses rapports avec les femmes, son initiation dans l'espace, son rôle essentiel dans le roman et dans l'évolution de la galaxie) n'est pas sans rappeler celui de Gulliver Foyle, d'autant que le rêve de Flo (le déplacement par télékinésie de matière organique vivante sur des distances stellaires) n'est rien d'autre que l'invention de Foyle (le jaunting).
     Si les auteurs anglosaxons pratiquent depuis longtemps cette sorte d'hommage à la SF campbellienne des origines — voir par exemple une bonne partie de l'œuvre de Bob Shaw et toute celle de Rebecca Ore, un auteur de l'envergure d'un C.D. Simak que l'on aimerait voir traduit chez nous — la démarche est relativement nouvelle en France et reste l'apanage de quelques « fans devenus écrivains » — le nom de Roland C. Wagner vient ici à l'esprit, en particulier pour la partie de son œuvre signée du pseudonyme Red Deff (également aux éditions Fleuve Noir). Le danger est évident : une littérature qui ne progresse pas régresse ; l'imitation des classiques peut certes à la fois participer à la formation des jeunes auteurs et vivifier un genre lorsqu'il s'étiole, mais elle conduit à terme au repli d'un genre sur sa propre histoire et au naufrage dans la postmodernité. Ce que je nommerai volontiers le Syndrome Hypérion — en référence au (double et bientôt triple...) pavé à succès de Dan Sim-mons (collection Ailleurs et Demain) qui n'est pas un roman de SF mais un roman sur la SF.
     Pour en revenir à Heinlein et à Wildy Petoud, il est amusant de trouver de nom­breuses allusions à l'œuvre du Maître américain, tout au long de La route des soleils. L'expression « les vertes collines de la Terre » revient par exemple plusieurs fois sous la plume de l'auteur. Plus intéressant à noter : la « philosophie politique » de la plupart des personnages est précisément celle dont Heinlein se faisait le champion. La quête de la « liberté » est l'élément moteur du roman et revient sans cesse dans les discussions entre les personnages. A la fin, le lecteur apprend par exemple que deux des com­pagnons de Derek ont monté une entreprise pour fabriquer des vaisseaux spatiaux individuels à très bas prix avec pour motivation essentielle : « vider la Terre ! ». C'est-à-dire don­ner (ce bien entendu de manière parfaitement illégale) à chaque terrien assez gonflé pour ten­ter l'aventure, la possibilité de quitter la pou­belle fasciste qu'est devenu le berceau de l'humanité, afin de gagner sa liberté. Parlant de son associé, l'un des protagonistes a cette phrase révélatrice : « II estime que sa mission dans la vie est de favoriser le départ dans l'espace du plus de mécontents possible ».
     Il est assez croustillant de constater que Wildy Petoud qui, à l'occasion d'une conférence lors d'une Convention de SF, ne trouvait pas de mots assez durs pour attaquer Robert Heinlein (le traitant, je cite, de « vieux con facho »), signe aujourd'hui un premier roman devant à peu près tout à ce même Heinlein, par ailleurs parfaite illustration littéraire de la philosophie politique libertarienne ! Comme quoi il est possible de tenir un discours « critique » lourdement déficitaire sur le plan de l'intelligence, puis de signer une œuvre littéraire de qualité prenant le contre-pied de ce discours. Nul n'est parfait ! Et les voies de la création littéraire sont souvent bien tortueuses.
     Pour conclure, il doit être clair que si vous êtes avant tout à l'affût d'œuvres novatrices, vous risquez de voir surtout dans La route des soleils une accumulation de clichés et de situations convenues. Par contre si la SF est pour vous une littérature de délassement, si vous n'hésitez pas à relire de temps en temps, pour le simple plaisir, un bon vieux Heinlein ou Asimov, ce roman est garanti à 100% par la Rédaction. Et comme les deux motivations ne sont pas exclusives, tout le monde devrait acheter ce livre.

Francis VALÉRY
Première parution : 1/1/1995 dans Cyberdreams 1
Mise en ligne le : 13/9/2003


     Auto-stop interstellaire
     Le premier roman de la Valaisanne Wildy Petoud est un space-opera drôle et rebondissant.

     En science-fiction, Wildy Petoud n'est pas une novice. Plusieurs de ses récits brefs, parus dès 1986 dans diverses anthologies spécialisées, ont fait connaître jusqu'aux Etats-Unis sa verve inspirée, criant de noires et furieuses passions. Ce talent de nouvelliste lui a valu en 1993 le Grand Prix de l'Imaginaire, décerné à Paris pour « Accident d'amour » 1, un concentré d'horreur de huit pages à faire pâlir Stephen King (d'épouvante et de jalousie).
     Habitués aux images tourmentées et aux phrases chocs de ses nouvelles, les lecteurs de la Valaisanne découvriront dans « La Route des Soleils » une romancière au contraire paisible et désinvolte. Ni colère ni carnage dans cette épopée d'un auto-stoppeur de l'espace qui fuit sa Terre natale et des amours contrariées. Planètes, humanoïdes, extra-terrestres et galopantes péripéties défilent en un panorama exotique que le héros traverse en somnambule ébahi. Parvenu au bout de son périple, c'est presque malgré lui qu'il sauve la galaxie d'une monstrueuse épidémie.
     Conçu à l'origine comme un space-opera pour adolescents, le roman déboulonne joyeusement les clichés du genre auquel il feint d'appartenir. Les ruses féminines désarment les machos bardés de principes ; un démiurge facétieux raccommode les invraisemblances du scénario en manipulant les probabilités ; et la chance refuse obstinément de quitter le héros, « la pérennité du miracle étant une loi de l'univers ». Le voici donc contraint de triompher de toutes les épreuves, happy end compris.

Notes :

1. Accident d'amour, in Les territoires de l'inquiétude n°4, anthologie réunie par Alain Dorémieux, Denoël, Présence du fantastique, 1992.

François ROUILLER (site web)
Première parution : 6/12/1994 24 heures
Mise en ligne le : 10/11/2000

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