diffuser en boucle l'évidence qui est partout dans le
ciel. Les extraterrestres sont là. Les Zitis, comme on
dit, parce qu'il est plus facile de leur donner un nom
générique plutôt que de retenir celui de chaque espèce
qui constitue cette communauté interstellaire.
Bien sûr, les gouvernements terriens font semblant
que rien n'a changé alors que leur oligarchie prend
l'eau de toute part. Bien sûr ils s'efforcent de voler ce
qu'on est prêt a leur offrir. Mais c'est la galaxie toute
entière qui s'ouvre à l'humanité et c'est une
opportunité que seuls les opportunistes sont
incapables de saisir.
En trois textes qui évoquent les plumes et les
thématiques de Philip José Farmer, Robert Heinlein et
Isaac Asirnov, Jean Millemann, philanthrope et
xénophile, nous dit en substance que, un jour, toutes
les radios et toutes les télés interrompront leurs
programmes simultanément, ce sera le début du
monde. »
Ayerdhal
Né en 1960, Jean Miltemann est un baroudeur des littératures de l'imaginaire, et de l'écriture tout court. Tour à tour journaliste, régisseur, critique, formateur, Jean Millcmann est un touche à tout éclectique et original, à l'écriture empathique. On lui doit notamment Bienvenue sur Fumeterre (Cylîbris), Dans le présent recueil, il évoque la difficulté à comprendre l'Autre — qu'il habite en bas de chez soi ou qu'il vienne des étoiles. Comment passer outre nos différences ? Comment communiquer ? Comment vivre ensemble ? Autant de questions auxquelles l'écrivain — breton d'adoption — s'efforce d'apporter des réponses.
1 - Lanatkka-nagui, pages 6 à 62, nouvelle 2 - Leboeuf se paye une toile, pages 63 à 102, nouvelle 3 - Trois petits pas sur le chemin de la sérénité, pages 103 à 117, nouvelle 4 - (non mentionné), Jean Millemann - Bibliographie, pages 119 à 121, bibliographie
Critiques
Sanshôdô est un petit recueil de trois nouvelles de Jean Millemann, auteur français discret s'il en est, et pour le moins éclectique puisqu'il aura produit à la fois des œuvres imaginaires (Fumeterre, Bienvenue sur Fumeterre) et... des ouvrages sur l'artisanat en Alsace. Le fil conducteur de ces trois nouvelles : les extraterrestres (les « zitis ») débarquent sur Terre. Pas une seule race, mais d'innombrables : les Nagaï, les Delphies, les arachnoïdes, les Tatous... Chose étonnante, ces peuples ne sont pas agressifs ni belliqueux, au contraire, même si leur aspect nous est parfois repoussant, ils n'ont apparemment aucune velléité guerrière, ils pourraient même nous transmettre une partie de leur savoir. Notre monde s'en trouve bouleversé tant l'homme est remis à sa juste place, à savoir celle d'un peuple archaïque nouvellement intégré dans une communauté interstellaire aux avancées technologiques qui le dépassent — un thème cher à Arthur C. Clarke, exploité notamment dans le roman Les Enfants d'Icare. Ici, Jean Millemann ajoute à l'écriture romanesque une fougue dogmatique au service d'un humanisme sans mièvrerie. Exercice difficile tant il est risqué de frôler les poncifs, les stéréotypes, et de tomber dans une gentille leçon de morale nous laissant avec un sourire béat de gratitude face à quelques envolées pleines de bon sens. Certains (beaucoup) s'y sont cassé les dents. Exercice difficile, donc, mais réussi. L'auteur aborde en seulement une centaine de pages les thèmes de la communication entre races, de l'amour entre des êtres différents, de la spiritualité, de l'intégration, ou encore du partage de la connaissance dans la quête du sens de la vie. Le recueil s'ouvre avec « Lanatkka-Nagui ». Un jeune scientifique est envoyé sur une station spatiale afin d'espionner les « zitis ». Sa mission officielle : avec son homologue, une jeune Nagaï, préparer la station à accueillir les futurs représentants terriens. Tout oppose ces deux êtres, leur vision du monde et de la vie, leur histoire, leur apparence, leurs projections dans l'avenir et leur place dans la communauté interstellaire. Un très joli texte sur l'amour, la différence et le partage. La seconde nouvelle, « Leboeufsepayeunetoile », est une enquête policière sur le meurtre d'un éminent spécialiste en communication extraterrestre, apparemment commis par un arachnoïde. Ici, l'écriture est plus hachée, presque nonchalante, rendant le texte plus complexe d'abord même si, au final, sa teinte cynique, désabusée et son humour décalé font qu'il nous restera longtemps en mémoire. Enfin, le recueil se termine avec « Trois petits pas vers le chemin de la sérénité », nouvelle précédemment publiée dans l'anthologie Arcanes de Fabien Lyraud (éditions Voy'[el]). Dans cette parabole philosophique, un juge va rencontrer le Grand Tanuki, maître du savoir aux allures de dragon. Autour d'une cérémonie du thé pour le moins cocasse, l'émissaire terrien apprendra à ouvrir son esprit afin de découvrir le sens de la vie. Un conte initiatique entre spiritualité japonaise et préceptes bouddhistes zen. Au final, trois nouvelles de très bonne tenue, de celles qui laissent des souvenirs tenaces, au point d'avoir envie que l'auteur reprenne la plume et nous invite à nouveau dans son monde, peut-être pour un recueil complémentaire. Le travail des éditions Ad Astra et le choix de cet auteur sont remarquables, et la qualité de ce petit opus mériterait un lectorat plus conséquent que sa distribution actuelle (qui semble pour le moins confidentielle) ne le permet. Alors, ici, on réitère notre engagement pour les bons auteurs et on vous invite à commander ce petit livre chez votre libraire préféré ou à visiter le site de l'éditeur : < www.adastraeditions.com >. Assurément, Jean Millemann est un nouvelliste de talent et Sanshôdô est à ranger aux côtés des meilleurs écrits de Jean-Claude Dunyach, Jean-Jacques Girardot ou Jean-Jacques Nguyen. Dans votre panier !
Né en 1960, Jean Millemann s'était fait connaître en 1994 avec Fumeterre, un recueil de nouvelles cyberpunks sombres à l'écriture nerveuse. Ce recueil, plutôt bien accueilli par la critique, avait été repris chez Cylibris en 1998 ; depuis, plus aucun livre n'était sorti sous la plume de l'auteur. Certes, il avait édité deux anthologies (Pouvoirs critiques chez Nestiveqnen en 2002, et Les Héritiers d'Homère chez Argemmios en 2009), publié ici et là une grosse dizaine de nouvelles, mais c'était bien tout (pour être exact, il faut mentionner trois volumes sur l'artisanat en Alsace, région d'origine de l'auteur) ; aussi, la publication de ce Sanshôdô, la voie des trois vérités, aux éditions Ad Astra, fait-elle figure de petit événement.
Ce recueil est placé sous le signe de la trinité : trois dans le titre, trois comme le nombre des nouvelles ici présentes, et trois comme le nombre d'étapes sur le chemin de la sérénité dans la nouvelle qui clôt ce livre et lui donne sa signification. Car il s'agit bien ici de sérénité, dans le sens de la conscience que doit avoir chacun qu'il n'est qu'un élément faisant avancer le monde ; mais néanmoins un élément crucial, qu'il ne faut pas négliger. On doit être en accord aussi bien avec soi-même qu'avec son environnement ; et cela ne peut passer que par une prise de conscience commune, que l'on se doit de favoriser. L'environnement est ici constitué d'extraterrestres, que l'on imaginera sans mal être une projection de l' « autre », celui qui ne nous ressemble pas, mais avec qui il faut bien vivre. Les « Zitis » sont donc arrivés sur Terre, et les protagonistes humains des trois textes présents ici vont être amenés à les côtoyer (à des fins artistiques, d'enquête policière ou d'expertise juridique) et à beaucoup apprendre à leur contact, par le biais de l'amour ou de la réflexion. Pour qui en était resté au sombre Fumeterre, le contraste avec ce recueil apaisé, tolérant et écologique, risque de surprendre fortement. Il ne faut néanmoins pas oublier la foi en ses personnages qu'a toujours eue Millemann, y compris parmi les drogués et capers de Fumeterre. Sanshôdô participe du même élan humaniste ; on pourra sans doute reprocher à Millemann de basculer parfois du côté d'un utopisme naïf fait de bons et nobles sentiments, mais l'indéniable sincérité du propos emporte tout.
Au final, Sanshôdô, la voie des trois vérités se révèle ainsi un recueil attachant sur l'acceptation de la différence et le besoin vital de communication ; espérons maintenant que le prochain livre de l'auteur mettra un peu moins de temps à nous parvenir que le présent volume.