[Critique de 2 romans de Peter Randa :
Cycle zéro - FNA n° 182
Commando de transplantation - FNA n° 185]
Gris, ternes, secs, irritants et attachants, tels sont les deux livres de Peter Randa, le meilleur étant « Cycle Zéro ». L'auteur est un cas et mérite qu'on l'étudie un peu. Voici deux ouvrages rapidement contés mais squelettiques, et qui nous laissent insatisfaits. Alors que « Survie » et « Baroud » étaient « terminés », nous n'avons ici que les ébauches de romans encore à écrire, des plans, des canevas à peine étoffés. Et cependant les livres ne tombent pas des mains ! D'abord l'auteur connaît son métier ; le perpétuel dialogue intérieur au présent fait que le lecteur voit l'action par les yeux du personnage principal et s'y attache ; caractères et dialogue, malgré la grisaille perpétuelle, sonnent juste ; et les problèmes exposés trouvent leur résonance en nos esprits. Mais à chaque page également nous devinons le roman qui aurait pu être écrit, et nous sentons que l'auteur est capable de l'écrire, de lui apporter tous les développements souhaités, qui du reste sont là, esquissés, figurés par quelques notations elliptiques. Voilà l'impardonnable.
Ainsi, « Cycle Zéro » nous transporte dans une société d'immortels, où le mot jeunesse est vide de sens, où un garçon de 30 ans se révolte et s'oppose aux centenaires. Oui, c'est le thème même de « The city and the stars », et nous enrageons de voir l'auteur le tronquer, se borner à jeter de loin en loin une notation rapide qui nous éclaire sur ce conflit psychologique, sur lequel devraient se greffer bien d'autres répercussions.
Sans doute est-ce le procédé même qui est en cause. Toute l'action est vue, sentie, commentée par le héros, et celui-ci est un homme d'action, qui vit le conflit, ne l'analyse pas, n'en ayant pas le temps, devant avant tout agir. Alors que le tout aurait dû être analysé de l'extérieur, comme le fit Clarke.
Que Peter Randa change d'optique, qu'il prenne le temps de développer ses livres, d'y ajouter la couleur et le relief qui font défaut à cette succession de plans grisâtres, et nous compterons un bon écrivain de SF de plus. Mais le fera-t-il ?
Jacques VAN HERP
Première parution : 1/11/1961 dans Fiction 96
Mise en ligne le : 21/1/2025