La Vierge d'Astolat est un luxueux vaisseau de croisière appartenant à Dame Dela, une femme de 70 ans ayant subi de nombreuses réjuv, qu'accompagnent des clones à sa dévotion, dont les psy-grammes reproduisent certains héros de la geste arthurienne : Lance (lot), Percival, Gauvain, Mordred, et aussi Elaine, narratrice du récit. Au cours d'un voyage stellaire, la Vierge, tombe en panne dans un univers intérieur et s'ancre à une sorte de roue gigantesque où sont agglomérées les épaves de plusieurs autres vaisseaux. Ce piège galactique est habité par une entité menaçante, qui cherche à entrer dans la Vierge...
Un postulat très archétype : mais le roman date de 1978, donc des débuts de la carrière de Dame Carolyn. Qui le traite selon deux axes principaux : la progressive prise de conscience (ou plutôt prise d'autonomie) des clones qui, parce qu'ils ont engrammé la bande de programmation qui les a modelés à l'image des héros arthuriens, acquièrent une personnalité double, et presque schizophrénique ; la lutte contre l'entité (la Bête), qui a pour elle l'éternité, et finira par coloniser la Vierge et ses occupants. Ces deux lignes de récits se mêlent, naturellement, jusqu'à fusionner à la fin du livre ( mais non sans mal : car l'auteur est plus à l'aise dans l'introspection permanente à laquelle se livre
Carolyn Cherryh vise, c'est net, le mythique. C'est-à-dire qu'elle s'efforce de plier sa s-f au moule assez informel de la légende. Des épigraphes des Idylles au Roi, de Tennyson (un poète anglais victorien très académique que beaucoup d'écrivains de s-f semblent bien aimer, on se demande pourquoi !) donnent la clé (ou l'amorce) de chaque chapitre ; et la menace est assimilée au dragon (la Bête), avant d'apparaître comme un dieu (ou un enchanteur) plutôt abâtardi, du genre de celui qu'avait créé Farmer pour sa Planète du dieu. La fin du récit vise à l'harmonie dans cette éternité factice, où les héros de s-f ont rejoint la légende qui, par programmation préalable, les avait en quelque sorte suscités : ils vivent dans une tour, ils surplombent l'eau, et quand un son d'airain traverse les airs, ils repartent au combat immémorial.
Voilà donc un roman un peu longuet, un peu bavard, mais qui ne manque pas de charme. Même s'il est difficile d'en tirer une morale, il se laisse lire avec un petit plaisir vaporeux.
Jean-Pierre ANDREVON (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/8/1985 dans Fiction 365
Mise en ligne le : 15/4/2005