Il était une fois, à des milliards de kilomètres du globe, un robot (d'origine soviétique) et une « robote » (d'origine américaine) qui conduisaient chacun de drôles de vaisseaux, des boutiques pleines d'objets et de personnages sensés impressionner les indigènes du Centaure. Mais, avec le temps, leurs marchandises s'étaient dépréciées et, même, les maîtres actuels de la Terre voulaient s'en débarrasser, ayant plutôt honte de cette camelote, de ce qu'elle avait signifié autrefois.
Critiques
Les auteurs qui publient au Fleuve Noir, et qui sont presque tous des auteurs français, ont depuis quelque temps choisi la série. On ne compte plus les volumes de La compagnie des Glaces, qui est un cas extrême, mais même quand Lecigne et Corgiat se lancent dans une aventure (Le Jeu de la trame par exemple) ils donnent l'impression de la planifier sur quatre volumes. On attend aussi la suite de Ecken sur les Chroniques télématiques. Cette récente mode se justifie-t-elle dans le cadre d'une « fidélisation du lectorat » (comme on dit quand on parle dans les sphères ministroculturelles) ou par le fait qu'une fois un univers bien posé, on veut en exploiter les diverses possibilités, alors qu'un seul roman, surtout au Fleuve Noir, est peut être conçu dans une optique linéaire (du récit, de l'action, des monstres, et une seule idée à la fois). Au fond, chaque tome de la série serait conçu comme une nouvelle dans le monde de Cordwainer Smith (dont l'intégrale vient d'être publiée par Presses Pocket) : une facette d'un univers en gestation, ici chaque roman serait une longue facette.
Mondoloni ne semble pas avoir planifié ce bourgeonnement de ses mondes. Au départ, Les Goulags Mous ont été publiés en deux tomes parce que format oblige. Et ils ont obtenu un prix. Après d'autres tentatives ici et là. Mondoloni s'est dit qu'après tout, il n'avait pas tout dit dans le cadre de cet univers imaginaire. D'où le tome 3intitulé Les idées solubles. Déjà le cadre des Goulags mous s'amenuissait un peu. Il devenait plus une référence qu'un corset, il en va de même ici, dans ce tome 4 de la série. L'histoire, mis à part quelques retours à la Terre, se joue ailleurs dans l'espace. Dans ce qu'on pourrait appeler l'espace marchand, pour penser à Pohl et Kornbluth. Où plutôt l'espace de la marchandise. Et nous avons un roman qui est une sorte de transposition de Les choses de Pérec. Avec les procédés cachés, mais tout de même repérables des citations qui fonctionnent comme générateurs de récits et de nouvelles situations. Comme les actions en bourse, qui sont de simples morceaux de papier, engendrent des psychodrames et même des drames tout court. Donc une lecture oulipienne en est possible, sur les traces du grand joueur roussellien qu'est Curval. Mais que ceci n'effraie pas le lecteur qui veut s'identifier au héros du livre : c'est possible. Comme dans Star Trek. Ici ce serait plutôt comme dans un Mel Brooks désabusé. Une folle histoire de la mercantilisation de l'espace. Quant aux goulags mous, ils sont bien là, au chaud, sur Terre : seuls les robots ont du vague à l'âme, et tentent de se programmer pour aimer. Les hommes représentés ici n'en ont même plus l'idée.