L'ATALANTE
(Nantes, France), coll. La Dentelle du Cygne Dépôt légal : juin 2017 Première édition Roman, 368 pages, catégorie / prix : 6 ISBN : 978-2-84172-809-1 Format : 14,7 x 20,0 cm✅ Genre : Fantasy
Quatrième de couverture
Isabelle Trent, devenue célèbre, n'en a pas fini de déplaire à la bonne société du Scirland (qui doit beaucoup à l’Angleterre victorienne).
Notre impétueuse naturaliste, après avoir transformé sa demeure en une sorte d’université pour jeunes femmes désireuses de s’instruire, entreprend de monter une expédition afin d’étudier les dragons du monde entier et, l’espère-t-elle, révolutionner leur taxonomie. Comble d’inconvenance, cette fois, Jake, le fils d’Isabelle et de son défunt mari, est du voyage.
Le voilier Basilic débute son périple dans le Grand Nord où Isabelle étudie (en pantalon) les serpents de mer, puis passe par un pays qui serait peut-être le Mexique, se fait chasser du Yélang et visite enfin les îles volcaniques de l’hémisphère Sud, où elle en apprend davantage sur la civilisation des Draconiens qui ont dominé le monde dans l’antiquité.
Au cours de ce voyage, le lecteur est aussi témoin d’une nouvelle étape de la vie sentimentale d’Isabelle ; quant à la présence de son fils, elle donne lieu à moult touches ironiques et tendres, car elle découvre que Jake ne s’intéresse qu’à une chose : la mer et tout ce qui s’en rapproche — mais pas aux dragons.
Le titre du livre rappelle Le Voyage du Beagle, de Charles Darwin, soulignant ce fait rare d’un livre de fantasy qui célèbre la science et son élaboration patiente par des gens qui ont soif de connaissance.
Les tomes 2 à 5 des « Mémoires, par lady Trent » reprennent le même schéma que le roman inaugural critiqué dans les pages de notre 83e livraison (la répétitivité étant le principal problème du cycle) : l’héroïne a quelques années de plus, un enfant ou un nouveau mari, elle a gagné en indépendance (dans le tome 1, elle suit son premier époux, ne lui servant que de secrétaire et dessinatrice, dans les tomes 1 à 4, elle est dépendante des mécènes ou de l’armée ; dès le tome 2, c’est une vraie naturaliste, et dans le 5, elle est assez riche pour se passer de mécénat), se rend dans un pays exotique pour y étudier de nouvelles espèces de dragons (équivalent de l’Afrique dans le tome 2, du Mexique et de la Polynésie dans le 3, de l’Arabie et de l’Égypte dans le 4, de l’Himalaya dans le 5), fait des découvertes sur l’antique et mystérieuse civilisation Draconien-ne, perturbe la politique extérieure de son royaume, et surtout est en lutte contre les convenances de ce der-nier, ou bien de la contrée dans laquelle elle se rend (particulièrement dans les tomes 2 et 4). Seul le 5e volet déroge vaguement à ce schéma : si le point de départ (une nouvelle espèce à étudier dans un pays lointain et exotique) et d’arrivée (découvertes inédites, géopolitique perturbée) sont les mêmes, les conséquences relèvent cette fois du changement de paradigme global, et le chemin pour arriver au stade final est assez différent (ajoutant une touche fantastique à un univers qui, à part le fait qu’il prend place dans un monde secondaire et comprend des animaux appelés dragons, a tout de notre propre époque victorienne, à peine déguisée). On signalera cependant que la grosse révélation de la seconde moitié du tome 5 peut se deviner dès le tome 1.
On retiendra, malgré cette incontestable répétitivité, que l’univers (et surtout sa géopolitique) s’étoffe beaucoup à partir du tome 2, que l’aspect roman d’aventure scientifique est très intéressant (le tome 3 est une véritable allégorie du voyage de Charles Darwin sur le HMS Beagle, on assiste aux débuts du vol en dirigeable et de l’alpinisme dans le tome 5), et qu’outre une évolution personnelle de son personnage principal, le cycle montre aussi celle du statut de la femme dans cette rigide société pseudo-victorienne (accès à l’éducation, aux cercles scientifiques, droit de vote). Mais il faut aussi souligner des longueurs couplées à une fin en général précipitée dans chaque opus, un manque de nervosité ou d’action, et des personnages secondaires évanescents complètement éclipsés (à de rares exceptions) par la protagoniste.
Ce cycle restera singulier, pour ne pas dire unique, en fantasy, du fait de son mélange de roman d’aventure à fort caractère scientifique, de mise en avant d’un combat pour les droits de la femme, et de sa rationalisation du dragon (un simple animal), d’habitude un élément emblématique du côté surnaturel de ce genre. Rien que pour cette originalité, cette saga mérite d’être découverte, surtout dans un genre par ailleurs très codifié. Les amateurs d’une fantasy épique, guerrière, vigoureusement rythmée ou fortement teintée de surnaturel, passeront en revanche leur chemin.