Marie BRENNAN Titre original : In the Labyrinth of Drakes : A Memoir by Lady Trent , 2016 Première parution : Tor, 5 avril 2016 Cycle : Mémoires, par lady Trent vol. 4
L'ATALANTE
(Nantes, France), coll. La Dentelle du Cygne Dépôt légal : mai 2018, Achevé d'imprimer : mai 2018 Première édition Roman, 336 pages, catégorie / prix : 6 ISBN : 978-2-84172-850-3 Format : 14,5 x 20,0 cm Genre : Fantasy
Quatrième de couverture
Dans le quatrième tome de ses mémoires, la célèbre et scandaleuse lady Trent nous emmène en Akhie, contrée désertique avec laquelle son propre pays souhaite s’allier.
À la suite de ses découvertes du volume précédent, le Scirland a décidé de lancer un programme d’élevage de dragons afin de contrer les actions du Yélang. Isabelle Trent et Tom Wilker se rendent donc en Akhie pour le superviser.
Mais en dépit du peu de goût de lady Trent pour la politique, celle-ci la rattrape, sous la forme d’enlèvements par des tribus du désert et de sabotages qui mettent sa vie et celle de Tom Wilker en danger.
Les deux chercheurs n’en continuent pas moins à mener leurs recherches sur les dragons locaux, s’aventurant jusque dans le terrible désert du Jéfi.
C’est là qu’accompagnée de Suhail, l’archéologue akhien rencontré dans le volume précédent, elle fera les découvertes majeures qui vont bouleverser son monde. Au passage, préjugés et archaïsmes auront été écorchés par son humour à froid et son obstination hors du commun.
« Cette série, écrite à la manière des mémoires et des récits des naturalistes du XIXe siècle, est un bijou d'humour pince-sans-rire, qui démontre la culture de Marie Brennan et sa familiarité - étant elle-même spécialisée en archéologie, anthropologie et folklore - avec le style de l'époque. »
Jean-Luc Rivera
Critiques
Cette saga étudie scientifiquement les dragons, espèce sauvage chargée de mystères... Elle a été publiée en France de 2016 à 2018 et forme un pilier incontournable de librairie. Le premier tome a remporté le prix du roman étranger aux Utopiales 2016.
Située dans un univers qui ressemble comme deux gouttes d'eau à l'Angleterre Victorienne, chaque récit nous entraîne dans cet imaginaire, constitué de vastes îles continentales. Chaque expédition vise une contrée où vit une espèce de dragons et où chaque peuplade semble entretenir un rapport caché avec cette espèce qui occupe un sommet de la pyramide écologique... avec les humains.
Ce motif rend cette quête passionnante, mais l'essentiel semble aussi résider dans un motif réaliste : l'étude des sociétés du dix-neuvième siècle du point de vue de la femme. Isabelle Camherst, future lady Trent, surmonte les obstacles que les sociétés lui opposent en l'emprisonnant dans un sérail qui la caractérise. En matière de marginalisation, la société victorienne du Scirland n'a rien à envier aux contrées que la saga nous fait visiter.
Isabelle Camherst est associée à Tom, jeune homme dont la modestie suffirait à lui interdire la reconnaissance de l'université. Ces deux marginaux s'épaulent l'un l'autre dans leur défi commun : mener des expéditions au long cours pour étudier les différentes populations de dragons.
Dans le premier tome, Isabelle épouse lord Camherst, passionné lui aussi de dragons, et participe à sa première expédition en tant qu'épouse... et dessinatrice. Après le décès de son mari, la jeune veuve prend son propre envol et s'engage dans une carrière scientifique. Bien que la société, l'université et tout le Scirland soient hostiles à son projet, Isabelle, intrépide, curieuse, désireuse de vivre sa vie sans avoir à rendre de compte, suit une vie aventureuse, tandis que l'étude des dragons l'amène à se pencher sur un antique peuple, les Draconiens et les rapports mystérieux que ceux-ci entretenaient avec les mythiques dragons.
Dans ce quatrième tome, Isabelle et Tom sont envoyés en Akhie développer un élevage pour le compte des militaires. Dans cette contrée désertique, dirigée par un puissant sheik, les Akhiens ne reconnaissent aucun pouvoir à cette étrangère. Mieux, les hommes refusent de parler aux femmes, et lady Camherst est contrainte de demander à Tom de traduire ses paroles et de la représenter. Pourtant le frère du Sheik se révèle être l'homme dont elle est précédemment tombée amoureuse : Suhail, archéologue, dont les recherches historiques se lient avec les dragons du désert...
J'avoue lire à mon gré cette saga, ne lire qu'en 2021 ce quatrième tome et comme je n'ai pas lu l'ultime épisode de cette saga, je ne pourrais pas « spoiler » le secret des dragons... mais je ne peux que témoigner du plaisir très vif que j'éprouve à plonger dans cette évocation pleine de mordant, de piquant et d'ironie..
Les tomes 2 à 5 des « Mémoires, par lady Trent » reprennent le même schéma que le roman inaugural critiqué dans les pages de notre 83e livraison (la répétitivité étant le principal problème du cycle) : l’héroïne a quelques années de plus, un enfant ou un nouveau mari, elle a gagné en indépendance (dans le tome 1, elle suit son premier époux, ne lui servant que de secrétaire et dessinatrice, dans les tomes 1 à 4, elle est dépendante des mécènes ou de l’armée ; dès le tome 2, c’est une vraie naturaliste, et dans le 5, elle est assez riche pour se passer de mécénat), se rend dans un pays exotique pour y étudier de nouvelles espèces de dragons (équivalent de l’Afrique dans le tome 2, du Mexique et de la Polynésie dans le 3, de l’Arabie et de l’Égypte dans le 4, de l’Himalaya dans le 5), fait des découvertes sur l’antique et mystérieuse civilisation Draconien-ne, perturbe la politique extérieure de son royaume, et surtout est en lutte contre les convenances de ce der-nier, ou bien de la contrée dans laquelle elle se rend (particulièrement dans les tomes 2 et 4). Seul le 5e volet déroge vaguement à ce schéma : si le point de départ (une nouvelle espèce à étudier dans un pays lointain et exotique) et d’arrivée (découvertes inédites, géopolitique perturbée) sont les mêmes, les conséquences relèvent cette fois du changement de paradigme global, et le chemin pour arriver au stade final est assez différent (ajoutant une touche fantastique à un univers qui, à part le fait qu’il prend place dans un monde secondaire et comprend des animaux appelés dragons, a tout de notre propre époque victorienne, à peine déguisée). On signalera cependant que la grosse révélation de la seconde moitié du tome 5 peut se deviner dès le tome 1.
On retiendra, malgré cette incontestable répétitivité, que l’univers (et surtout sa géopolitique) s’étoffe beaucoup à partir du tome 2, que l’aspect roman d’aventure scientifique est très intéressant (le tome 3 est une véritable allégorie du voyage de Charles Darwin sur le HMS Beagle, on assiste aux débuts du vol en dirigeable et de l’alpinisme dans le tome 5), et qu’outre une évolution personnelle de son personnage principal, le cycle montre aussi celle du statut de la femme dans cette rigide société pseudo-victorienne (accès à l’éducation, aux cercles scientifiques, droit de vote). Mais il faut aussi souligner des longueurs couplées à une fin en général précipitée dans chaque opus, un manque de nervosité ou d’action, et des personnages secondaires évanescents complètement éclipsés (à de rares exceptions) par la protagoniste.
Ce cycle restera singulier, pour ne pas dire unique, en fantasy, du fait de son mélange de roman d’aventure à fort caractère scientifique, de mise en avant d’un combat pour les droits de la femme, et de sa rationalisation du dragon (un simple animal), d’habitude un élément emblématique du côté surnaturel de ce genre. Rien que pour cette originalité, cette saga mérite d’être découverte, surtout dans un genre par ailleurs très codifié. Les amateurs d’une fantasy épique, guerrière, vigoureusement rythmée ou fortement teintée de surnaturel, passeront en revanche leur chemin.