"Les Formiciens, c'est d'abord un roman épique, une heroïc fantasy dans toute l'acception du terme. Le héros, sorte de mercenaire au service d'une nation, deviendra plus tard le chef d'une race nouvelle après avoir surmonté de nombreuses épreuves. Les Formiciens, c'est ensuite un roman sociologique insolite qui nous décrit diverses formes de communautés, des urbanismes singuliers, des organisations multiples. Les Formiciens, c'est encore le thème des civilisations perdues, oubliées ou imaginaires, mais bien loin des habituels retours à l'Atlantide ou au continent Mu, considérablement plus avant dans le temps et donc, pour cette raison aussi, plus inattendu. Les Formiciens, c'est enfin une réflexion scientifique inspirée par un petit objet que le ressac du temps a déposé dans le coin obscur d'un musée et qui débouche sur un panorama que les frères Rosny auraient sans doute fait leur s'ils avaient osé prolonger plus avant leurs voyages aux âges farouches.
En tout cas, non seulement Raymond de Rienzi a effectué la vertigineuse plongée dans l'abîme du temps jusqu'à l'ère des grands reptiles mais, surtout, il en a profité pour mettre à mal notre bel anthropocentrisme en choisissant pour protagonistes des créatures non humaines, non humanoïdes et, pourtant, résolument et indéniablement terriennes."
Jean-Pierre Fontana (Préface)
On ne sait pratiquement rien de Raymond de Rienzi sinon qu'il fut avocat à la cour et comptait parmi les amis de J.-H. Rosny aîné. Les Formiciens parurent d'abord en 1932 aux Editions Sic pour être repris, la même année, par les Editions Tallandier. Avant cet ouvrage devenu mythique et qui compte, sans aucun doute, parmi les chefs-d'œuvres miraculeux du genre, son auteur avait déjà publié, entre autres chez Flammarion, des ouvrages qui n'ont rien à voir avec le domaine qui nous occupe.
[critique parue exclusivement dans la version numérique de la revue]
À moins d’avoir vécu terré au fond d’une grotte ces trente dernières années, difficile d’avoir échappé aux « Fourmis » de Bernard Werber. Mais saviez-vous que cette trilogie entomologique a un ancêtre ? En 1932, l’écrivain français Raymond de Rienzi publia Les Formiciens, épopée miniature exhumée toutes les une ou deux décennies, et cette fois-ci par les éditions Terre de Brume.
Nous voici il y a cent vingt millions d’années, « vers la fin de l’ère secondaire », en un temps où « les tyrannosaures broutaient les arbres »… Passons. C’est aussi une époque où les fourmis n’existaient pas encore, mais cela, la science l’ignorait probablement à l’époque de publication du roman. Celui-ci, après un prologue ampoulé présentant les formiciens, les précurseurs des fourmis, nous introduit Hind. Héros de l’histoire, Hind appartient au peuple des Nomades mais vit dans une fourmilière des Halfs. Après une attaque par les Têtes-Rouges où il s’est distingué par sa bravoure, Hind se retrouve en porte-à-faux avec les Mères : les formiciens vivent en ce moment un changement de paradigme, avec l’apparition des individus neutres et la prise du pouvoir par les femelles. Mais Hind ne l’entend pas de cette oreille antenne et fuit avec son meilleur ami. S’ensuit alors une longue et périlleuse odyssée. Au cours de celle-ci, les deux amis sont d’abord faits prisonniers par des formiciens esclavagistes ; au sein Hind trouve toutefois l’amour auprès de Mâh, une autre Nomade. Mus par la nécessité, les deux fondent un nouveau couvain pour redonner vie et grandeur au peuple Nomade. Cette fourmilière passera par hauts et bas, les menaces pouvant être tout aussi intérieures qu’extérieures… comme en la figure de ces « Montagnes-vivantes » que sont les dinosaures.
Dinosaurien, Les Formiciens l’est aussi à sa manière. Se basant sur une documentation abondante listée en fin d’ouvrage, Rienzi préfigure bon nombre d’aspects que l’on retrouvera dans Les Fourmis de Werber, avec un souffle lyrique gentiment désuet. Néanmoins, le roman achoppe sur le caractère exagérément héroïque de son protagoniste et sur le machisme intrinsèque du récit, vaguement camouflé derrière l’apparition du système de détermination sexuelle des fourmis : ici, les femelles sont méchantes et traîtresses ou bien tout juste bonnes à enfanter. Dommage. Il en reste un roman d’aventure à l’intérêt surtout archéologique, exemple parmi d’autres de la fascination exercée par les fourmis et autres insectes eusociaux…
Erwann PERCHOC Première parution : 1/10/2020 Bifrost 100 Mise en ligne le : 26/4/2024
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesJean-Pierre Fontana : Sondage Fontana - Fantasy (liste parue en 2002)