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La Passion selon Satan

Jacques SADOUL

Cycle : Le Domaine de R.  vol. 1 


Illustration de Jean MASCII

J'AI LU (Paris, France), coll. Science-Fiction (1970 - 1984, 1ère série) précédent dans la collection n° 1000 suivant dans la collection
Dépôt légal : 4ème trimestre 1979, Achevé d'imprimer : 7 novembre 1979
Roman, 192 pages, catégorie / prix : 2
ISBN : 2-277-21000-5
Format : 11,0 x 16,5 cm
Genre : Fantastique

Autres éditions
   in Le Domaine de R - tome 1, BLACK COAT PRESS, 2014
   in Les Cahiers de l'Herne n° 12 : Lovecraft, HERNE (Editions de l'), 1969
   J'AI LU, 1984
   in Le Domaine de R., 1988
   PAUVERT, 1978
   SCORPION (éditions du), 1960

Quatrième de couverture
     Jacques Sadoul est né à Agen en 1934. Auteur d'ouvrages sur l'alchimie, l'astrologie, il est aussi reconnu comme l'historien de la science-fiction. La passion selon Satan est le premier tome d'une trilogie romanesque et fantastique.
 
     Depuis près de sept siècles, Joachim Lodaüs vit seul dans le manoir du domaine de R., en compagnie d'un chat noir aux yeux de soufre — qui a nom Aï-d'Moloch. Le domaine de R... où seuls quelques buissons poussent sur un sol craquelé, lunaire, où l'air semble chargé d'effluves électriques.
 
     Vers cette terre maudite, une jeune fille en vacances, Josette Rueil, se sent pourtant attirée. Par une force inconnue. Etrangement, après chaque visite, tout souvenir s'efface...
 
     En revanche, des rêves souvent érotiques viennent obséder ses nuits, des cauchemars bientôt — où lui apparaît la terrible vérité des heures vécues au manoir. Jusqu'à l'insoutenable révélation qui va la conduire au suicide.
 
     Aux yeux de Joachim Lodaüs cependant, cette mort terrestre n'est rien, le vrai destin de Josette commence.
Critiques
 
     TOUT-EN-UN

     Pour le millième numéro, Sadoul s'édite lui-même : c'est ainsi qu'on est le mieux servi. C'est le premier tome d'une trilogie, parue en 78, chez Pauvert, le Cycle du Domaine de R. Curieusement, ce premier tome célèbre très bien ce millième numéro de J'ai Lu, en ce sens que c'est une sorte de condensé littéraire, mélange parfaitement dosé de genres et de styles.
     A la fois conte fantastique avec tout son attirail traditionnel (domaine maudit, énorme chat noir, vieilles légendes chuchotées, envoûtements, démons, incantations, boule de cristal...), récit d'heroic-fantasy (pouvoirs magiques, quête quasi mystique/mythique de Didier Chaptal pour retrouver Josette, alchimie, références à d'antiques civilisations...), conte merveilleux enfantin (le Monde du rêve, Rois et princes, Samarcande...) visant parfois à l'horreur, fable mystique (le Nécronomicon, le Réveil du Dieu Vivant, le caractère illusoire de la « réalité »...), et même roman de science-fiction, de par son agencement (jeu d'échecs cosmique, présence extraterrestre, mondes parallèles...), La Passion selon Satan EST cet incroyable amalgame que l'on retrouve dans le(s) style(s) ; tout y est : le journal intime, le rapport type journalistique, les événements par correspondance, le récit direct, la distanciation — même l'humour et la dérision !... Le plus fort est que ça se tient, la structure oscillante ne se dérobe pas sous nos yeux, l'histoire éclate mais se recompose toujours, et les personnages, manipulés comme manipulateurs, évoluent parmi cette fantasmagorie comme des acteurs amateurs sur une scène étrange et encombrée qu'ils comprennent mal. Et l'on a peine, parfois, à croire en leur existence.
     Quant au Domaine de R, c'est la Réalité bien sûr, mais laquelle ?

Jean-Marc LIGNY (lui écrire) (site web)
Première parution : 1/4/1980 dans Fiction 307
Mise en ligne le : 21/6/2009

Critiques des autres éditions ou de la série
Edition PAUVERT, (1979)

 
     LUMIERE NOIRE

     Bien illustré par Csernus, ce livre, première étape d'un cycle romanesque comprenant Le Jardin de la Licorne (1977) et Les hautes Terres du Rêve (à paraître) peut être lu indépendamment de ces suites. Ce roman, déjà paru en 1960, tombait alors dans une terre stérile. C'était l'époque flamboyante de l'idéologie scientifique : on y célébrait avec une joie malsaine l'agonie des Fantastiques. Aujourd'hui, comme on sait, les démons reviennent hanter les plages délabrées de notre univers mental, réoccupant d'anciennes places fortes. Le cinéma, par exemple, où les Carrie, Malédiction, Exorcistes battent des records d'influence (oui !). Une réédition qui vient à point, appelée par la parution des éléments ultérieurs triptyque.
     L'ouvrage est conçu en quatre parties, chacune employant des matériaux symboliques et littéraires différents, mais s'articulant en une fresque cosmique baignée d'une lumière noire. Dans la première partie, le pion engagé est Josette Rueil, suicidée. Nous avons à la fois des informations sur sa conduite quotidienne et, par les bribes de son journal, les minutes de sa possession : le monde hors du temps qu'elle rencontre, ainsi que sa mission de Vierge mère d'une sorte d'Anthéchrist. Par la même occasion, on nous éclaire sur l'histoire secrète du domaine de R : cette partie relève manifestement du Fantastique classique. Et s'en échappe, introduisant la figure d'un Joueur, déjà présent dans le Prologue, Joachim Lodaus — le second joueur ne sera démasqué que plus tard. La seconde partie concerne la quête d'un second pion, Didier, sorte d'appât. A la recherche de la suicidée, dans le domaine des rêves et des cauchemars, par une entrée dans une faille temporelle. Monde où l'on trouve à la fois la fantaisie d'Alice et de son Lapin, la luxure des démons inférieurs, les scènes de violence, de supplice, de manipulations magiques des joyaux, les féodalités de tous les temps avec leurs jeux de brute : à l'horizon, quelques villes et des lieux à la couleur lovecratienne. Dans la troisième partie, on assiste à la rencontre avec des humains et au suicide d'un ancien dieu. dont l'énergie dispersée éclaire comme un phare les profondeurs du royaume de la mort, permettant un coup de sonde à l'un des joueurs : Le monde de Catherine Moore sort un instant de son assoupissement. Ces diverses péripéties prennent leur unité dans la perspective, qui est celle de la dernière partie : nous avons alors le point de vue de l'un des joueurs, Joachim. Chacune des aventures précédentes était un coup sur l'échiquier cosmique, dans une partie aux règles mal connues.
     L'intérêt de l'ouvrage, présenté par défi comme « roman réaliste » et dédié à HP Lovecraft,est multiple. A 23 ans, c'est un premier roman. Ce qui signifie qu'il est un peu autobiographique : la .construction de soi passe à la fois par les paysages de l'enfance et de l'adolescence, et lectures, les rêves, les amours de toute sorte. Cela transparaît dans la multiplicité des références, dont chacune réveille un écho assourdi : y entrait alors une part de jeu, évidente. Donner à lire des citations du Necronomicon (en vers français !) est un plaisir qui doit combler ! Imbriquer les mondes si divers des fantastiques, du Gothique à l'Heroic fantasy, avec des allusions à Tolkien — alors peu connu — mêler à Lewis Caroll le folklore de l'Agenais, les univers des Terres Hautes et ceux des mondes Cyclopéens : tout ceci ne constitue pas seulement un bel exercice de style, c'est presque une profession de foi. Coiffant le tout, atteindre à une articulation savante de ces divers imaginaires, dans le cadre et par la thématique — alors surtout de SF — des Joueurs, tout en l'enrichissant de la variante du Jeu à l'Aveugle voilà qui est une ouverture inédite à la vie littéraire. Jeu à l'aveugle ? Jochim ignore contre qui il joue, et il est en position de faiblesse par son statut de Mortel, alors qu'il affronte, pour le pouvoir suprême, l'un des dieux les plus récents du Panthéon : d'où l'aspect — scandaleusement — humain. En plus de ses références littéraires, l'ouvrage est nourri d'une vaste culture astrologique, alchimique, et ésotérique : loin d'encombrer la marche du récit — l'axe du désir — ces diverses strates enrichissent d'irisations fantasmatiques cette traversée géologique de l'imaginaire.

Roger BOZZETTO
Première parution : 1/1/1979
dans Fiction 297
Mise en ligne le : 7/3/2010


Edition SCORPION (éditions du), Alternance (1961)

    Ce roman est dédié « à la mémoire de Howard Phillips Lovecraft », et il constitue une tentative de récréation de l'univers imaginé par l'auteur américain. Il a pour cadre, non pas l'inquiétante cité imaginaire d'Arkham, mais bien un coin tout à fait réel de la province française, la ville d'Agen et en partie du bassin du Gers. 

    Pour écrire son livre, Jacques Sadoul s'est inspiré du thème préféré de Lovecraft (la révélation des forces cosmiques détenues par les Anciens Dieux, qui guettent les humains) ainsi que de « The dream quest of unknown Kadath », dont une très médiocre traduction française avait été publiée dans la collection « Lumière interdite ». Ces analogies avec son modèle sont frappantes, mais elles ne doivent pas dissimuler l'apport individuel de Jacques Sadoul.

    En tout premier lieu, il y a, dans « La passion selon Satan », des personnages féminins auxquels l'auteur accorde son intérêt, et même sa sympathie. Contrairement à Lovecraft, qui ne faisait généralement apparaître les femmes que dans des rôles de comparses, ou lorsqu'il y avait une descendance à assurer, Jacques Sadoul fait découvrir l'« autre » univers au moyen des expériences d'une jeune fille ; et ce sont également deux jeunes filles qui reconstituent, par la suite, une partie de la vérité. Une autre différence est que Jacques Sadoul recourt à un intermédiaire – l'immortel châtelain de R… – qui devient en quelque sorte l'agent des Grands Anciens sur notre monde. Il faut enfin relever la profonde différence de ton, le pessimisme effrayé de Lovecraft faisant place, ici à une conclusion aussi optimiste que les données du problème le permettent. 

    Il s'agit donc d'une tentative hardie, et il est remarquable que Jacques Sadoul soit parvenu à une appréciable mesure de succès. Son roman se lit en effet avec intérêt et on n'a guère l'impression de se trouver devant un puzzle composé de pièces uniquement lovecraftiennes. La première partie – constituée par le journal de l'infortunée jeune fille qu'envoûte l'énigmatique châtelain – s'égale aux diverses variations écrites par Lovecraft sur ce même thème ; on peut en dire autant des lettres échangées par les deux amies. Cependant, les passages purement fantastiques souffrant de la comparaison avec ceux de « The dream quest of unknown Kadath » ; Lovecraft parvenait à dépayser son lecteur, tandis que Jacques Sadoul ne réussit souvent qu'à l'égarer dans une fantasmagorie incohérente. 

    Quant à la façon dont l'écrivain français a utilisé la substance créée par Lovecraft, elle appelle certains commentaires. Passons rapidement sur le lapsus qui fait de Randolph Carter – le héros de « Démons et merveilles » – John Carter, le protagoniste des récits martiens d'Edgar Rice Burroughs. Et remarquons que certains des Dieux de l'univers lovecraftien voient leurs attributions et leurs pouvoirs modifiés par le présent récit. C'est ainsi que Yog-Sothoth cesse d'être une entité puissante mais mystérieuse pour devenir une sorte de créateur, et que Nyarlathotep gagne, lui aussi, en définition. En outre, Jacques Sadoul crée une divinité inédite, dont le nom – Shamphalaï – et la description ne jurent aucunement avec celles des êtres inventés par Lovecraft.

    Cette tentative se solde en définitive par une réussite qui n'est que partielle. Comment s'en étonner ? Lovecraft lui-même n'a écrit qu'une seule « Recherche de Kadath », et, sans être mauvaise, cette longue nouvelle ne possédait pas la densité et l'attirance inquiétante de récits tels que « La musique d'Eric Zann » ou « Les montagnes hallucinées » ; il importe de laisser, même au milieu de l'étrange, un ensemble de détails familiers auxquels l'imagination puisse s'appuyer. Sans cela, l'effet de dépaysement se détruit par son intensité même, et il n'en résulte qu'une impression de monotonie. 

    Le roman de Jacques Sadoul, de plus, manque un peu d'homogénéité. Ne cherche-t-il pas à réunir des genres que Lovecraft a abordés dans des nouvelles distinctes – et dans des nouvelles exclusivement ? L'expérience valait d'être entreprise, sans doute, mais il serait périlleux de la renouveler dans des conditions identiques. Le monde de Lovecraft peut être recréé – ce livre le prouve – mais, pour revivre d'une façon durable, il faudrait qu'il nous soit présenté en de brefs épisodes, de la façon même dont son auteur l'évoquait. Jusqu'à quel point une telle entreprise est-elle réalisable ? Jacques Sadoul s'attachera peut-être à nous le montrer dans un autre livre. Celui qu'il nous présente aujourd'hui a des qualités qu'on ne saurait contester, mais il serait dangereux de tenter une seconde fois le diable, ou Nyarlathotep, tout au long d'un roman.

Demètre IOAKIMIDIS
Première parution : 1/1/1961
Fiction 86
Mise en ligne le : 29/1/2025

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