On le sait, Sherlock Holmes, le roi des détectives, l'amateur boulimique des mystères, l'immortelle créature de son immortel créateur, Sir Arthur Conan Doyle, s'il envahit l'existence et la création de son géniteur au point que ce dernier alla jusqu'à tenter de le tuer, n'en a pas moins suscité depuis sa naissance l'engouement d'une quantité incalculable de lecteurs et l'admiration de multiples écrivains dont un grand nombre a souhaité lui rendre la vie que l'abandon, puis la mort de Conan Doyle lui avait ôtée. Depuis sa dernière apparition publique officielle dans « Son dernier coup d'archer », on ne compte plus les textes d'auteurs aussi innimbrables qu'éclectiques qui l'ont mis en scène ou pastiché.

     Ce premier Mémorial Sherlock Holmes s'est voué à la découverte, ou redécouverte, des oeuvres par lesquelles ces auteurs ont souhaité prolonger, dans leur propre écrituren le mythe. S'il s'agit parfois de pastiches — toujours savoureux — il peut tout autant s'agir de véritables recréations. C'est dans la masse de ces écrits « holmesolâtres » ou « holmesoplastes » que nous avons puisé la substance de cette anthologie, tout entière vouée à la célébration de l'hôte du 221B Baker Street.

     Dans Le dernier coup d'archer de Miss Marple, un certain Stately Holmes doit résoudre le mystère d'un meurtre en chambre close. La victime en est une certaine Miss Marple, elle-même détective, et les trois suspects sont le docteur Jekyll, le nain Quasimodo et un capitaine de baleinier un peu fou nommé Ahab (sic). Paru en 1957, bien avant La Ligue des gentlemen extraordinaires, ce pastiche ne dépareillerait guère dans une anthologie steampunk...

     L'Affaire du prince danois est une tragédie en « cinq » actes — particulièrement compacts — où Sherlock Holmes est appelé à enquêter sur le meurtre du royal père d'un certain Hamlet, prince du Danemark. Un meurtre dénoncé par un fantôme qui laisse des empreintes de botte de chasse de taille 42 avec un talon cassé et des traces de glaise sur l'empeigne...

     Ces deux premiers textes très drôles donnent d'emblée le ton de ce « Mémorial » dressé à la gloire du personnage créé par Sir Arthur Conan Doyle. D'innombrables holmesologues et holmesolâtres se sont fait un plaisir de s'emparer du mythe pour lui rendre hommage ou, le plus souvent, pour s'en amuser. Les suites et parodies qui en résultent sont de qualité inégale, parfois regroupées au sein d'ouvrages également inégaux — comme le récent et décevant Sherlock Holmes en orbite publié en 1999 chez l'Atalante.

     Le grand intérêt du Mémorial proposé par Jacques Baudou et Paul Gayot, c'est d'abord la qualité d'ensemble des textes, mais aussi leur diversité. Les anthologistes ont choisi de présenter des nouvelles qui ont toutes une originalité. Par exemple, Le Vol du cormoran est un brillant pastiche du Sherlock Holmes Annotated qui nous présente un récit complètement envahi par des notes surabondantes et pointilleuses jusqu'à l'extrême ; La Lib ou la mort met en scène une collection de détectives féminins comme Simone Tempter, dit « le sein », Hillary Quinn ou Hercula Parrot ; Raffles sur la piste du chien est un intéressant prolongement au fameux Chien des Baskerville où un gentleman-cambrioleur se lance sur les traces du véritable Conan Doyle ; Les Joyaux de la couronne martienne relate une énigme de vol en vaisseau spatial clos ; etc. On notera que l'anthologie s'achève par la toute première parodie du célébrissime détective, Le Grand mystère de Pegram, écrite en 1892, dix mois seulement après la publication de la première nouvelle mettant en scène Sherlock Holmes.

     Ainsi, ces dix histoires nous font découvrir dix facettes des variations holmesiennes, aussi différentes qu'amusantes et toutes réussies. Un « must » incontournable pour les fans du personnage !