ALBIN MICHEL
(Paris, France), coll. Romans étrangers Dépôt légal : mars 1996, Achevé d'imprimer : février 1996 Première édition Roman, 400 pages, catégorie / prix : 130 FF ISBN : 2-226-08179-8 Format : 15,4 x 24,0 cm✅ Genre : Fantastique
Hawaï. De tous temps, les sorciers ont invoqué les divinités souterraines pour chasser l'homme blanc de l'archipel. En vain. Le spectacle des volcans, la beauté des îles ont attiré touristes, et hommes d'affaires peu scrupuleux. Mais aujourd'hui, les puissances surnaturelles se déchaînent. Tandis que le ciel se noircit de fumées mortelles, des corps démembrés sont retrouvés, et les coulées de magma en fusion menacent un luxueux complexe hôtelier.
En 1866, les dieux avaient été refoulés avec l'aide de la déesse Pele. A présent, rien ne semble pouvoir contenir les laves de l'enfer qui bouillonnent dans le ventre de la Terre.
Dans un décor de paradis, Dan Simmons déchaîne l'apocalypse. Après Nuit d'été et Les Fils des ténèbres, Les Feux de l'Eden embrase et réactive des rivalités qu'on croyait endormies. Un roman que Stephen King lui-même aurait pu écrire, entre mythe, cauchemar et vision de terreur, au plus profond de l'âme humaine, là où l'imaginaire se mêle au réel pour nous saisir d'un troublant effroi.
Les Feux de l'Éden est avant tout une histoire d’ambition humaine. Deux époques son explorées où des personnages occidentaux se propulsent eux-mêmes hors de leur écoumène : au milieu du xixe siècle, une véritable aventurière américaine visite une Hawaï alors pas encore associée aux États-Unis, et le fait aux côtés du futur Mark Twain ; vers la fin du xxe, sa (petite) nièce Eleanor Perry sacrifie aux plaisirs du tourisme de masse et part en avion sur les traces de sa tante Kidder munie de son journal de voyage. Les deux époques se répondent : le récit de 1866 livre peu à peu des clés enseignant aux protagonistes comment survivre en 1994… Car les peuples de Hawaï résistent à l’assimilation : religieuse dans un premier temps, le christianisme des missionnaires américains cherchant à l’époque de tante Kidder à éliminer le culte polynésien traditionnel… puis économique dans un deuxième temps, le capitalisme représenté par le milliardaire Byron Trumbo (qui n’est, d’après le texte lui-même et malgré de nombreux points communs, pas un avatar du 45e PotUS à l’époque où il n’était encore « que » magnat de l’immobilier) cherchant à optimiser ses profits en vendant un hôtel de luxe dont on murmure qu’il pourrait être maudit. L’aventure et la domination : deux des dimensions qui amènent les personnages à la confrontation avec une réalité d’ordre supérieur.
L’horreur, dans Nuit d’été, s’introduisait par l’intermédiaire de rites impies venus de l’Antiquité méditerranéenne : ici, Simmons reprend un schéma semblable mais le teinte des mythes polynésiens. La terrifiante déesse du feu Pélé, malgré le caractère menaçant de l’éruption volcanique dont l’activité pourrait nécessiter l’évacuation de l’hôtel de Trumbo, n’est toutefois pas l’ennemie de Kidder ou d’Eleanor, et l’enjeu sera de comprendre comment s’en faire une alliée face aux créatures monstrueuses qui expliquent la vague montante des disparitions et même des meurtres au paradis… C’est ici que Les Feux de l’Éden se révèle plus faible que son prédécesseur : s’il change de décor, il ne renouvelle pas ou peu son argumentation, et de ce fait il ne parvient pas à inquiéter autant – si bien que le lecteur finit par se dire qu’il a connu Dan Simmons plus inspiré. À la fin, les apparitions de monstres hybrides cessent même de se faire surprenantes pour ne plus être que grotesques.
Somme toute, si Les Feux de l’Éden se lit sans réel déplaisir, un amateur de Dan Simmons ne devrait le lire qu’une seule fois : histoire de se rendre compte que, parfois, même un maître peut perdre à trop tirer sur la corde.