Né à Paris en 1929, journaliste, il fut l'un des fondateurs du premier mouvement de la science-fiction française à la fin des années 50. Son œuvre littéraire est influencée à la fois par le surréalisme et le roman populaire.
Coloniser la planète Chula n'aurait dû être, pour les humains, qu'une formalité. Une simple promenade de santé ! Forts de leur puissance technologique, comment auraient-ils pu imaginer que ce monde opulent, offert, saurait s'opposer à leur volonté de conquête ?
Doux et pacifiques, les Chulies ne se sont jamais dressés contre leurs envahisseurs. Ils ont résisté à l'assimilation en restant eux-mêmes. Pour eux, dont l'intense activité onirique se nourrit de croyances millénaires, l'espace et le temps ne sont que des états transitoires du réel ; de simples apparences, qu'ils remodèlent au gré de leurs désirs. C'est contre cette perception du monde, aléatoire et insaisissable, que vient se briser la rationalité des hommes. Pauvres humains, engoncés dans leurs certitudes ! Etrangers pour toujours à l'infinie richesse de la conscience chulie...
Lent, certes, mais d'une lenteur majestueuse... Luxe ne s'y trouve point, mais Calme et Volupté y sont confortablement installés.
Il faut un certain courage pour s'attaquer au dernier roman de Philippe Curval, et plus d'un lecteur abandonnera avant même la fin de la première partie. Passé maître dans l'art d'enrober de SF ce qui n'en est pas, Curval est là au plus haut de sa forme, et jamais titre de collection n'aura porté aussi haut et fort l'offense à la vérité, car enfin, si Nadja « en était », La face cachée en serait assurément, mais tel n'est pas mon avis...
Rarement roman publié sous label SF n'aura été aussi superbement détaché des actuelles préoccupations de cette même SF. Denoël avait réédité La forteresse de coton, puis publié Le dormeur s'éveillera-t-il ? Calman-Lévy nous proposa Y a quelqu'un ? puis cette Face cachée... Inutile de préciser davantage : ceux qui ne considèrent plus Curval comme un romancier de SF feront des économies cette fois encore. Quant à ceux, dont je suis, qui voient en lui un des romanciers les plus puissants et les plus originaux de sa génération, qu'ils n'hésitent pas l'ombre d'une seconde.
La SF est pourtant présente dans l'intrigue : en ces années d'ardente colonisation spatiale, Chula est une planète-relais d'une importance stratégique considérable. Et les humains ne savent plus quoi tenter pour s'en assurer le contrôle, les grands moyens ayant échoué lamentablement. Raison évidente : sur Chula, la réalité est ce que l'on croit pense, rêve être réalité. D'où quelques problèmes, on le comprend.
Ne croyez pas ce que raconte la jaquette du livre : Curval ne « rompt » absolument pas « avec le style et l'atmosphère de ses précédents romans ». Il y a même ici une continuité parfaite et évidente avec ses écrits antérieurs, la continuité d'une certaine tradition surréaliste, la faculté de poser de manière singulière des questions tout aussi singulières.
Fidèle à ses préoccupations humanistes, Curval part une fois de plus en guerre contre le colonialisme, et il réitère l'affirmation selon laquelle les peuples auraient le droit de disposer d'eux-mêmes, le droit de suivre le chemin qu'ils se sont tracé, le droit de vivre ce rêve à peine éveillé qu'est la vie.
La face cachée du désir est un hymne à la vie, à la liberté, au respect d'autrui et de ses convictions, à la non-violence comme moteur essentiel de la révolte et du refus.
Une chose étonnante au sujet de « Dimensions SF » est le décalage existant entre la qualité des ouvrages étrangers qui y sont traduits et celle des romans français qui y fleurissent depuis l'an dernier. En effet, si on excepte le Douay (loin d'être son meilleur, au demeurant !), on se retrouve devant un choix pour le moins hasardeux, qui ne devrait pas exister dans une collection à ce prix-là.
Il est évident qu'après une nullité du calibre de La lune noire d'Orion, on pouvait s'attendre à tout. Et on a eu Curval. Pourtant, son roman possède des qualités d'écriture certaines. Philippe Curval est un styliste confirmé, qui sait donner une épaisseur littéraire à ce qu'il raconte. Seulement le problème est qu'il n'a pas grand-chose à raconter, et que sa prétendue importance dans la SF française tient plus du mythe publicitaire que d'autre chose... Jamais il n'a eu l'inspiration d'un Jeury, par exemple. Alors, lorsqu'il se met à divaguer sur un thème aussi dangereux que la coexistence de réalités différentes, comme c'est le cas dans La face cachée du désir, il ne subsiste en fin de compte qu'une belle vitrine de mots, dissimulant aux yeux du lecteur un soupçon de néant.
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesAnnick Béguin : Les 100 principaux titres de la science-fiction (liste parue en 1981)