Autour de Standard, l'étoile polaire de l'hyperespace, gravite Chula, planète d'une importance stratégique pour la conquête de la galaxie. Le but des humains est naturellement de se l'approprier afin de poursuivre leur expansion. Mais une étrange fatalité va s'opposer aux desseins des conquérants. Les trois romans « liés entre eux » qui constituent La Face cachée du désir, racontés par Garric, spécialiste en exogénétique et partiellement responsable du plan de conquête, évoquent l'inexplicable échec colonial des humains.
Epopée immobile de la résistance, La Face cachée du désir est aussi une tentative d'approche de mentalités différentes, de rites singuliers, de superstitions extraordinaires. Car les Chulies n'ont pas la même conscience du monde que les Terriens : habitués depuis l'enfance à refouler leurs rêves , ils constituent, une fois devenus adultes, de véritables bombes destinées à faire exploser les apparences. Depuis l'orrhide, désert-mer de glace qui sépare étagonistes, jusqu'aux rivages des mers du Sud en passant par les jungles hyperexotiques de l'Est, le peuple chulie cherche la face cachée du désir dans la chambre noire de la réalité.
Rompant avec l'atmosphère et le style de ses précédents romans, Philippe Curval a écrit ici une superbe « saga » ethnologique ; il y traite, encore une fois, du droit des individus à disposer d'eux-mêmes.
Né en 1929 à Paris, Philippe Curval a exercé de nombreux métiers(camelot, céramiste, photographe, visiteur médical, etc.). Il a participé àun mouvement littéraire inconnu qui réunit en 1953 les rares auteurs descience-fiction français et s'est occupé, sous la direction de ValérieSchmidt, de l'unique librairie du genre, « La Balance ». Ses nouvellescommencent à paraître dans Fiction et Satellite. Il rédige avec JacquesSternberg la revue Le Petit Silence illustré et fait publier ses premiersromans au « Rayon fantastique ». Le Ressac de l'espace obtient le PrixJules Verne 1962. Son oeuvre fera désormais alterner l'insolite (Attention les yeux) et la science-fiction (L'Homme à rebours ; Cette chère humanité, que couronne le Prix Apollo 1976.). Journaliste scientifiquedepuis 1964, Philippe Curval collabore à divers journaux (Galaxie, Le Monde, Magazine littéraire).
1 - Les Roses sans odeur ont une odeur de pommes, pages 9 à 69, nouvelle 2 - Ne serait-ce qu'un festin de plus ?, pages 71 à 140, nouvelle 3 - Derniers regards au-delà du spectre, pages 141 à 188, nouvelle
Critiques
Lent, certes, mais d'une lenteur majestueuse... Luxe ne s'y trouve point, mais Calme et Volupté y sont confortablement installés.
Il faut un certain courage pour s'attaquer au dernier roman de Philippe Curval, et plus d'un lecteur abandonnera avant même la fin de la première partie. Passé maître dans l'art d'enrober de SF ce qui n'en est pas, Curval est là au plus haut de sa forme, et jamais titre de collection n'aura porté aussi haut et fort l'offense à la vérité, car enfin, si Nadja « en était », La face cachée en serait assurément, mais tel n'est pas mon avis...
Rarement roman publié sous label SF n'aura été aussi superbement détaché des actuelles préoccupations de cette même SF. Denoël avait réédité La forteresse de coton, puis publié Le dormeur s'éveillera-t-il ? Calman-Lévy nous proposa Y a quelqu'un ? puis cette Face cachée... Inutile de préciser davantage : ceux qui ne considèrent plus Curval comme un romancier de SF feront des économies cette fois encore. Quant à ceux, dont je suis, qui voient en lui un des romanciers les plus puissants et les plus originaux de sa génération, qu'ils n'hésitent pas l'ombre d'une seconde.
La SF est pourtant présente dans l'intrigue : en ces années d'ardente colonisation spatiale, Chula est une planète-relais d'une importance stratégique considérable. Et les humains ne savent plus quoi tenter pour s'en assurer le contrôle, les grands moyens ayant échoué lamentablement. Raison évidente : sur Chula, la réalité est ce que l'on croit pense, rêve être réalité. D'où quelques problèmes, on le comprend.
Ne croyez pas ce que raconte la jaquette du livre : Curval ne « rompt » absolument pas « avec le style et l'atmosphère de ses précédents romans ». Il y a même ici une continuité parfaite et évidente avec ses écrits antérieurs, la continuité d'une certaine tradition surréaliste, la faculté de poser de manière singulière des questions tout aussi singulières.
Fidèle à ses préoccupations humanistes, Curval part une fois de plus en guerre contre le colonialisme, et il réitère l'affirmation selon laquelle les peuples auraient le droit de disposer d'eux-mêmes, le droit de suivre le chemin qu'ils se sont tracé, le droit de vivre ce rêve à peine éveillé qu'est la vie.
La face cachée du désir est un hymne à la vie, à la liberté, au respect d'autrui et de ses convictions, à la non-violence comme moteur essentiel de la révolte et du refus.
Une chose étonnante au sujet de « Dimensions SF » est le décalage existant entre la qualité des ouvrages étrangers qui y sont traduits et celle des romans français qui y fleurissent depuis l'an dernier. En effet, si on excepte le Douay (loin d'être son meilleur, au demeurant !), on se retrouve devant un choix pour le moins hasardeux, qui ne devrait pas exister dans une collection à ce prix-là.
Il est évident qu'après une nullité du calibre de La lune noire d'Orion, on pouvait s'attendre à tout. Et on a eu Curval. Pourtant, son roman possède des qualités d'écriture certaines. Philippe Curval est un styliste confirmé, qui sait donner une épaisseur littéraire à ce qu'il raconte. Seulement le problème est qu'il n'a pas grand-chose à raconter, et que sa prétendue importance dans la SF française tient plus du mythe publicitaire que d'autre chose... Jamais il n'a eu l'inspiration d'un Jeury, par exemple. Alors, lorsqu'il se met à divaguer sur un thème aussi dangereux que la coexistence de réalités différentes, comme c'est le cas dans La face cachée du désir, il ne subsiste en fin de compte qu'une belle vitrine de mots, dissimulant aux yeux du lecteur un soupçon de néant.
Cité dans les Conseils de lecture / Bibliothèque idéale des oeuvres suivantesAnnick Béguin : Les 100 principaux titres de la science-fiction (liste parue en 1981)